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Ecoles, livres, jeux éducatifs... Comment s’y retrouver dans la grande mode Montessori?

Une école Montessori (illustration)

Une école Montessori (illustration) - PASCAL LACHENAUD / AFP

La méthode Montessori est à la mode. Alors qu’un documentaire, Être plutôt qu’avoir? A l'école autrement, sort en salle sur le sujet mercredi, comment faire le tri dans une pédagogie parfois vendue à toutes les sauces?

Après le succès du Maître et l’enfant, en février 2017, un autre documentaire qui se penche sur les pédagogies alternatives sort en salle ce mercredi. Dans Être plutôt qu’avoir? A l'école autrement, de la réalisatrice Agnès Fouilleux, on parlera encore beaucoup de la fameuse méthode Montessori. Inventé au début du XXe siècle par la médecin italienne Maria Montessori, ce procédé est censé permettre à l’enfant d’apprendre à son rythme, en autonomie.

Alors que les parents doutent de plus en plus de l’enseignement traditionnel, le succès des écoles Montessori ne se dément pas depuis quelques années. Problème: "Maria Montessori n’a pas souhaité protéger son nom, ni donner son nom à cette méthode. Pour elle ça appartient à l’humanité et non à une personne", explique Anouche Hovnanian, présidente de l’Association Montessori de France. A partir de là, rien n’empêche donc quelqu’un de se revendiquer de cette philosophie pour ouvrir une école, écrire un livre ou vendre des jouets éducatifs.

Les écoles Montessori ne sont pas forcément à 100% Montessori

"Il y a à peu près 200 écoles dans le paysage français qui se disent Montessori. Il s’en crée tous les jours et il faudrait un emploi à temps-plein pour suivre ça", explique Anouche Hovnanian. Elles sont toutes privées et la plupart hors contrat, ce qui justifie souvent un coût élevé (Jusqu’à 8500 euros par an à Paris, hors repas), puisqu’elles ne touchent aucune subvention de l'Etat. Il existe de rares exceptions d’établissements Montessori sous contrat, comme celui de Roubaix mis en lumière dans Le Maître et l’Enfant.

Vous avez décidé d’inscrire votre enfant dans un établissement respectant les principes Montessori? Soyez vigilants: si le rectorat doit donner son accord et qu’une commission de sécurité peut passer dans les locaux, il n’existe aucun contrôle pédagogique, tout le monde pouvant se revendiquer de l’enseignement Montessori.

Pour devenir un "éducateur" Montessori qui se respecte, il faut suivre une formation d’un an dispensée par un centre de formation affilié à l’Association Montessori Internationale comme l’Institut supérieur Maria Montessori ou le Centre de Formation Montessori de la Francophonie. "C’est un gage de sérieux, car c'est issu de la formation transmise par Maria Montessori reprend Anouche Hovnanian. Les parents peuvent demander à voir les diplômes des éducateurs qui seront en charge de leur enfant. Certaines écoles affichent les diplômes".

Où en est la méthode Montessori dans le public?

De plus en plus d’enseignants du public, qui s'appuient sur la liberté pédagogique, sont tentés par la méthode Montessori, même s'il est impossible d'en connaître le nombre exact. "Il y a trois freins, explique Anouche Hovnanian. D’abord la formation de l’enseignant, qui est coûteuse financièrement et en temps. Ensuite il faut pouvoir acquérir le matériel, les éducateurs qui sont vraiment motivés le font parfois sur leurs propres deniers. Enfin, il faut avoir une classe multi-niveaux d'âge et une certaine bienveillance des autres enseignants de l’école pour pouvoir pratiquer cette pédagogie". Le programme de l’Education nationale pour le primaire est aussi difficilement conciliable avec celui de l’enseignement Montessori. Ce qui fait que les projets en cours concernent le plus souvent des écoles maternelles.

Depuis 2015, l’association Public Montessori, qui regroupe 600 adhérents, aide les enseignants qui le souhaitent à développer la pédagogie Montessori dans leurs classes de l'école publique. Son fondateur, Yanek Husianycia, est enseignant dans un établissement public du Val-de-Marne, où il fait depuis trois ans du "100% Montessori". Il admet avoir dû "faire preuve de pédagogie avec les parents d'élèves" et avoir dû "négocier avec les collègues". S'il reconnaît que l'accès à la formation et au matériel sont un frein, il pointe aussi du doigt l'institution. "Un enseignant qui s’engage sur la voie de Montessori peut tomber sur un inspecteur qui va le soutenir, ou sur un autre qui ne va pas le soutenir, voire qui va lutter contre. Et c’est plus souvent le deuxième cas. Il y a des préjugés, des représentations, complètement erronées". Mais selon lui "la pédagogie Montessori, est le cheval de Troie d’une nouvelle conception de l’enfant, des mécanismes d’apprentissage, de la posture de l’enseignant. Ça ne fera pas marche arrière, ce n'est pas une mode", promet-il.

Le grand business des jeux, des livres et des fournitures

  • Dans une école Montessori, outre la formation des enseignants, le matériel pédagogique suppose d’être scrupuleusement respecté. Seuls trois fabricants sont reconnus par l'association Montessori Internationale, où Maria Montessori a déposé ses travaux mais aussi le matériel pédagogique qui va avec. En France, Ludovic Nittel, à la tête de la société Montessori Spirit, en est le distributeur. "Le matériel pédagogique est normé pour que ça rentre dans le cadre d’un apprentissage précis. Chez nous, le matériel est centenaire. Il n’y a pas d’innovation, pas de nouveau produit qui sort tous les mois, pas de relooking, pas d’opération commerciale", raconte celui qui a fondé sa société il y a cinq ans, en même temps que sa femme se formait pour devenir "éducatrice" Montessori et qu’ils fondaient une école ensemble.

Selon lui, "le gros flou artistique est beaucoup plus sur les jeunes enfants, entre 0 et 3 ans. Là, il y a un amalgame entre les jeux éducatifs, l’éveil, la manière d’élever son enfant, le coaching parental… Tout le monde essaie de surfer sur la vague. C’est la rançon de la démocratisation et de l’engouement pour Montessori en ce moment". "Dans les ouvrages qui sortent, effectivement, ce n’est pas toujours encadré. Ce ne sont pas toujours des personnes formées à la pédagogie Montessori qui ont écrit le livre. Elles apportent leur propre compréhension, qui peut être juste parfois, et beaucoup moins dans d’autres cas. Tout n’est pas à jeter, certains conseils restent judicieux, tout dépend de l’intention de l’adulte : celui des éducateurs Montessori reste d’accompagner le développement de l’enfant", précise Anouche Hovnanian.

Antoine Maes