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Sécurité: les zones fumeurs vont-elles faire leur retour dans les lycées?

Un lycéen fume dans une cour de récréation (photo d'illustration)

Un lycéen fume dans une cour de récréation (photo d'illustration) - Valéry Hache-AFP

Après les attentats du 13 novembre, certains chefs d'établissements avaient remis en place des zones fumeurs, avec le feu vert du ministère de l'Éducation nationale, au nom de la sécurité des élèves. Alors que la rentrée approche, des discussions sont en cours entre plusieurs ministères pour redéfinir la politique à mettre en place.

L'état d'urgence ayant été prolongé jusqu'au 1er novembre, les lycéens qui font leur rentrée lundi prochain seront-ils autorisés à fumer dans leur établissement? Alors que les mesures de sécurité ont été renforcées dans de nombreux collèges et lycées et que le niveau Vigipirate "sécurité renforcée-risque attentat" s'applique sur l'ensemble du territoire, les zones fumeurs apparues ces dernières années dans certains établissements pourraient faire leur retour.

Des "zones spécifiques" après le 13 novembre

En principe, la loi Evin interdit de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif, un décret de 2006 proscrit par ailleurs le tabac dans tout lieu public dont les collèges et lycées, y compris dans les endroits ouverts comme les cours de récréation. Les lycéens, autorisés à sortir fumer pendant l'interclasse, le font pour beaucoup devant l'entrée de leur lycée. Mais dans les grandes villes notamment, ces entrées donnent directement sur la rue. Les collégiens, eux, n'y sont pas autorisés et ne sont donc pas concernés.

Mais après les attentats du 13 novembre 2015, les ministères de l'Éducation et de l'Intérieur ont provisoirement toléré le tabac au sein des établissements au nom de la sécurité des élèves. Une circulaire autorisant la création de "zones spécifiques" a vu le jour, interprétée par les proviseurs comme le feu vert aux retours des zones fumeurs. Plusieurs associations de lutte contre le tabagisme ont intenté des actions en justice afin de dénoncer cette tolérance, contraire à la loi. 

Des discussions mais pas encore de décision au ministère

Comme l'indiquent les consignes de sécurité du ministère de l'Éducation nationale publiées sur son site au mois de juin dernier, "une attention particulière doit être portée aux abords de l'établissement, en évitant tout attroupement préjudiciable à la sécurité des élèves". Si elle n'est pas clairement évoquée, la présence de zones fumeurs semble ainsi toujours tolérée.

"En lycée, des zones spécifiques peuvent être aménagées dans les espaces extérieurs au sein des établissements scolaires pour éviter que les élèves sortent pendant la journée", poursuit le ministère.

Pour cette rentrée, aucune décision n'a encore été prise officiellement. Contacté par BFMTV.com, le ministère de l'Education nationale explique que cette épineuse question a été abordée lors de discussions avec les ministères de la Santé et de l'Intérieur, afin de déterminer la politique qui sera mise en place cette année. "On en est aux questions", précise le ministère, qui n'est pour le moment pas en mesure de dire à quelle date la décision sera prise.

Ne pas opposer lutte contre le terrorisme et santé

Pour Clémence Cagnat-Lardeau, directrice de l'association Alliance contre le tabac, le retour des zones fumeurs serait une très mauvaise nouvelle. 

"On ne peut pas revenir sur trente ans de lutte contre le tabagisme", s'indigne-t-elle pour BFMTV.com. "Protéger les enfants du tabagisme est aussi important que les protéger contre le terrorisme, on peut faire les deux en même temps. Il ne faut pas opposer sécurité et santé même si je reconnais que c'est un débat très compliqué".

Selon cette militante, alors que l'État est engagé dans la lutte contre le tabagisme, avec un prochain plan anti-tabac et l'augmentation de la fiscalité sur les paquets de cigarette, cette "note discordante" provoquerait un "couac gouvernemental". Yves Martinet, président du Comité national contre le tabagisme, va encore plus loin. Pour lui, les circonstance actuelles devraient être pour les chefs d'établissement "un moment privilégié pour aider les jeunes fumeurs à arrêter de fumer".

"Ce n'est pas un produit banal"

"On interdit de fumer dans les établissements scolaires car c'est efficace pour la dénormalisation du tabac: ce n'est pas un produit banal, c'est un produit qui tue. Il faut prévenir la consommation car on commence en général à fumer entre 14 et 18 ans", rappelle-t-il, contacté par BFMTV.com.

"Quand un lycéen monte dans un avion pour l'Australie, il ne va pas fumer pendant douze heures. Eh bien ce qui est possible dans un long courrier est possible dans un lycée", fait-il valoir, se disant prêt à mener de nouvelles actions en justice contre les établissements si nécessaire. 

Mais sur le terrain, l'équation semble bien compliquée à résoudre. Pour Stéphane Crochet, secrétaire général du syndicat d'enseignants SE-Unsa, c'est la sécurité qui doit primer.

"C'est très compliqué pour la vie des établissements de trouver le bon moyen de protéger leurs élèves. Ça ne suffit pas de dire qu'ils ne devraient pas fumer. Dans la réalité, c'est très compliqué de programmer un regroupement d'élèves toutes les deux heures, sur le trottoir, devant l'établissement. Quand on fait ça, on n'assure pas la sécurité".

Céline Hussonnois-Alaya et Charlie Vandekerkhove