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Tollé contre un décret ouvrant la profession d'avocat

Un décret permettant aux anciens ministres et parlementaires de devenir avocats sans avoir à passer par une formation suscite de vives réactions de la part du parti socialiste et du barreau, qui y voient une manière de recycler la classe politique. /Photo

Un décret permettant aux anciens ministres et parlementaires de devenir avocats sans avoir à passer par une formation suscite de vives réactions de la part du parti socialiste et du barreau, qui y voient une manière de recycler la classe politique. /Photo - -

Un décret permettant aux anciens ministres et parlementaires de devenir avocats sans avoir à passer par une formation suscite de vives réactions de la part du parti socialiste et du barreau, qui y voient une manière de recycler la classe politique.

Le décret du 3 avril concerne les anciens ministres, les parlementaires mais aussi leurs assistants et collaborateurs à la condition qu'ils justifient "de l'exercice d'une activité juridique à titre principal avec le statut de cadre pendant huit ans".

Cette définition s'applique à "ceux qui ont exercé des responsabilités publiques les faisant directement participer à l'élaboration de la loi pendant huit ans" et leur permettra d'accéder à la profession d'avocat en les dispensant "de toute formation théorique et pratique" et sans devoir être titulaire du certificat d'aptitude à la profession d'avocat (CAPA).

Le sénateur socialiste André Vallini, chargé du dossier justice dans l'équipe de François Hollande, et Marie-Pierre de la Gontrie, secrétaire nationale du PS chargée de ce dossier, ont vivement critiqué ce décret jeudi dans un communiqué.

"Si l'ouverture de la profession d'avocat peut être parfois une richesse, ce ne doit pas être l'occasion d'en brader la particularité ni d'en remettre en cause l'exigence de compétence et de déontologie", déclarent les deux dirigeants socialistes.

"Si la gauche l'emporte, nous devrons l'abroger et engager une concertation avec les organisations professionnelles sur les conditions d'accès à la profession d'avocat", ajoutent-ils.

Le député PS François Loncle avait lui aussi dénoncé mardi, dans un communiqué, ce "scandaleux décret", estimant que "cette dérogation équivaut à un privilège éhonté".

"Si cette singulière règle était extrapolée", elle permettrait à un ministre de l'Intérieur "d'endosser l'imperméable du commissaire Maigret" ou à un ministre de la Santé de "revêtir la blouse blanche de chirurgien", ajoutait-il.

"Ce passe-droit est indigne et méprisable", car "non seulement il dégrade la belle profession d'avocat mais (il) accroît les risques de conflits d'intérêts et même de trafics d'influence", poursuivait-il.

François Loncle demande ainsi au Premier ministre, François Fillon, qui pourrait lui aussi porter la robe d'avocat, de "justifier la date de publication de ce décret à quelques semaines d'échéances électorales importantes".

Il souhait également savoir "si les membres du gouvernement et les députés de la majorité sortante cherchent ainsi une solution préventive de reconversion professionnelle".

La profession est également mobilisée contre ce décret.

"Le barreau n'est pas une maison de recyclage", s'indigne dans un communiqué Me Christian Charrière-Bournazel, président du Conseil national des barreaux (CNB), qui représente les quelque 54.000 avocats du pays.

Le CNB a annoncé son intention de contester le décret devant le Conseil d'Etat.

Des hommes et des femmes politiques - plusieurs sont avocats de profession comme Nicolas Sarkozy ou Arnaud Montebourg - sont de plus en plus nombreux depuis ces dernières années à prêter serment pour devenir avocat.

Parmi ces derniers figurent Rachida Dati (UMP), ancienne garde des Sceaux, l'ancien Premier ministre Dominique de Villepin, l'ancienne députée et candidate PS à l'Elysée Ségolène Royal, le ministre Frédéric Lefebvre (UMP) ou les députés Noël Mamère (EELV), Dominique Perben (UMP), Christophe Caresche (PS).

Emile Picy, édité par Yves Clarisse

REUTERS