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Une "terrible solitude" des enseignants: ce que recommande le Sénat face aux menaces à l'école

Un rapport sénatorial issu d'une commission d'enquête a pointé mercredi 7 mars la "terrible solitude" des enseignants face aux menaces et agressions, exhortant l’État à enclencher une "démarche proactive" et l’Éducation nationale à "reprendre la main" pour défendre la laïcité à l'école.

"Un climat général de contestation des contenus" et des "professeurs qui ont peur": le sénateur François-Noël Buffet (LR) a tiré la sonnette d'alarme ce jeudi 7 mars sur BFMTV, au lendemain de la parution d'un rapport sénatorial sur les "menaces et agressions contre les enseignants". Relevant que certains vont jusqu'à "se censure[r]", l'élu du Rhône a dénoncé une situation "inacceptable".

Son rapport est issu d'une commission d'enquête, lancée en réponse à la demande de la famille de l'enseignant Samuel Paty, tué par un terroriste à Conflans-Sainte-Honorine en octobre 2020. Co-rédigé avec le sénateur Laurent Lafon (UDI), également membre de la majorité de droite et du centre au Sénat, ce rapport a recensé plusieurs chiffres sur la violence dont sont victimes les enseignants. En comptabilisant les professeurs du premier et du second degré, ils seraient près de 100.000 à être menacés chaque année en France, soit environ un sur huit.

Une "terrible solitude" des enseignants

Au micro de BFMTV, François-Noël Buffet a avancé plusieurs explications, évoquant "le rôle de l'information sur les réseaux [sociaux]", ainsi que "les notions de complotisme, d'intégrisme de tout poil". "Ca devient le lieu commun et la jeunesse d'aujourd'hui regarde tout cela, le prend pour argent comptant et, systématiquement à l'école, va contester son professeur", a-t-il déploré.

Dans une conférence, la veille, le sénateur a souligné "la terrible solitude vécue par les membres du personnel éducatif face à un quotidien marqué par les tensions et par les conflits". Laurent Lafon a noté lui une "méfiance" croissante entre les acteurs de terrain et leur hiérarchie administrative, évoquant un "mur" dressé entre enseignants et autorités comme le rectorat.

38 recommandations

Les deux membres du Palais du Luxembourg ont formulé 38 recommandations. Ils proposent plusieurs mesures sur le volet de la formation, pour que l’Éducation nationale "reprenne la main" sur la formation des enseignants, en "ne faisant plus dépendre la formation initiale de l'université". 

Ils suggèrent également de "revoir le corpus disciplinaire" en cas de menaces et autres pressions, à travers une "harmonisation des sanctions au niveau national". 

Autre recommandation, faire signer chaque année aux parents d'élèves une "charte des parents", dans laquelle "sera rappelé le fait que l'enseignement ne se conteste pas".

La création de "structures dédiées à les élèves poly-exclus" ou "hautement perturbateurs" est également avancée. Plus symbolique, ils prônent l'organisation d'une journée d'hommage obligatoire aux enseignants assassinés dans chaque établissement en début d'année scolaire.

Les sénateurs proposent par ailleurs diverses mesures de fluidification du parcours judiciaire des agents victimes d'agressions ou de menaces, comme celle de permettre à l'administration de déposer plainte elle-même en lieu et place de l'agent concerné, qui hésite parfois à le faire par peur de représailles.

Ce rapport sénatorial a été adopté à l'unanimité en commission au Sénat, mais une partie de la gauche s'est abstenue.

Il était présenté quelques jours après les menaces de mort en ligne reçues par un proviseur du lycée Maurice-Ravel de Paris qui avait demandé à une élève de retirer son voile. Un événement qui a "illustré les trous dans la raquette" de la loi de 2004 sur les signes religieux à l'école, a pointé le sénateur Laurent Lafon.

B.F avec AFP