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Le niveau des élèves français stagne, dans la moyenne de ceux de l'OCDE

Les élèves français de 15 ans obtiennent des résultats similaires à la moyenne des pays de l'OCDE, selon une enquête du Programme international de l’OCDE pour le suivi des acquis des élèves (Pisa). Mais cette étude note qu'ils sont beaucoup plus touchés par les écarts de scores en raison de fortes inégalités dans l'Hexagone.

“Un élève moyen.” C’est ainsi qu’Éric Charbonnier, analyste à la Direction de l'Éducation de l'OCDE, qualifie la France au regard de ses résultats à la dernière enquête Pisa 2018 (Programme international de l’OCDE pour le suivi des acquis des élèves).

Menée tous les trois ans depuis 2000 dans tous les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques ainsi que dans plusieurs dizaines d’autres États, cette étude évalue les connaissances des élèves de 15 ans en compréhension de l’écrit, en mathématiques et en sciences. En tout, des élèves venant de 79 pays - dont les 36 États membres de l’OCDE - ont participé à ces tests.

Il ressort de cette enquête que dans les trois matières évaluées, les jeunes Français obtiennent des résultats similaires à la moyenne totale des pays de l’OCDE. Sur une échelle de 0 à 1000, leur score s’élève en moyenne à 493 en compréhension écrite (contre 487 pour l’OCDE), à 495 en mathématiques (contre 489 pour l’OCDE) et à 493 en sciences (contre 489 pour l’OCDE). Des performances qui n’ont pas connu d’évolution notable depuis la première édition du test Pisa, en 2000.

La France se positionne ainsi entre la 15e et la 20e place du classement des pays de l’OCDE en compréhension de l’écrit, entre la 15e et la 24e place en mathématiques et entre la 16e et la 23e place en sciences. Parmi les meilleurs élèves de l'OCDE, toutes épreuves confondues, on trouve notamment le Japon, la Corée, l'Estonie, les Pays-Bas, la Pologne, la Suisse ou encore le Canada.

La France, l’un des pays les plus inégalitaires de l’OCDE

Mais derrière ces résultats globaux se cache une autre réalité. Si l’enquête Pisa évalue le niveau moyen des élèves, elle met également les résultats obtenus en perspective avec de nombreux autres paramètres, tels que l’origine sociale des répondants, leur sexe, ou encore le ressenti qu’ils ont de leur environnement scolaire. Et au regard de ces données, les résultats de la France s’avèrent parfois inquiétants.

“La France a un niveau moyen, donc on peut dire que c’est honorable (...) Mais elle est toujours, en 2018, l’un des pays les plus inégalitaires de tous les pays de l’OCDE. C’est bien là le problème qui revient année après année dans les études Pisa”, déplore Éric Charbonnier.

L’origine sociale pèse plus lourd qu'ailleurs

Première et principale source d’inégalité: l’origine sociale des élèves. La France est en effet l’un des pays de l’OCDE où l’on a le moins de chance de réussir quand on vient d’un milieu défavorisé.

“C’est particulièrement inquiétant. En France, un élève d’un milieu défavorisé a cinq fois plus de risques de se retrouver parmi les élèves en difficulté qu’un élève d’un milieu favorisé”, résume l’analyste.

Ainsi, les élèves français issus de milieux socio-économiques aisés ont, en moyenne, obtenu des résultats supérieurs de 107 points à ceux des élèves défavorisés. La moyenne de l’OCDE n’est que de 89 points.

En outre, même quand ils signent de bonnes performances au test Pisa, les élèves défavorisés affichent moins d’ambition que les élèves de milieux favorisés.

“20% d’entre eux n’envisagent pas de continuer leurs études une fois obtenu le bac. C’est un véritable problème parce que même quand on est brillant et qu’on a compensé son handicap socio-économique, on a peu d’ambition. C’est-à-dire que les milieux dans lesquels on vit influent (sur) les performances mais influent aussi sur l’ambition de réussir sa vie future. C’est presque un élément plus inquiétant que le niveau d’inégalité du système français”, analyse Éric Charbonnier.

Les élèves issus de l’immigration plus en difficulté

L’enquête Pisa 2018 révèle également que les élèves français issus de l’immigration obtiennent en moyenne des résultats bien inférieurs à ceux n'étant pas issus de l’immigration. L’étude note par exemple que l'écart moyen en compréhension de l’écrit entre les élèves issus de l’immigration et élèves issus de l'immigration est de 52 points en faveur de ces derniers. Là encore, la France fait figure de mauvais élève au sein de l’OCDE, où cet écart n’est “que” de 41 points. 

Une différence d’autant plus marquée en France chez les élèves immigrés de première génération - qui ne sont pas nés sur le territoire national - qui obtiennent en moyenne un score inférieur de 77 points par rapport à ceux des étudiants non-issus de l’immigration. À titre de comparaison, l’écart moyen de l’OCDE est de 54 points.

À noter qu’en France, ces élèves issus de l’immigration ont également tendance à être issus de milieux plus défavorisés que les non-immigrés.

Un climat scolaire peu favorable à l’amélioration des résultats

Outres les résultats obtenus, la France se classe également parmi les - très - mauvais élèves de l’OCDE au regard du climat qui règne au sein des établissements scolaires de l’Hexagone. Les jeunes Français sont en effet énormément concernés par les problèmes de discipline. À titre d’exemple, “il n’y a qu'en Argentine et au Brésil (parmi les pays ayant participé au test Pisa) où l'indice du climat de discipline est inférieur à la moyenne observée en France”.

Un élève sur deux déclare ainsi qu’il y a du désordre dans la plupart ou dans tous les cours en France, contre un sur trois en moyenne dans les pays de l'OCDE.

“Il y a un véritable problème de discipline, et particulièrement dans les établissements défavorisés. Nos enseignants sont finalement mal préparés pour gérer des classes de plus en plus hétérogènes”, explique Éric Charbonnier.

Des élèves qui ne se sentent pas accompagnés

L’enquête Pisa relève par ailleurs que les élèves français sont parmi ceux de l’OCDE qui se sentent le moins bien accompagnés par leurs enseignants.

“Les élèves français sont parmi ceux qui déclarent le plus manquer de soutien de leurs enseignants, notamment quand ils ont des difficultés. Là encore, c’est un des éléments qui mériterait d’ouvrir une véritable réflexion sur le métier d’enseignant”, juge l’analyste de l’OCDE.

Moins d'un élève français sur quatre (contre un sur trois, en moyenne, dans les pays de l'OCDE) assure ainsi que son professeur met en évidence ses points forts. De même, moins de deux élèves sur cinq en France disent que leur professeur leur explique souvent ou toujours comment améliorer leurs résultats. Contre près d’un élève sur deux, en moyenne, dans les pays de l’OCDE.

Des "bons" points?

L’étude Pisa relève tout de même que la France ne fait heureusement pas partie des plus mauvais élèves dans toutes les catégories. Ainsi, environ 20% des Français de 15 ans déclarent être victimes d’acte de harcèlement au moins quelques fois par mois. Une proportion, certes, déjà beaucoup trop élevée, mais inférieure de trois points à la moyenne des pays de l’OCDE. Les élèves français sont également parmi ceux qui se sentent le moins en compétition avec les autres étudiants de leurs établissements (40%, contre 50% pour l’OCDE).

La France reste cependant un pays où les différences entre les sexes sont très marquées, aussi bien au niveau des résultats obtenus qu’au regard des ambitions de carrière. Ainsi, les Françaises obtiennent des résultats bien supérieurs aux garçons en compréhension de l’écrit (25 points de différence en moyenne) mais inférieurs en mathématiques (6 points d’écart). Et même lorsqu’elles signent de bons scores en sciences ou en maths, seules une sur six souhaitent s’orienter vers des études dans ce domaine, contre un garçon sur trois.

Comment résoudre ces inégalités?

Si la crise économique de 2008 peut expliquer en partie les écarts de performances et les inégalités relevées par l’étude Pisa, elle n’est pas le seul facteur, selon Eric Charbonnier. “On a des exemples, comme le Portugal, qui a subi la crise économique de façon beaucoup plus forte qu’en France. Et finalement, c’est l’un des pays qui progresse année après année”, note-t-il. La solution? “Bien cibler les politiques d’éducation”, selon l’analyste.

“Tout n’est pas une question d’argent et d’investissement. (...) L’exemple du Portugal est intéressant parce qu’il y a eu des investissements dans les premiers niveaux d’éducation, dans les établissements défavorisés, surtout avec des partenariats qui se sont créés entre les acteurs locaux, au niveau des municipalités, et les écoles.”

“Il faudrait peut-être réfléchir à ce genre de mesure en France (...) Pour que la lutte contre l’échec scolaire soit quelque chose de global et qu’elle ne se limite pas aux murs de l’école”, estime-il.

Juliette Mitoyen