BFMTV
Société

Edvige, le fichier qui fâche

Désormais, grâce au fichier Edvige, la police peut recenser des informations très personnelles sur les mineurs de 13 ans et plus, mais aussi sur les responsables politiques et syndicaux : numéros de téléphone, adresses, emails, patrimoine, santé, vie sexu

Désormais, grâce au fichier Edvige, la police peut recenser des informations très personnelles sur les mineurs de 13 ans et plus, mais aussi sur les responsables politiques et syndicaux : numéros de téléphone, adresses, emails, patrimoine, santé, vie sexu - -

Le nouveau fichier de renseignements Edvige continue de faire des remous, jusqu'au sein même du gouvernement. Décryptage.

Edvige est loin de faire l'unanimité. Dans les rangs du gouvernement, les langues se délient. Dernière critique, ce week-end : le ministre de la Défense, Hervé Morin, dit se poser un certain nombre de questions sur le contenu de ce fichier policier. La ministre de l'Intérieur, Michèle Alliot-Marie, lui a répondu hier par l'ironie en déclarant qu'il aurait pu lui téléphoner, elle l'aurait rassuré. Le Premier ministre, François Fillon, a aujourd'hui rappelé à l'ordre Hervé Morin.

Edvige, c'est quoi ?

Tout d'abord, c'est l'acronyme de : Exploitation Documentaire et Valorisation de l'Information Générale. C'est aussi l'actualisation du fichier des Renseignements Généraux créé en 1991. Les nouveautés de ce fichier créé par un décret le 1er juillet : Edvige permet notamment de collecter des informations sur les mineurs âgés d'au moins 13 ans « susceptibles de porter atteinte à l'ordre public », ainsi que sur les personnes « ayant sollicité, ou exercé un mandat politique, syndical ou économique ou qui jouent un rôle institutionnel, économique, social ou religieux significatif » : numéros de téléphone, adresses, emails... mais aussi des informations plus sensibles sur le patrimoine, la santé, la vie sexuelle...

Des nouveautés qui font grincer des dents certains...

Aides, Ligues des Droits de l'Homme, CGT, François Bayrou, Corinne Lepage... De nombreux responsables politiques et associations dénoncent une dérive autoritaire. Ils ont déposé des recours auprès du Conseil d'Etat, qui devrait rendre sa décision sur la légalité du fichier Edvige, fin décembre.

Delphine Batho, secrétaire nationale du PS chargée de la sécurité, explique pourquoi le Parti Socialiste demande le retrait du décret du 1er juillet : « Parce qu'il étend considérablement les informations qui peuvent être fichées sur tout citoyen engagé dans la vie politique et démocratique de notre pays. C'est-à-dire que des informations sur la vie privée, la vie sexuelle, l'entourage, les opinions... peuvent être désormais fichées. Ces informations peuvent être utilisées par le pouvoir politique, notamment pour obtenir des infos sur des élus, des syndicalistes ou des responsables d'associations. »

Le fichier fait également l'objet de sérieuses réserves de la part de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).

Objectif affiché par le gouvernement : mieux lutter contre la délinquance des mineurs, contre les bandes organisées. Arguant d'une « forme de délinquance nouvelle », Frédéric Lefèbvre, porte parole de l'UMP tente de justifier la nécessité d'étendre ce fichier aux mineurs : « il était logique de donner à la police les moyens de collecter des informations sur ces mineurs qui interviennent en bandes organisées ».

Alain Bauer, criminologue, spécialiste des questions de sécurité, revient avec prudence sur le principe du fichage des mineurs : « Le fichage, c'est comme la pêche à la ligne. Ce qui est important, c'est l'analyse, le contrôle du fichier, la manière dont on est sûr que de mauvaises informations en sont enlevées et que les bonnes informations sont bien traitées et analysées en fonction d'un objectif initial. »

La rédaction, avec Céline Pitelet