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Comment la chemisette est redevenue tendance

Un mannequin présente un ensemble pantalon chemisette beige lors du défilé de la collection printemps-été 98 de Thierry Mugler

Un mannequin présente un ensemble pantalon chemisette beige lors du défilé de la collection printemps-été 98 de Thierry Mugler - Pierre Verdy-AFP

Elle était il y a encore peu le comble du mauvais goût. Elle pourrait devenir le summum de la hype. La chemisette est de retour.

Elle n'est plus du tout ringarde, elle est même redevenue branchée. La chemisette serait "la pièce incontournable de ce printemps", assure Le Monde. Les grands noms de la mode, de Lanvin à Louis Vuitton en passant par Stella McCartney ou encore Balenciaga, l'ont même remise au goût du jour lors de leurs dernières collections printemps/été pour homme. Colorée, fleurie ou à motifs, la chemise à manches courtes signe son grand retour.

Une analyse que partage le quotidien belge La Libre dans un article intitulé "Quatre tendances risquées mais inévitables ce printemps". "L'été dernier déjà, la chemisette à col cubain et à motifs -oiseaux, fleurs, palmiers, dessins façon comics, chaînes- opérait un retour étonnant. Sans crier gare, elle nous incitait à puiser dans la garde-robe colorée de Magnum."

À la cubaine, à la hawaïenne ou façon bowling

Une tendance qui avait déjà été repérée l'année dernière. "Longtemps décriée et ringardisée, la chemisette est actuellement en plein come-back. Celle qui avait mauvaise réputation il n'y a encore pas si longtemps joue sur l'engouement actuel pour 'le mauvais goût' pour se faire une nouvelle jeunesse. Après un retour timide sur les podiums depuis quelques saisons, la chemisette s'installe désormais durablement pour l'été 2018", prédisait Konbini.

C'est ce que confirme Eve Dupouy, responsable communication chez Promostyl, un bureau de tendances. "Cela fait plusieurs saisons que la chemisette est de retour mais cette année, elle atteint un pic", analyse-t-elle pour BFMTV. Toutes les marques, des grands noms du luxe aux enseignes plus accessibles, s'y sont mises.

Il y en a trois types, détaille la spécialiste: "à la cubaine, avec des rayures, des pois ou des micros pied-de-poule; à la hawaïenne, avec de grosses fleurs ou des imprimés ethniques; ou encore façon bowling, très colorée, avec parfois des manches dépareillées ou trois rayures devant".

Nostalgie et exotisme

À l'origine, elle est apparue à Cuba dans les années 50. "Les Cubains la portaient avec un Marcel en-dessous, précise Eve Dupouy. Elle s'est ensuite exportée aux États-Unis. Elvis l'a mise à la mode dans les années 60, avec la chemise hawaïenne avant qu'elle ne soit portée par les caïds des séries américaines des années 90." Puis la chemisette est tombée en désuétude.

Pour ne revenir que récemment. Il y a encore cinq ou six ans, il était encore très mal vu d'être aperçu en chemise à manches courtes. Nicolo, curateur en chef chez Bonne Gueule, voit dans le retour de la chemisette le même phénomène qui a permis aux sneakers Stan Smith de revenir à la mode: le goût du vintage.

"La nostalgie d'époques précédentes, comme l'illustre le succès de la série Stranger Things pour les années 80, permet de redécouvrir des pièces que l'on jugeait hier ringardes, et qui étaient même le comble du mauvais goût, mais qui présentent aujourd'hui un certain exotisme, note-t-il pour BFMTV. La chemisette fait partie de ces choses suffisamment oubliées et éloignées pour les apprécier à nouveau. Pour les jeunes d'aujourd'hui, elle n'est d'ailleurs pas ringarde. Ils n'ont pas l'image de l'employé de bureau qui portait une chemisette ample avec une cravate."

Banane, claquettes-chaussettes et survêtements

Une analyse que partage Lucile Hochart, acheteuse pour le site L'Exception. "C'est l'histoire de la mode, pointe-t-elle pour BFMTV. C'est toujours amusant de voir des pièces improbables ressortir. Il y a eu la banane récemment, les claquettes-chaussettes ou les survêtements qui étaient à la mode dans les années 90. Des pièces que les jeunes se réapproprient."

Pour Frédéric Godart, sociologue de la mode à l'Insead de Fontainebleau, ce renouveau de la chemisette n'est pas un véritable retour. "C'est l'aspect cyclique de la mode, analyse-t-il pour BFMTV. Depuis les années 2000, la chemisette est déjà revenue à plusieurs reprises, comme avec la tendance hipster. Ce que l'on appelle 'retour' s'inscrit en réalité dans une certaine continuité d'un vestiaire masculin à la diversité moindre que le féminin." Mais selon lui, la chemise à manches courtes reste par définition délicate à adopter.

"La chemisette a une connotation hybride: elle est un mélange entre un vêtement habillé, la chemise, et quelque chose de plus informel qui dévoile une partie du corps. Ce mélange des genres la rend difficile à porter", ajoute Frédéric Godart.

Décalée donc très mode

Et ce, même si elle est aujourd'hui moins ringarde. C'est pour cela que Nicolo recommande -afin de "ne pas retomber dans les travers", lui-même n'étant pas un grand aficionado de la chemisette- de la choisir ajustée, voire très colorée, avec des motifs osés. Même conseil pour Lucile Hochart. Une chemisette, oui, mais graphique.

"Cette pièce peut permettre de sortir de l'ordinaire, de marquer sa différence en vacances ou pour aller voire un verre, indique-t-elle. En choisissant une pièce à la limite du ringard, cela peut même en devenir décalé et donc très mode."

Risqué, "mais au moins, vous ne ressemblerez pas à votre grand-père", remarque Nicolo. Qui met cependant en garde:

"Si elle peut tout à fait être une alternative au tee-shirt ou au polo pour un look décontracté, il ne faut jamais remplacer une chemise par une chemisette et ne jamais la porter avec un costume."

Céline Hussonnois-Alaya