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L'école amplifie et produit des inégalités sociales, selon une vaste étude

(Photo d'illustration)

(Photo d'illustration) - AFP

Le Conseil national d'évaluation du système scolaire estime que l'école "hérite" et "produit des inégalités sociales". Une étude publiée ce mardi dénonce l'échec du dispositif d'éducation prioritaire, véritable frein à la mixité.

L'école française, mauvaise élève de l'OCDE. Une étude publiée ce mardi par le Conseil national d'évaluation du système scolaire (Cnesco) dresse un sombre état des lieux du système éducatif tricolore.

Selon cette enquête menée durant deux ans par 22 équipes de chercheurs français et étrangers, "l'école amplifie les inégalités sociales". "Les injustices progressent dans l'école française alors qu'à l'étranger des politiques efficaces ont été menées ces quinze dernières années", regrette Nathalie Mons, la présidente du Cnesco.

"Le poids de l'origine sociale des élèves sur leur réussite scolaire est bien plus important chez nous que chez nos voisins comparables et s'est aggravé sur un temps très court", note également Georges Felouzis, un des chercheurs ayant participé au rapport.

Le rapport estime que l'école hérite d'inégalités familiales "mais produit, en son sein, à chaque étape de la scolarité des inégalités sociales de natures différentes qui se cumulent et se renforcent".

L'éducation prioritaire "ne marche pas"

L'organisme scientifique d'évaluation de l'école pointe ainsi un dispositif mis en place depuis plus de trente ans par les gouvernements successifs: l'éducation prioritaire. Un dispositif qui "ne marche pas", estime le rapport, et qui "discrimine" les élèves. Conçue à l'origine pour être temporaire, l'éducation prioritaire perdure encore en 2016, avec des effectifs croissants: 10% des collégiens en 1982, plus de 20% en 2015.

Parmi ses conséquences négatives: la stigmatisation des établissements classés en éducation prioritaire, avec le départ des familles les plus favorisées et la dégradation du niveau des élèves. Souvent défavorisés, ils ont des temps d'enseignement plus courts -notamment à cause de problèmes de discipline-, des enseignants moins expérimentés, un climat scolaire moins favorable et un entourage de "pairs" peu porteur.

"On a plutôt des preuves que ça ne marche pas mais on continue. Les pays qui avaient adopté ce dispositif l'ont tous abandonné, car ses effets pervers sont plus nombreux que les effets positifs", affirme Georges Felouzis.

Un "déterminisme social" dans l'orientation

Professeure de sociologie à l'université de Cergy-Pontoise, dans le Val-d'Oise, Nathalie Mons dénonce également un "déterminisme social" qui progresse dans l'orientation et participe au développement de ces inégalités. 

"Autocensure et manque d'information des parents, paris en termes de filières moins ambitieux des enseignants pour les élèves les plus défavorisés, contextes scolaires ségrégués rabaissant les ambitions scolaires faute de modèles de métiers diversifiés chez les parents des amis: les facteurs sont multiples pour créer des inégalités d'orientation." 

Scolarisation précoce et mixité

Pour lutter contre ces inégalités, le Cnesco préconise la scolarisation précoce. Faire entrer à l'école les moins de 3 ans est un "levier efficace", assure-t-il.

Une initiative que souhaite promouvoir le gouvernement. Najat Vallaud-Belkacem a annoncé mi-septembre vouloir rendre obligatoire, à partir du prochain quinquennat, la scolarité de l'âge de 3 à 18 ans, contre 6 à 16 ans actuellement. Objectif de la ministre de l'Éducation nationale: lutter contre le décrochage scolaire, alors que 110.000 jeunes sortent chaque année de l'école avant d'avoir obtenu une qualification.

Autre solution recommandée: la mixité. Le rapport rappelle que des politiques ont été menées, comme dans l'État du Massachusetts aux États-Unis, où le choix des parents est encadré afin qu'aucune école ne dépasse plus de 15% de taux d'élèves défavorisés.

"Toutes ces politiques et les budgets afférents resteront très peu efficaces si les écoles et les collèges les plus ségrégués ne font pas l'objet d'une politique volontariste de mixité sociale, assure Nathalie Mons. Aucune politique, aucune pratique pédagogique ne résiste aux effets délétères de la concentration extrême des difficultés scolaire et sociale dans des établissements ghettos."

https://twitter.com/chussonnois Céline Hussonnois-Alaya Journaliste BFMTV