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L'Education nationale renforce-t-elle les inégalités ?

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L’Etat dépense 47% de plus pour un lycéen parisien que pour un lycéen de banlieue. Chiffres à l’appui, la Cour des comptes montre que les moyens de l’Education nationale sont très inégalement répartis. Les enseignants des zones défavorisées dénoncent « des inégalités creusées à coups de pelleteuse »…

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Dire que les élèves sont mieux lotis dans un grand lycée parisien qu'en zone rurale ou en banlieue est presque devenu un lieu commun, une évidence. Ce qui est nouveau, c'est que cette inégalité a été chiffrée. Selon un pré-rapport de la Cour des comptes publié par le journal Le Monde, la répartition des moyens favorise nettement les élèves des grandes villes et notamment les élèves parisiens. L'Etat, dit la Cour des comptes, dépenserait 47% de plus pour former un élève parisien que pour former un élève de l’académie de Créteil, par exemple. Et 51% de plus pour un Parisien que pour un Niçois.

« Un prof en fin de carrière coûte 2 fois plus cher »

Des écarts qui s'expliquent facilement. « Mécaniquement » même, selon Philippe Tournier, secrétaire général du syndicat national des personnels de direction de l’Education nationale : « Un professeur agrégé en fin de carrière coûte deux fois plus cher qu’un professeur certifié qui débute. Donc la même heure de cours va coûter deux fois plus cher pour le premier. Or, ces profs en fin de carrière sont très massivement regroupés dans les endroits les plus recherchés et donc les plus favorisés : Paris, le centre des grandes villes, le sud de la France, pendant que les zones urbaines, par exemple l’académie de Créteil, accueillent essentiellement des professeurs en début de carrière ».
Pourtant, pour les enseignants des zones défavorisées, la rémunération des enseignants n'explique pas tout : ils constatent sur le terrain que les moyens sont très différents suivant qu'on est à Paris ou de l'autre côté du périphérique. En Seine-Saint-Denis par exemple, la scolarisation des tous petits à partir de 2 ans et demi n'est pas assurée faute de place dans les écoles. Or cette scolarisation précoce a été présentée par le ministère comme un moyen de lutter contre les inégalités. Conclusion de la Cour des comptes : aucun élément attestant d'une politique de réduction des inégalités n'apparait de manière flagrante.

« On a rogné tous les moyens donnés aux ZEP »

Fabienne Chabert, institutrice à Bagnolet, témoigne : « Les inégalités sociales, on les creuse à coups de pelleteuse, parce qu’on a rogné tous les moyens qui étaient donnés pour les zones d’éducation prioritaires (ZEP). Concrètement, à Paris, il y a des intervenants pour les enseignements artistiques ou sportifs ; ce qu’on n’a pas en Seine-Saint-Denis. Donc c’est moi qui fais les arts plastiques avec mes élèves. Il y a aussi le fait que comme on manque de remplaçants, lorsqu’il manque un collègue, les enfants sont répartis dans les autres classes. C’est autant de jours d’enseignement qui sont perdus ».

« 1000 postes supprimés dans le Nord-Pas-de-Calais… »

Jean-Jacques Hazan, président de la Fédération de parents d'élèves (FCPE), le constate aussi : « On dépense plus dans des grandes villes, y compris dans des lycées de centre-ville, que dans des collèges d’éducation prioritaire ; et il faudrait inverser la vapeur. Un exemple : quand on compare le Pas-de-Calais et le 92 [Hauts-de-Seine, ndlr], les ressources qui arrivent dans les caisses départementales ne sont pas les mêmes ; et pourtant l’Etat continue de baisser ces moyens, puisqu’il supprime cette année 1000 postes dans le Nord-Pas-de-Calais. C’est totalement effarant quand on sait que ce n’est pas franchement la région la plus favorisée de France ».

« Le ministère compense les inégalités »

De son côté, Jean-Michel Blanquer, directeur de l'enseignement scolaire, rappelle qu’un « travail considérable est fait par le ministère de l’Education nationale pour compenser les inégalités. Si on compare les académies les unes par rapport aux autres, il n’y a pas une très grande différence, et quand il y en a une, elle est en faveur des régions les plus défavorisées. Par exemple, l’académie qui a la plus forte dotation est Limoges, qui a des difficultés sociales et des problématiques rurales ».

La Rédaction, avec Stéphanie Collié