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Mathématiques: le décrochage des filles s'observe dès le CP, selon une nouvelle étude

Une élève présente en classe (photo d'illustration)

Une élève présente en classe (photo d'illustration) - Martin BUREAU © 2019 AFP

Ce décrochage s'obverse dans tous les milieux sociaux et "interroge sur le poids des stéréotypes de genre qui pèsent sur les élèves", selon l’Institut des politiques publiques (IPP).

Les filles moins fortes en maths? Alors qu'à l'entrée en cours préparatoire (CP) les filles ont le même niveau de mathématiques que les garçons, elles décrochent en moyenne dès le milieu de l'année. Un décrochage amplifié et confirmé à l'entrée en CE1, rappelle l’Institut des politiques publiques (IPP) ce mercredi 24 janvier.

Si le constat est déjà connu, "ce décrochage est observé partout dans la société, car il touche tous les milieux sociaux, tous les types d'école et tout le territoire", a résumé à l'AFP un des auteurs de la note, l'économiste Thomas Breda, chargé de recherche CNRS et professeur à l'École d'économie de Paris (PSE).

Une étude menée sur 2,5 millions d'enfants

L'équipe de l'IPP a travaillé à partir des évaluations nationales standardisées, des tests de français et de mathématiques administrés à tous les écoliers à l'entrée en primaire, puis en milieu d'année et enfin à l'entrée en CE1.

Une étude "exhaustive" sur une cohorte de 2,5 millions d'enfants scolarisés sur la période 2018, date de création des évaluations, jusqu'en 2022. Qui mesure leur capacité à additionner, lire, écrire et comparer des nombres, mais aussi avoir un début de notion de quantité.

Pour chaque année, ces élèves entrant en CP ont été classés en fonction de leurs résultats aux tests, avant de vérifier leur progrès ou recul dans ce classement en milieu d'année puis à l'entrée en CE1.

L'étude remarque que pour le français, les filles ont un avantage marqué dès le début, qu'elles conservent un peu moins en CE1. En revanche, pour les mathématiques elles perdent du terrain dès la mi-parcours et jusqu'à l'entrée en CE1.

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Dans cette discipline, le décrochage est même plus marqué chez les filles les plus performantes. La variété de facteurs sociaux ou familiaux ne change rien, avec même un décrochage plus prononcé chez l'enfant d'un milieu favorisé, ou moins marqué chez celui appartenant à une famille monoparentale ou élevé par d'autres personnes que ses parents.

Quant au fait d'avoir deux parents enseignants ou scientifiques, "ça ne joue pas". Pas plus que d'étudier dans le public ou le privé, une école confessionnelle ou laïque, avec une pédagogie "classique" ou Montessori.

Seule exception, avec un décrochage moindre, les réseaux d'éducation prioritaire, caractérisés par des tailles de classe réduite, davantage de soutien scolaire et des équipes pédagogiques renforcées.

Le poids des stéréotypes de genre

Sans facteur biologique ou génétique expliquant ce décrochage aussi soudain que général, la note "interroge sur le poids des stéréotypes de genre qui pèsent sur les élèves", et "suggère que ceux-ci diffusent tôt et très largement dans la société".

C'est "possiblement lié à d'autres types de stéréotypes sur le genre de compétences permettant d'être bon en mathématiques, comme la 'bosse des maths'", remarque Thomas Breda.

"Quand il s'agit de se représenter quelqu'un de très intelligent, les élèves pensent plutôt à des hommes", suggère encore le chercheur en avançant des hypothèses d'autres études.

L'étude a confirmé l'existence de rares facteurs mitigeant, comme le sexe de l'enseignant ou la part de filles dans la classe. Mais ils "ne permettent pas de résorber le décalage", selon Thomas Breda.

D'autres mécanismes, restant à identifier, pourraient être à l'oeuvre. Une hypothèse serait qu'à l'âge concerné, les petits garçons jouent à des jeux "genrés" où ils comptent, comme le football ou les billes. Cette différenciation filles-garçons vis-à-vis des mathématiques a des implications plus tardives.

Selon la note, l'intériorisation des stéréotypes, "associant davantage aux hommes qu'aux femmes les capacités intellectuelles de haut niveau", va influencer les choix scolaires ultérieurs.

En 2021, les femmes représentaient à peine un tiers des diplômés dans le domaine des sciences, technologie, ingénierie et mathématiques.

O.E. avec AFP