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Société

Charlie Hebdo: abonnements massifs, mairies réfractaires, le point sur les polémiques

Collectivités locales, entreprises et même conseils régionaux et généraux ont souhaité aider l'hebdomadaire satirique en s'y abonnant. Qu'il s'agisse d'un seul ou d'une centaine d'exemplaires, certains élus se sont attiré les foudres de l'opposition. Et ce jusqu'en Belgique.

"Schwarzy" n'est pas le seul abonné à Charlie Hebo qui fait parler de lui. Jacques Auxiette, président PS du Conseil régional des Pays de la Loire, l'a appris à ses dépens. Quelques jours après l'attentat au siège de Charlie Hebdo, l'élu socialiste a annoncé avoir abonné les 93 conseillers régionaux à Charlie. Un geste que n'a pas apprécié l'ancien député UMP Dominique Richard, qui a aussitôt refusé ce cadeau de 8.928 euros.

"Si je comprends votre volonté d’afficher un soutien, je ne souhaite pour autant pas être abonné", a-t-il écrit dans une lettre ouverte adressée à Jacques Auxiette. "Ma liberté, ma façon d’'être Charlie' est en effet de ne pas me laisser imposer un abonnement".

Il n'en a pas fallu davantage pour que les conseillers régionaux UMP et les élus MPF se joignent à ce mouvement, forçant le président de région à battre en retraite. A l'issue d'un conseil régional, la région Pays de la Loire précise dans un communiqué que "seuls les élus qui le souhaiteront seront destinataires d'un exemplaire de Charlie Hebdo", l'abonnement ayant déjà été souscrit. "Les exemplaires supplémentaires seront adressés au centre de documentation.

Abonnements de masse en Essonne, en Île-de-France et en … Belgique

A l'instar de la région Pays de la Loire, la région Île-de-France a elle aussi annoncé le 12 janvier qu'elle "souscrira (…) à une centaine d'abonnements pour l'ensemble de ses services et des groupes politiques". Idem pour le Conseil général de l'Essonne qui, sur proposition de son président PS Jérôme Guedj, aurait souscrit à 42 abonnements à l'hebdomadaire satirique. Soit un "pour chacun des 42 conseillers généraux", avait alors précisé l'élu.

Plus étonnant encore, l'abonnement "de force" de 56 conseillers généraux belges – oui, belges – à Charlie Hebdo. Le conseil provincial de Liège a abonné chacun de ses conseillers au journal pour un an, à la demande du premier député, André Gilles.

Les entreprises, elles aussi solidaires de Charlie

Suivant l'élan de solidarité produit par les attentats, plusieurs entreprises françaises ont également souhaité s'abonner au journal satirique pour lui venir en aide. Alors que General Electrics a acheté discrètement 10.000 exemplaires du "numéro des survivants" le 14 janvier, la Banque publique d'investissements (BPI) a souscrit à une cinquantaine d'abonnements. Comme elle, la Caisse des dépôts a déclaré avoir abonné sa direction et ses représentations régionales à Charlie. L'institut de sondages BVA a quant à lui promis de financer à hauteur de 60% l'abonnement de ses employés. Le 9 janvier, l'entreprise basée à Boulogne-Billancourt avait déjà reçu 130 promesses d'abonnement, rapporte Le Parisien.

A Mériel et Carmaux, des élus opposés à l'abonnement à Charlie

Si ces abonnements n'ont pas fait de vagues, ce n'est pas le cas de ceux auxquels ont souscrit certaines mairies. Dans l'ardeur d'un mouvement lancé par Daniel Fasquelle, le maire du Touquet, dans le Pas-de-Calais, nombre de collectivités et d'édiles ont abonné leur commune à un – parfois plusieurs – exemplaire du journal satirique.

Dans la plupart de ces villes, l'initiative a été très bien accueillie. C'est le cas de Wickerschwihr, en Alsace, de Salomé, dans le Nord, de la communauté de commune du Pays Audunois, en Lorraine, de Pollestres, dans les Pyrénées-Orientales et de bien d'autres encore. Mais dans d'autres communes, la nouvelle a hérissé plus d'un poil.

Jean-Louis Delannoy, le maire UMP de Mériel, dans le Val-d'Oise, n'a pas du tout apprécié la proposition d'abonner la bibliothèque municipale à Charlie Hebdo. Après un refus en conseil municipal le 15 janvier, Jean-Michel Ruiz, l'un des conseillers de la ville, a tenu à exprimer son étonnement dans une lettre ouverte adressée au maire.

"Je suis surpris par votre réponse négative (…)", écrit-il, selon les propos rapportés par Le Parisien. "Nous aurions pu, par un tel acte, prouver fortement et concrètement notre attachement à la liberté d'expression." Et dans la bibliothèque de Mériel, ce mercredi, aucune trace du journal satirique.

A Carmaux, dans le Tarn, les élus du Front national et de l'UMP ont eux aussi voté contre l'abonnement de la ville, révèle La Dépêche du Midi. Mais cela n'empêchera pas Charlie Hebdo d'avoir son emplacement sur les étagères du centre culturel.

A Fréjus, Libération et Le Figaro disparaissent au profit de "Charlie"

La décision qui étonne le plus demeure celle de David Rachline. Le maire FN de Fréjus, dans le Var, a décidé de ne pas renouveler les abonnements de la médiathèque aux quotidiens Libération et Le Figaro, tout en s'abonnant à Charlie Hebdo.

"Nous sommes dans une logique d'économies. Il s'agit de restrictions vraiment drastiques qui concernent l'ensemble des services de la Ville et pas seulement la médiathèque", avait-t-il alors affirmé à Libération. Le choix n'en est pas moins surprenant, quand on sait que Charlie Hebdo ne manquait pas une occasion de tacler le FN dans ses caricatures.

Aude Deraedt