BFMTV
Education

Harcèlement scolaire: comment en parler à ses enfants et les aider s'ils sont victimes?

Pour s'emparer du harcèlement, dont les enfants ont du mal à parler, les parents peuvent recourir à la pédagogie, utiliser une œuvre, tout en évitant les questions trop directes au risque de les brusquer.

Le suicide de Nicolas, 15 ans, car victime de harcèlement, démontre une nouvelle fois, l'importance de s'emparer de ce sujet. Tant pour l'Éducation nationale, les élèves, que les parents.

"Il n'est plus possible aujourd'hui de mettre ce sujet sous le tapis. Il faut en parler. On éduque nos enfants aux prédateurs sexuels, à la drogue... Il faut également aborder le harcèlement, sans tabou", affirme Catherine Verdier, psychologue, thérapeute, analyste pour enfants et adolescents.

Un enfant alerte sur le sujet sera plus à même de détecter une situation de harcèlement, qu'il en soit victime ou témoin. Elle ajoute: "il faut enseigner ce qu'est le bien vivre ensemble". Et ce, "dès le plus jeune âge".

Selon la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP), 5,6% d'élèves étaient harcelés en 2017, dont 12% en primaire - 5% de manière sévère -, 5,6% au collège et 4,1% au lycée. L'UNICEF fait quant à elle état d'un enfant sur deux victime de harcèlement dès l'âge de 7 ans, en France, et un adolescent sur quatre à 18 ans.

Aborder le harcèlement via un livre, un film, un article

Si les parents ne savent pas par quel bout prendre ce sujet, la psychologue Catherine Verdier propose de le faire de manière "pédagogique", en "lisant un livre, une BD, en regardant un film..."

"La Guerre des boutons est typiquement un livre qui traite du harcèlement", détaille la spécialiste, elle-même autrice du livre 50 activités bienveillantes pour prévenir le harcèlement scolaire (Ed.Larousse).

Comment le gouvernement compte-t-il mettre fin au harcèlement scolaire ?
Comment le gouvernement compte-t-il mettre fin au harcèlement scolaire ?
3:33

Elle pointe aussi du doigt une autre œuvre tout juste sortie dans les salles de cinéma: Le Château solitaire dans le miroir de Keiichi Hara. Un conte japonais sur une jeune collégienne harcelée qui, via son miroir, découvre un univers parallèle dans lequel elle se réfugie. Elle y rencontre six autres adolescents eux aussi victimes.

Une fois l'œuvre lue ou regardée avec l'enfant, il faut en discuter. "Mais sans lui demander directement s'il est harcelé", alerte Catherine Verdier au risque qu'il se referme.

Il faut passer par des "questions ouvertes, par lequel il ne peut pas répondre ni par oui ni par non, il faut ouvrir la discussion".

Comme lui demander, par exemple, s'il a déjà vu le type de situation abordée dans l'œuvre. Si oui, savoir s'il la situation s'est résolue, comment. De là, l'adulte peut tenter de déceler si son enfant a été victime ou témoin de harcèlement. Une tâche, la spécialiste en convient, plus facile à faire avec les plus petits que les adolescents, munis de leur carapace de défense.

Pour ces derniers, il peut d'ailleurs être utile de partir d'un cas concret, comme celui de Nicolas et de lire des articles de presse pour lancer la discussion.

Outre l'échange, d'autres signaux peuvent alerter l'adulte. Comme un changement brusque d'attitude, une agressivité inhabituelle, des problèmes à se nourrir, à dormir, l'investissement scolaire en baisse.

"Si l'enfant n'a pas d'amis, si ses affaires disparaissent, s'il sursaute facilement, il y a plein de petits signes, intellectuels, physique, comportementale", explique la thérapeute.

"Écouter l'enfant, prendre le temps"

Certains parents peuvent se sentir démunis en réalisant que leur enfant est victime de harcèlement. Une situation qu'il faut gérer dans le calme: "cela ne se résout pas dans la panique. Il ne faut pas s'énerver, il faut écouter l'enfant, prendre le temps".

Plusieurs options s'offrent ensuite à l'adulte. Il est possible d'aller consulter un psychologue, de voir un médecin pour constater d'éventuelles traces, de prendre rendez-vous avec la direction de l'établissement scolaire.

"Faire le point avec l'école, permet à l'enfant de sentir que ses parents se sentent concernés et qu'ils sont là pour le sécuriser", note Catherine Verdier. Il existe aussi un numéro vert, le 3020, que les parents peuvent appeler.

"Il ne faut toutefois rien faire sans le consentement de l'enfant", alerte la psychologue.

Le ministère de l'Éducation nationale déconseille de contacter directement l'auteur des faits, ce qui pourrait aggraver la situation.

Il est utile de recueillir et de garder des preuves sur les situations subies par l'enfant, "de mettre par écrit afin de mieux cerner la situation", écrit le ministère sur son site. De relever "la date, l’heure, les personnes présentes, la description des faits, leur répétition, les réactions de votre enfant face à cette situation".

Proposer à son enfant des activités extra-scolaires en guise d'échappatoire est aussi bienvenue. "Un enfant harcelé vient souvent d'une famille très entourée, très prévenante, qui a des passions, remarque la psychologue. Il faut creuser et approfondir ces passions. Le mettre dans une situation où les autres ne lui font pas peur, lui montrer qu'il peut s'épanouir ailleurs qu'à l'école".

Mais Catherine Verdier l'assure: "les parents peuvent aider leur enfant, mais ils ne peuvent pas résoudre seuls la situation".

Deux numéros dédiés au harcèlement

Tout élève victime de harcèlement scolaire peut contacter gratuitement le numéro national d'écoute au 3020. L'élève ou ses proches peuvent également contacter le 3018 en cas de cyberharcèlement. Ce numéro est joignable 7 jours sur 7, de 9h à 23h.

Juliette Brossault