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L'interdiction du téléphone portable au collège ne fait pas l'unanimité

Jean-Michel Blanquer, le ministre de l'Éducation nationale, souhaite interdire les téléphones portables au collège, où ils sont pourtant déjà officiellement prohibés. Une mesure peu judicieuse, selon deux syndicats.

C'était une promesse de campagne d'Emmanuel Macron. Jean-Michel Blanquer a indiqué dans un entretien à L'Express paru ce mercredi qu'il souhaitait interdire les téléphones portables au collège. Comme "en conseil des ministres", a comparé le ministre de l'Éducation nationale.

"Nous déposons nos portables dans des casiers avant de nous réunir. Il me semble que cela est faisable pour tout groupe humain, y compris une classe."

Les portables déjà interdits

Cette mesure pourrait améliorer les résultats scolaires des collégiens. Selon une étude de la London School of Economics menée auprès de 91 écoles britanniques, les élèves qui fréquentent des écoles où le téléphone est interdit ont de meilleurs résultats que les autres. Cette interdiction permettrait même de gagner une semaine de classe, comme le souligne l'étude.

Or, l'interdiction du portable au collège est déjà en vigueur. Le code de l'éducation, depuis la loi du 12 juillet 2010 dite Grenelle 2, instaure l'interdiction pour les élèves d'utiliser un téléphone mobile dans les écoles maternelles, élémentaires et les collèges. Mais comme le souligne un sénateur, le texte n'est pas suffisamment appliqué, faute de sanctions prévues.

"Il y aura toujours des troubles à l'ordre scolaire"

Pour les syndicats, Jean-Michel Blanquer semble oublier que les enseignants, conseillers et assistants d'éducation veillent déjà à la non utilisation des téléphones portables dans l'espace de vie scolaire, comme le rappelle pour BFMTV.com Lysiane Gervais, secrétaire nationale du SNPDEN-Unsa, le syndicat des chefs d'établissement.

"Dans 97% des collèges, l'utilisation du portable est interdite. Bon an, mal an cela fonctionne. Si un élève utilise son téléphone ou s'il sonne en cours, l'appareil est confisqué et remis aux parents."

Selon Lysiane Gervais, également principale d'un collège à Bordeaux, une interdiction totale est "impossible à gérer".

"Quand on est sur le terrain, on s'en rend bien compte. Comment procéder alors que nous n'avons pas le droit de fouiller les élèves? Faudra-t-il installer des détecteurs de téléphones? On va jouer au chat et à la souris."

Catherine Nave-Bekhti, secrétaire générale du Sgen-CFDT, est du même avis et juge cette nouvelle prohibition inutile. "Ajouter de l'interdiction à l'interdiction ne dit pas comment on règle le problème", ajoute la syndicaliste pour BFMTV.com. "C'est comme les stylos utilisés comme des sarbacanes, il y aura toujours des troubles à l'ordre scolaire."

"Ce n'est pas raisonnable"

S'inspirer des casiers du conseil des ministres? Difficilement applicable, estime-t-elle, ne serait-ce que d'un point de vue matériel.

"Tous les collèges ne sont pas équipés de casiers, dans d'autres établissements deux élèves s'en partagent un, indique Catherine Nave-Bekhti. Cela nécessite des équipements et une organisation particulière. Les élèves devront-ils les déposer en début de journée? Ou avant chaque heure de cours? Et quelle responsabilité en cas de dégradation?"

Lysiane Gervais a les mêmes inquiétudes. "Le conseil des ministres, c'est une fois par semaine. Nous, c'est tous les jours, sachant que les élèves ne commencent pas tous à la même heure dans des établissements qui peuvent accueillir jusqu'à 800 ou 900 collégiens. S'il faut qu'ils déposent à chaque heure de cours leur téléphone, cela va être une perte de temps énorme. Ce n'est pas raisonnable."

Le risque de se priver d'outils numériques

Sans compter que se priver des téléphones portables pourrait également entraver les méthodes scolaires les plus innovantes. "Certains enseignants développent un usage pédagogique des outils numériques", assure la représentante du Sgen-CFDT. "Comme des applications qui permettent à l'élève de synthétiser ce qu'il a fait pendant l'heure de cours." Autre inconvénient, selon Catherine Nave-Bekhti: priver les adolescents d'un apprentissage sur l'utilisation raisonnée d'Internet et des réseaux sociaux.

"Les enseignants font réfléchir leurs élèves quant à leur trace numérique, à la question de la diffamation, au droit à l'image et au respect d'autrui. Les outils numériques contribuent à la formation des élèves. On aurait préféré une réflexion collective sur la place du numérique à l'école plutôt que de découvrir que le sujet serait à nouveau relancé, sans concertation."

Céline Hussonnois-Alaya