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Société

Charlie Hebdo : La Une est-elle « insultante » ?

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La Une de Charlie Hebdo fait polémique. Le directeur de la publication argumente. Où se trouve la frontière entre liberté d'expression et respect ?

Que pensez-vous de ce choix de dessin en Une de Charlie Hebdo. Les explications de Charb vous ont-elles convaincu ? Votre avis et vos arguments dans le forum ci-dessous.

Peut-on rire de tout ? Peut-on, pour reprendre le vocabulaire de Charb, directeur de la publication de Charlie Hebdo « se foutre de la gueule de la mort ? » Le dessin choisi, fait référence à l'actualité : le crash de l'Airbus d'Air France et les élections européennes. Charlie hebdo, c'est rappelons-le, un hebdomadaire satirique, coutumier des titres provocants et des illustrations polémiques.

Charb était en direct ce matin avec Jean-Jacques Bourdin. il dédramatise et relativise : « On a voulu faire rire et faire réfléchir. Mettre en parallèle la catastrophe annoncée des abstentions, et celle de l'avion. Ce n'est pas du journalisme, c'est de l'humour. Je comprends tout à fait que la Une ne fasse pas rire les gens qui ne lisent pas Charlie Hebdo. Mais quand je vois la Une du Parisien d'hier [ndlr : avec les photos de passagers morts dans l'avion] je trouve ça plus choquant et plus voyeuriste que ce trait d'humour. »

Voici à suivre le décryptage de cette Une par Charb. Derrière l'humour et la provocation, il y parle de culture, de références, de recul mais aussi présente une critique acerbe de la presse et de ses méthodes.

Le texte qui suit est celui de Charb, directeur de la publication de Charlie Hebdo

Le scandale ? Charlie Hebdo a fait du Charlie Hebdo! La une de cette semaine est « choquante », « provocante », « insultante », « de mauvais goût »... Ah, enfin ! Les pleureuses professionnelles, les hyènes chialeuses, les baveuses chaisières se faisaient chier. Elles ont enfin trouvé une petite boulette à rouler entre leurs doigts moites. « On ne peut pas rire du malheur de ces familles qui ont perdu quelqu'un dans le crash du vol 747 d'Air France... » [ndlr : en réalité, c'est le vol 447].
Apprenez à lire un dessin, analphabètes crétins ! Comme s'il était question de se foutre de la gueule des victimes ! Il s'agit de se foutre de la gueule de la mort ! Il s'agit de tourner en dérision la manière dont nos confrères se repaissent du malheur des victimes d'un fait divers géant. Et rien que ça : un fait divers.

L'héroïne de l'actualité était l'abstention aux européennes. Ça emmerdait tous les journalistes. Ouf ! Un crash pour revigorer les ventes et un prétexte pour ne plus parler de politique ! Et quels sont les voyeuristes qui traquent chez les familles de victimes la moindre trace de larme, le moindre hoquet de désespoir pour l'étaler en quadrichromie ? Les dessinateurs de Charlie ? Les charognards ne veulent pas qu'on rie des victimes qu'ils dépècent... Mais ce ne sont pas des victimes qu'on rit, ce sont des charognards !
Et on emmerde ces profs d'humour indignés qui n'ont jamais ouvert Charlie et qui découvrent la une de cette semaine sur des blogs à la con ! Parmi ces croque-morts, il y en a pour pleurnicher que Charlie, « c'était mieux avant ». Avant, c'était Hara-Kiri et sa fabuleuse une sur la mort du général de Gaulle : «Bal tragique à Colombey, un mort». Qui se souvient que le « bal tragique » faisait référence à un fait divers atroce survenu quelques jours auparavant ? Un incendie dans une boîte de nuit avait fait des dizaines de victimes... Celui ou celle que la couverture de Charlie de cette semaine indigne s'indigne avec 40 ans de retard. On attendra bien encore 40 ans pour rigoler ensemble.

La rédaction