BFMTV
Société

Faut-il ouvrir des salles de shoot en France ?

-

- - -

Relancé par le député Jean-Marie Le Guen, le débat sur les salles de shoot divise en France. Pour certains, elles permettent aux toxicomanes de « prendre le moins de risques possibles » en utilisant leur drogue. Pour d’autres, elles ne sont qu’une « manière cynique de baisser les bras ».

La question revient régulièrement sur le devant de la scène et fait à chaque fois débat sans qu’elle ne soit réellement tranchée : faut-il, oui ou non, installer des salles de consommation, aussi appelées salles de shoot, en France ?
Le député, adjoint au maire de Paris en charge de la santé, et médecin Jean-Marie Le Guen a remis le sujet au cœur des discussions en appelant mardi le gouvernement à les légaliser, arguant que la consommation d’héroïne était actuellement en hausse dans la capitale.

Utilisées dans huit pays européens

Seringues neuves, produits stérilisés et bien sûr personnel de santé qualifié : déjà utilisées dans huit pays européens, dont l’Allemagne, la Suisse ou encore les Pays-Bas, les salles de consommation visent à permettre aux toxicomanes de s’adonner à leur addiction dans de bonnes conditions sanitaires. Les usagers y amènent leur drogue et les professionnels présents sur place n’aident non pas à leur administration mais observent les pratiques. Le cas échéant, ils peuvent conseiller ou proposer un soutien à un toxicomane qui souhaiterait décrocher. 

« Une hausse de 30% des sevrages »

Les usagers, évidemment, sont les premiers à soutenir le projet. Merez, toxicomane de 22 ans en sevrage, raconte : « Parfois, on voit quatre ou cinq personnes dans les toilettes en train de se shooter, s’ils pouvaient avoir un endroit propre, ça va aider les gens ».
Coordinateur du Réseau français de réduction des risques, Pierre Chappard estime entre 5 000 et 6 000 le nombre de morts ces trois dernières années à cause des drogues. Bien sûr, pense-t-il, toutes « n’auraient peut-être pas pu être évitées, mais on sait que les salles de consommation ont un effet sur l’overdose, l’épidémie d’hépatite C, et sur la précarité et la dépendance. Car quand la salle de Vancouver [Canada] s’est ouverte, il y a eu une augmentation du nombre de sevrages dans la ville de plus de 30% ».

« Protéger l’ensemble de la population »

Et s’il y a urgence pour Laurent El Ghozi, médecin hospitalier, élu socialiste à Nanterre et président de l’association Elus, santé publique et territoires, c’est aussi pour la société toute entière qui ne devrait pas avoir à subir les seringues dans les jardins publics et les administrations de drogue dans les cages d’escalier. Car si les salles de consommation ont « comme premier objectif de permettre aux usagers de prendre le moins de risques possibles pour leur santé », elles doivent aussi selon lui « protéger l’ensemble de la population, qui ne peut pas supporter, à juste titre les troubles sociaux et les troubles à l’ordre public ».

« Nous avons déjà un dispositif performant »

Selon un sondage IFOP, 53% des Français se disent favorables à l’ouverture de ces salles de drogue sous contrôle médical. Ce n'est pas l'avis pour autant de Jean-François Lamour, le député de la 13e circonscription de Paris qui ne voit « aucune raison de mettre en place ces salles de shoot », jugeant le système actuel largement suffisant : « Nous avons en France un dispositif très performant, des équipes qui vont là où vont les drogués et les incitent à prendre des produits de substitution ». Les salles de consommation ne seraient alors qu’une hypocrisie face à un problème bien plus complexe. « Elles sont, pour moi, une manière assez cynique de baisser les bras face à un fléau comme celui-là ».

La rédaction avec S. Serais et A. Serres