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Société

Comment expliquer le suicide d'un enfant ?

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D'après les enquêteurs, la privation de sucreries et d'une vie normale seraient la principale explication du suicide d'une fillette diabétique de 9 ans, lundi près de Lyon. Mais psychiatres et spécialistes de l'enfance s'interrogent face à un tel drame. Explications.

A Pierre-Bénite (Rhône), le geste de la petite Lalita relève toujours de l'inconcevable dans l'esprit de ses proches et de tout un quartier sous le choc. A seulement 9 ans, la fillette s'est bel et bien jetée volontairement du cinquième étage de son immeuble, lundi soir.

Selon les enquêteurs, elle s'était fait réprimander par la nourrice de sa petite sœur ce jour-là parce qu'elle souhaitait manger des bonbons, chose fortement déconseillée dans les cas de diabète chronique dont elle souffrait. Arrivée chez elle en colère, elle avait dit à sa mère qu'elle en avait marre d'être sans cesse privée de bonbons, et qu'elle allait se jeter par la fenêtre. Des paroles d'enfants que sa maman n'a pas pris au sérieux. C'est quelques instants plus tard qu'elle enjambera son balcon, après avoir griffonné quelques mots sur un cahier.

« Dès 6 ans, on a une conscience de la mort »

Marie Choquet, directrice de recherches à l'INSERM et spécialiste de l'enfance, souligne sur RMC à quel point le suicide infantile est sous-estimé. « Je pense qu'il y en a, au minimum, une dizaine par an en France. Il y a une très grande méconnaissance de la souffrance des enfants, alors que celle des ados est assez bien appréciée aujourd'hui. Cette jeune fille savait qu'elle faisait quelque chose de grave. Pour elle, c'était simplement une façon d'arrêter sa souffrance. Dès six ou sept ans, on a une conscience de la mort. On comprend que la vie peut s'arrêter ».

« Un geste très rare, souvent déclenché par un petit fait qui paraît anodin »

Une étude de l’Inserm en 2003 [ndlr, la dernière disponible] a montré que 2% des enfants de 11 ans avait déjà fait une tentative de suicide. Le docteur Christian Flavigny, pédopsychiatre à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière à Paris, a été l’un des premiers à étudier les suicides des enfants au début des années 80. Le suicide chez les enfants de moins de 12 ans est-il fréquent ? « C’est un geste très rare à cet âge-là, explique-t-il. Un geste souvent déclenché par un petit fait qui paraîtrait anodin. Mais c’est en fait un signe que ces enfants sont confrontés à une grande fragilité psychologique : à partir d’un petit fait – souvent une mauvaise note à l’école, par exemple –, ils ont l’impression que ça va complètement abolir toute chance pour eux d’être aimés de leurs parents et de leurs proches. »

« L’enfant vit dans un monde imaginaire, où la mort n’existe pas »

« Ça déclenche alors un geste de désespoir, disproportionné. L’enfant ne mesure pas la conséquence de ce qui va se passer, il est dans la dynamique du geste suicidaire qui est d’essayer de rejouer la partie. Mais il ne mesure pas qu’entre temps il y a le péril mortel qui va rendre cela impossible. L’enfant vit encore dans un monde imaginaire, où la mort n’existe pas comme telle. Je me rappelle un enfant qui me disait que les morts vivaient au cimetière. La mort et la vie demeurent très amalgamées pour l’enfant, qui ne fait pas la distinction et n’a pas la sensation du caractère définitif de la mort. »

La Rédaction et C. Girardon et L. de Susbielle