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Société

Décès de Cavanna, le père de Hara-Kiri et Charlie Hebdo

François Cavanna dans son bureau en 2008.

François Cavanna dans son bureau en 2008. - -

L’auteur des "Russkoffs" et des "Ritals" est parti ce mercredi, à l’âge de 90 ans. Le journal satirique Hara-Kiri a révolutionné la presse française, et ouvert la voie à Mai 68.

L'écrivain, fondateur de "Hara Kiri" et "Charlie Hebdo" s'est éteint le 29 janvier à l'hôpital Henri-Mondor de Créteil, selon Le Nouvel Observateur. François Cavanna avait 90 ans. Hospitalisé dans le Val-de-Marne pour une intervention après une fracture du fémur, il a souffert de complications pulmonaires, selon son entourage.

L'auteur des "Ritals", des "Russkofs" ou encore de "Lune de miel" était atteint de la maladie de Parkinson.

"C'est le grand prêtre de l'humour qui disparaît, mais Cavanna n'est pas tout à fait mort: Charlie Hebdo lui survit", a déclaré à l'AFP Charb, le directeur de ce journal.

"En créant Hara-Kiri dans les années 1960, il est à l'origine d'une mini-révolution dans la presse et dans la manière de rire. De nombreux humoristes lui doivent beaucoup sans le savoir", a ajouté Charb.

Près de 60 livres

Sur la création de "Hara Kiri", avec le Professeur Choron, Cavanna racontait en décembre 2012 dans une émission de télévision: "on voulait réinventer le journalisme. On ne connaissait personne, on ne connaissait surtout rien à la façon de faire un journal."

"Au début on était un peu timides et puis peu à peu le culot nous est venu, et le savoir-faire", évoquait-il encore.

Grande silhouette de druide aux longs cheveux blancs, Cavanna n'a cessé d'écrire pendant plus de 50 ans. Journaliste, dessinateur, romancier, auteur de près de 60 livres, il a imposé un humour sans tabou ni limite, qui a influencé des générations de lecteurs.

Fils d'un maçon italien

Fils d'un maçon italien, "le gros Louvi", et d'un nivernaise, François Cavanna est né le 22 février 1923 à Paris. Mais son berceau, c'est Nogent-sur-Marne (Val-de-Marne) où il grandit dans la petite communauté italienne. "Une enfance merveilleuse", dont il tirera son grand roman, "Les ritals", en 1978.

A l'école maternelle, il se prend de passion pour la langue française. "J'ai eu la chance d'être un enfant de pauvres, on nous mettait à la maternelle pendant que les parents travaillaient. J'ai tout de suite été happé par l'écriture, l'imprimé. C'est devenu un vice, n'importe quoi d'écrit, je pouvais pas m'empêcher de le lire", déclarait-il à l'AFP en 2008.

Maçon comme son père, il est raflé en 1943 et expédié à Berlin pour le Service du travail obligatoire (STO). Il en gardera une aversion de la guerre, l'armée, l'autorité, dont il fera ses cibles préférées. Avec les curés, les sportifs, les chasseurs, les cons ou la corrida.

De retour en France après deux ans et demi de camp, il rencontre Liliane, une rescapée de Ravensbrück, qu'il épouse. Mais la jeune femme, "mal ressuscitée" de ses années de déportation, meurt quelques mois plus tard.

Seul et désespéré, il abandonne les petits boulots pour se lancer dans le dessin de presse. Un métier qu'il exerce pendant 12 ans. Avec un joli coup de crayon, influencé par Dubout et les comics américains.

"L'humour coup de poing dans ta gueule"

Mais la grande aventure de sa vie, c'est Hara Kiri, le mensuel qu'il crée en 1960 avec le futur professeur Choron. "Nous voulions faire un journal où nous n'aurions aucun contrôle, où on pourrait faire de la qualité", expliquait-il.

Ensemble, ils inventent "l'humour coup de poing dans la gueule". "L'humour fait mal, il fait ressortir le fond des choses et l'étale au grand jour. C'est une façon cruelle de dire les choses cruelles, sans les envelopper", prônait ce partisan du délire intégral, "fier, merde, et pas qu'un peu!" de son équipe.

"Il était lui-même dessinateur, c'est pour ça que ça a marché", se souvient Cabu, dans le coup dès le départ : "Il a vu ça avec l'oeil du dessinateur". Car son talent, c'est aussi d'avoir déniché les débutants surdoués - Reiser, Cabu, Wolinski, Gébé, Topor... - qui ont fait le succès du journal.

A Hara Kiri, la liberté est totale, les ennuis judiciaires assurés. Censures, amendes et interdictions pleuvront pendant toute la vie du journal.

Dans Hara Kiri, puis Charlie Hebdo, Cavanna donne libre cours à sa passion pour l'écriture. "Les ritals" et "Les russkoffs", prix Interallié 1979, consacreront le vieil épouvantail à bourgeois comme un écrivain stylé, profondément humain. Dans "Lune de miel", en 2011, il révèle être atteint de la maladie de Parkinson, qu'il traite de "salope infâme".

A plus de 85 ans, Cavanna, éternelles moustaches toujours plus blanches, tenait toujours une chronique dans Charlie Hebdo. Un peu déçu par l'évolution du dessin de presse, trop voué disait-il à la politique: "On se contente de peu. Hara Kiri, c'était à l'occasion politique, mais dans le cadre plus large de l'humour de société".

Pas de regret pourtant, pour le petit "rital" de Nogent: "On s'est bien amusé. On bossait comme des malades, mais on se marrait comme des fous".