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Société

Emploi : le gaz de houille pour sauver la Lorraine

Le gaz de houille pourrait être exploité de façon industrielle d'ici 5 à 10 ans

Le gaz de houille pourrait être exploité de façon industrielle d'ici 5 à 10 ans - -

En Lorraine, le gaz de houille, moins polluant à extraire que le gaz de schiste, pourrait représenter un potentiel énorme pour l’économie. Et offrir « plusieurs dizaines d’années d’indépendance » à la France.

Oubliez le gaz de schiste, la solution est peut-être… dans le gaz de houille. Jadis terreur des mineurs, puisqu’il explosait régulièrement (les tristement célèbres « coups de grisou »), ce gaz, présent en quantités colossales dans le sous-sol lorrain, pourrait sauver l’économie de la région marquée par le déclin industriel. Contrairement aux gaz de schistes, l'exploitation du gaz de houille ne nécessite pas de fracturation hydraulique, décriée pour ses conséquences néfastes sur l'environnement et interdite en France depuis juillet 2011. La compagnie EGL a donc été autorisée par la préfecture à lancer quatre forages en Lorraine d'ici deux ans. Elle est certaine de pouvoir prouver que « les conditions sont réunies pour une exploitation à grande échelle ».

« Tout emploi est bon à prendre »

Pour Jean-Pierre Masseret, le président PS du Conseil régional de Lorraine, c’est « une opportunité extraordinaire pour la réindustrialisation de la Lorraine », dix ans après la fermeture des dernières mines et alors que les hauts fourneaux de Florange vont définitivement fermer. « La force de la Lorraine, c’était le charbon, on l’a abandonné. Et voilà que le charbon redevient une matière première tout à fait utile au développement industriel de l’ex-bassin minier. Donc s’il s’agit simplement d’exploiter le méthane, et ensuite le mettre dans de grands tuyaux pour le distribuer, c’est 300 à 400 emplois. Mais si cette matière première peut intéresser des industriels, ça peut être un enjeu plus important. Tout emploi est bon à prendre, c’est un début de satisfaction ».

« Plusieurs dizaines d’années d’indépendance »

Il est vrai que les ressources sont énormes : 371 milliards de mètres cubes selon une étude de l'Institut français du pétrole-énergies nouvelles. La production pourrait permettre d'extraire du sous-sol lorrain l'équivalent de neuf ans de consommation française en gaz, estime EGL. Et plus encore, pour Karim Ben Slimane, responsable du département prévention et sécurité minière du Bureau de recherche géologique et minière (BRGM), un organisme publique. « On pourrait l’avoir à un prix de revient inférieur de moitié au prix du gaz qu’on achète actuellement. Ça peut couvrir la consommation française en gaz pour plusieurs décennies. Une bonne dizaine d’années au moins pour la Lorraine, et potentiellement le Nord-Pas-de-Calais, donc on pourrait avoir plusieurs dizaines d’années d’indépendance. Les couches existent, elles sont connues, et on sait qu’elles contiennent du gaz. Mon sentiment, c’est que d’ici 5 à 10 ans, on sera en exploitation industrielle de ce gaz si on investit en recherche, dans le sens de la recherche pétrolière ».

« Tout se fait dans l’incertitude juridique »

Problème, comme pour le gaz de schiste, l’exploitation du gaz de houille inquiète certains défenseurs de l’environnement, comme Michel Kaspar, le président de l'Association de défense de l'environnement et de lutte contre la pollution. « Tout se fait dans l’incertitude juridique, puisqu’il y a une refonte du code minier en cours, et qui lui-même fait fi des contraintes environnementales. En clair, il est tout à fait possible que vous vous retrouviez avec un pipeline qui passe dans votre jardin et, dans des cas extrêmes, des expropriations ».

« Le risque est faible »

« Le risque zéro n’existe pas, reconnaît Karim Ben Slimane, mais ce risque est faible : on peut exploiter sans injecter ni fracturer, et deuxièmement, l’eau qui va remonter avec le charbon ne devrait pas avoir d’impact négatif pour l’environnement. On a un retour d’expérience, on sait avec certitude que cette eau ne sera pas chargée en métaux lourds ni éléments radioactifs. Maintenant, c’est de la technologie pétrolière : il faut faire des forages, si possible des forages horizontaux, et montrer que le gaz et l’eau vont remonter vers la surface ».

Mathias Chaillot avec Claire Andrieux