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Pourquoi la réforme du lycée menace les conseils de classe

Avec la réforme du lycée, les cours de spécialité représentent presque autant d'heures que ceux du tronc commun. Ce qui va compliquer les conseils de classe à la fin du trimestre.

La réforme du lycée aura-t-elle la peau des conseils de classe? Avec la disparition des filières et l'emploi du temps à la carte selon le choix des spécialités, les élèves d'une même classe passent depuis la rentrée scolaire moins de temps ensemble. Au total, en première et en terminale, le tronc commun représente seize heures, contre douze pour les spécialités, sans compter les options.

  • Des conseils de spécialité

Pour les établissements, cela implique une nouvelle logistique quant à l'organisation des conseils de classe qui pourraient à la fin de ce premier trimestre réunir plusieurs dizaines d'enseignants. "On n'imagine pas que le conseil de classe puisse rester en l'état", assure à BFMTV.com Philippe Vincent, secrétaire général du syndicat des chefs d'établissement SNPDEN-Unsa, pour qui le nombre de 50 professeurs par classe avancé par certains syndicats n'est pas crédible. "On serait plutôt autour de 20 enseignants", précise Philippe Vincent, également proviseur d'un lycée à Aix-en-Provence.

Dans le détail, il faut compter les enseignants des sept disciplines du tronc commun plus ceux des spécialités (trois obligatoires par élève), sachant qu'une classe compte plusieurs combinaisons différentes de spécialités ainsi que plusieurs enseignants par spécialité. 

C'est pour cela que certains militent pour la mise en place de conseils de spécialité, en plus des conseils de tronc commun. Ce que défend Thierry Patinaux, membre du syndicat d'enseignants SE-Unsa et professeur de mathématiques. "Le système en vigueur ne va pas pouvoir continuer à fonctionner longtemps", pointe-t-il pour BFMTV.com.

"On voit bien que ce n'est pas tenable sans compter que les professeurs ne peuvent pas assister à tous les conseils de classe."

Les conseils de spécialité réuniraient ainsi tous les enseignants d'une même discipline. Et l'un d'entre eux serait délégué pour parler au nom de ses collègues lors du conseil de classe. Une piste que désapprouve Claire Guéville, secrétaire nationale responsable du lycée au Snes-FSU et professeure d'histoire-géographie. "Cela signifie que l'on va juger le travail d'un élève sur une spécialité sans tenir compte du reste, ça n'a aucun sens, regrette-t-elle auprès de BFMTV.com. Cela va atomiser le suivi des élèves."

  • Des professeurs référents

À l'heure actuelle, la tenue du conseil de classe trois fois par an avec les enseignants concernés est une obligation. Mais d'autres plaident pour la création de professeurs référents, en plus voire à la place des professeurs principaux. Ils auraient en charge le suivi d'un groupe d'élèves. Ce que défend Alexis Torchet, secrétaire national du Sgen-CFDT. Selon lui, ce "tutorat" permettrait d'offrir une plus grande individualisation du suivi des élèves.

"Ces professeurs suivraient la scolarité d'un groupe d'élèves, l'équivalent d'une demi ou d'un tiers de classe, de la première à la terminale sans forcément les avoir en cours", explique-t-il à BFMTV.com.

Une mauvaise idée, estime Jean-Rémi Girard, président du Syndicat national des lycées et collèges (Snalc) et enseignant de lettres modernes à Asnières-sur-Seine, dans les Hauts-de-Seine. Il craint que cela ne multiplie les interlocuteurs. "À qui faudra-t-il s'adresser? Au professeur principal ou au professeur référent? Cela va créer de la confusion." D'autant que selon lui, une telle initiative serait impossible à mettre en place.

"J'ai fait le calcul dans mon lycée. Si l'on constitue des groupes de 14 élèves, cela signifie que chaque enseignant aura un groupe à sa charge. Or, certains professeurs travaillent sur deux établissements, d'autres enseignent à de tous petits groupes, notamment les LV3, il y en a aussi qui sont à temps partiel. Et puis un professeur référent pour des élèves de différentes classes, cela ne fait pas forcément sens."
  • Vers la disparition de la classe?

Également membre du comité de pilotage de la réforme du lycée, Jean-Rémi Girard milite pour que les conseils de classe tels qu'ils existent aujourd'hui perdurent. "La notion de classe est structurante avec tout ce qu'elle implique, notamment les délégués et les professeurs principaux". Il plaide néanmoins pour des aménagements, notamment la possibilité que certains enseignants ne soient pas physiquement présents mais puissent contribuer par le biais d'une participation écrite, ce qui est déjà le cas lorsque deux conseils ont lieu en même temps. 

Mais pour Thierry Patinaux, du SE-Unsa, la notion de classe est bel et bien dépassée. "C'est une tradition qui fait sens au primaire et au collège mais au lycée, on pourrait s'en passer", estime-t-il.

"Ouvrir les spécialités et mélanger les élèves a été la première étape pour rendre le lycée plus modulaire dans la perspective de l'enseignement supérieur. La prochaine sera de supprimer les classes."

La prochaine réunion du comité de suivi de la réforme du lycée qui se tiendra en décembre apportera peut-être un début de réponse.

Céline Hussonnois-Alaya