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Blanquer veut rendre publique la prochaine évaluation des lycées et suscite des craintes

Un lycée.

Un lycée. - Un lycée. - AFP – Céline Mihalachi

Jean-Michel Blanquer l'a réaffirmé lundi sur notre antenne: une évaluation des lycées aura bien lieu et elle sera rendue publique. Une mesure permettant selon le ministre de favoriser "la mixité sociale". Mais certains enseignants craignent l'effet inverse.

Jusqu'où la transparence doit-elle aller? Invité ce lundi matin sur notre antenne, Jean-Michel Blanquer a précisé que l'évaluation promise des lycées serait bien mise en place et, de surcroît, rendue publique. Le ministre de l'Education nationale a précisé dans quel esprit serait organisée cette nouvelle procédure: "Il n'y a rien à perdre avec cette évaluation, personne ne perdra rien, le but n'est pas de sanctionner".

"Le but est d'avoir des effets de levier. Vous évaluez un établissement, vous voyez dans quel état il est. Avec l'établissement, vous fixez des objectifs, vous faites en sorte que dans quatre ou cinq ans, il ait résolu ses problèmes, qu'il ait progressé. Et vous évaluez les progrès réalisés", a expliqué le ministre.

Actuellement, les établissements du second degré font déjà l'objet d'une forme de classement en fonction du "taux de réussite". Pour les lycées, la réussite au baccalauréat, le nombre de mentions obtenues selon la filière est un indicateur essentiel. Comme nous l'explique Samuel Cywie, de la Fédération des parents d'élèves de l'enseignement public (Peep), "le problème des évaluations qui existent, réalisées par L'Express et Le Figaro, se focalisent sur les résultats au bac".

"On aimerait des classements plus dynamiques. La note-sanction actuelle n'a pas grand intérêt, car les classements actuels ne tiennent pas compte du niveau d'origine des élèves et figent la hiérarchie des établissements. Il n'est pas possible de formuler les mêmes attentes envers un lycée de grande banlieue et Henri IV (un prestigieux lycée parisien, NDLR)", continue Samuel Cywie.

Rien ne sert de "casser les thermomètres"

D'après les premières consultations réalisées par la Peep auprès des parents d'élèves, l'accueil de cette nouvelle évaluation à périmètre plus large est plutôt bien perçue. La prise en compte du critère du "climat scolaire", notamment, est jugée intéressante.

Le fait qu'elle soit rendue publique n'est pour Samuel Cywie pas gênant, bien au contraire. "Il y a toujours des fuites", relève-t-il.

Cette évaluation publique ne risque-t-elle pas de renforcer la défiance des parents vis-à-vis de certains établissements? Pour la fédération de parents d'élèves, une "évaluation-sanction risque d'entraîner des effets pervers", notamment celle d'une concurrence accrue entre les établissements. 

Jean-Michel Blanquer rétorque que: "Premièrement, ce n'est pas là le sujet principal, qui est d'aider les établissements à évoluer. Deuxièmement, dans le jugement que les gens se font, ils n'attendent pas qu'il y ait ce genre de choses pour se le formuler dès aujourd'hui. Autrement dit, les fuites dans les établissements, ça existe déjà. Donc ça ne sert à rien de casser les thermomètres pour éviter ce genre de phénomènes. Il est important d'avoir de la lucidité partagée avec les établissements pour ensemble les faire progresser et être en mesure de donner plus à ceux qui ont besoin de plus. On doit pouvoir installer des choses attractives dans les établissements qui sont le plus en difficulté. C'est ce qu'on a fait en rétablissant les classes bilangues, les sections européennes en collège. C'est une stratégie de plus grande mixité sociale car l'objectif, c'est d'attirer toutes les classes sociales."

Moins de mixité sociale?

Cette plus grande mixité sociale revendiquée par la stratégie de Jean-Michel Blanquer, la secrétaire générale du Snes-FSU Frédérique Rolet n'y croit pas un instant. Elle craint, au contraire, que tout cela conduise "à encore moins de mixité sociale". "On sait bien (avec ces classements) qu'il y a toujours une construction d'image" qui renforce la hiérarchie déjà instaurée. Vouloir s'éviter les effets pervers d'une mise en concurrence encore plus grande "relève du vœu pieux", continue la porte-parole.

Surtout, elle pointe un problème de méthode. "Les études scientifiques montrent que ces évaluations conditionnent les méthodes d'enseignement pour répondre aux résultats attendus par elles. Certains ajustent les méthodes d'évaluation (des élèves) pour montrer les progrès dans un esprit 'teach to the test'", expose Frédérique Rolet. Autre écueil, "une grande mobilité des élèves et des équipes pédagogiques ne permet pas d'évaluer une cohorte entière", fait-elle remarquer. "Entre la 6e et la 3e, 20% des collégiens vont changer d'établissement". 

Quant à la publicité de ces évaluations, la secrétaire générale de la Snes-FSU y voit là encore une mauvaise idée: "Ça doit rester en interne." Pour ce qui est de la prise en compte du "climat scolaire", l'Education nationale dispose déjà des "visites d'établissements" qui mettent à contribution "l'ensemble des personnels dans l'idée de rendre le service plus efficace". Mais cette efficacité reste "difficile à mesurer".

"Tout n'est pas facilement quantifiable", relève Frédérique Rolet. "On peut mesurer ce qui est le plus visible comme le temps passé par un professeur dans un établissement, mais évaluer la qualité d'un cours est plus difficile."
David Namias