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L'apprentissage précoce d'une langue étrangère pas aussi bénéfique qu'espéré

Une salle de classe (photo dillustration)

Une salle de classe (photo dillustration) - Jeff Pachoud-AFP

Depuis la rentrée 2016, les petits écoliers français apprennent une langue étrangère dès le CP. Mais selon une étude réalisée par des spécialistes allemands, cet apprentissage précoce ne serait pas efficace.

Apprendre une langue étrangère dès le plus jeune âge n'est pas forcément synonyme de réussite. Une étude allemande, révélée par Le Figaro, pointe les effets infructueux de l'enseignement des langues vivantes dès l'entrée à l'école primaire.

Selon leurs auteurs, deux spécialistes de l'enseignement de l'anglais à la Ruhr-Universität Bochum, entre Dortmund et Düsseldorf, l'apport de l'enseignement précoce de l'anglais s'estompe avec le temps. Ils ont évalué le niveau dans cette langue au sein de deux groupes de collégiens: le premier a commencé à étudier l'anglais entre 6 et 7 ans, le second entre 8 et 9 ans. 

"Les apprenants plus âgés progressent plus rapidement"

Leurs conclusions sont surprenantes: en classe de quatrième, les adolescents qui ont commencé à apprendre l'anglais plus tardivement sont meilleurs que ceux qui ont commencé à découvrir cette langue plus tôt. "La recherche a constamment montré que les apprenants plus âgés progressent plus rapidement", estiment les chercheurs.

"Les premières années d'anglais avec une ou deux heures par semaine à l'école élémentaire ne sont pas très concluantes en termes de compétences linguistiques à long terme", considère Nils Jäkel, l'un des deux auteurs de l'étude publiée dans la revue Language Learning.

Après avoir découvert l'anglais de manière ludique par les chansons et les histoires, les enfants se démotiveraient en apprenant la grammaire et le vocabulaire. L'étude pointe aussi la difficulté pour les enseignants, qui ne sont pas toujours formés, face à ces nouvelles matières.

Une langue étrangère dès le CP

Depuis la rentrée 2016, sous l'impulsion de la ministre de l'Éducation nationale Najat Vallaud-Belkacem, l'enseignement d'une langue vivante (parmi l'allemand, l'anglais, l'arabe, le chinois, l'espagnol, l'italien, le portugais et le russe, comme le rappelle le site des professionnels de l'éducation) commence dès le CP dans toutes les écoles, contre le CE1 auparavant. Au total, du CP au CM2: 1h30 par semaine consacrée à l'apprentissage d'une langue étrangère ou régionale, comme le rappelle Service-public.

Un saupoudrage inefficace, juge également Jean-Marc Delagneau, président de l'Association des professeurs de langues vivantes, dans Le Figaro.

"Pour apprendre une langue, un temps d'exposition minimal est nécessaire. En primaire, les textes officiels préconisent à peine une heure trente hebdomadaire. Or, nous estimons qu'au-dessous de trois heures, c'est effectivement peu efficace. Le problème est d'ailleurs identique avec la récente réforme du collège: l'introduction d'une deuxième langue vivante dès la classe de cinquième est intéressante. Mais limitée à deux heures par semaine, son apprentissage est forcément fragile."

L'enseignement contribue au "multilinguisme européen"

Selon Nils Jäkel, une "immersion profonde serait nécessaire pour obtenir des effets durables". Il préconise l'enseignement de l'anglais plus tardif mais avec davantage d'heures. Mais estime cependant que l'apprentissage précoce des langues contribue tout de même au "multilinguisme européen auquel nous aspirons, car il ouvre la voie à une acquisition de la langue dans les écoles secondaires. Elles pourraient contribuer à sensibiliser les enfants à la diversité linguistique et culturelle".

Pour son niveau d'anglais, la France se situe à la 29e place, selon le classement établi par Education First. Si l'Hexagone a progressé de 8 places en un an -les Français sont jugés capables d'exprimer des opinions ou des faits sur des sujets de façon limitée et peuvent rédiger des mails professionnels sur des sujets familiers- leur niveau ne leur permet pas en revanche de mener à bien des négociations commerciales ou de manager des équipes anglophones.

Céline Hussonnois-Alaya