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Bernard Debré veut couper les liens experts-laboratoires

Le Pr Bernard Debré, qui doit rendre à Nicolas Sarkozy un rapport pour éviter la répétition du scandale du Mediator, veut interdire tout lien entre les laboratoires et les experts chargés d'évaluer leurs produits. /Photo d'archives/REUTERS

Le Pr Bernard Debré, qui doit rendre à Nicolas Sarkozy un rapport pour éviter la répétition du scandale du Mediator, veut interdire tout lien entre les laboratoires et les experts chargés d'évaluer leurs produits. /Photo d'archives/REUTERS - -

par Laure Bretton PARIS (Reuters) - Le Pr Bernard Debré, qui doit rendre à Nicolas Sarkozy un rapport pour éviter la répétition du scandale du...

par Laure Bretton

PARIS (Reuters) - Le Pr Bernard Debré, qui doit rendre à Nicolas Sarkozy un rapport pour éviter la répétition du scandale du Mediator, veut interdire tout lien entre les laboratoires et les experts chargés d'évaluer leurs produits.

Le président français a demandé au député UMP, chirurgien urologue et auteur de plusieurs ouvrages sur le système médical français, de défricher le terrain en vue de la refonte de la politique du médicament imposée par cette affaire.

Pendant plus de trente ans, le laboratoire Servier a commercialisé le Mediator, accusé d'avoir fait entre 500 et 2.000 morts en France, comme un médicament pour diabétiques alors que c'est un coupe-faim pour les autorités sanitaires.

Le rapport de Bernard Debré, co-rédigé avec le Pr Philippe Even, est attendu pour mars et contiendra "des dizaines de propositions pour rétablir un système sain", a-t-il dit à Reuters dans un entretien téléphonique.

De la réduction du nombre de commissions au sein des agences sanitaires à l'indépendance budgétaire de ces dernières en passant par la formation continue des médecins et l'information du grand public, "tout se tient, on ne va pas enlever un fil de l'écheveau", souligne le Pr Debré.

"Que les médecins qui travaillent dans les agences n'aient aucun lien avec les laboratoires, ça c'est indispensable".

"Je ne dis pas qu'il ne faut pas qu'il y ait des médecins qui travaillent avec les laboratoires, ça, c'est normal. Ce n'est pas le ministère de la recherche qui va fabriquer les médicaments donc il y a nécessité d'avoir un rapport entre le public et le privé", a-t-il ajouté. "Mais les gens qui travaillent avec les laboratoires ne peuvent pas être en même temps experts pour les médicaments qu'ils ont eux-mêmes mis sur le marché", insiste le député de Paris.

Irène Frachon, la pneumologue qui a contribué à faire éclater l'affaire du Mediator, a réclamé la construction d'un "mur étanche" entre l'industrie pharmaceutique et les experts.

TOUT LE SECTEUR DISCRÉDITÉ

"Evidemment, c'est un tremblement de terre" qui se prépare, confirme Bernard Debré. "Certains laboratoires vivaient un peu dans un sofa extraordinaire : on paie les chercheurs, les experts et les agences" sanitaires chargées d'approuver la mise sur le marché des nouveaux médicaments, explique-t-il.

Le chirurgien, qui conseille le ministre de la Santé Xavier Bertrand depuis trois semaines, veut également la publication "in extenso" des contrats entre médecins et laboratoires, sur le modèle du "Sunshine Act" américain.

Il imagine également la création d'une grande chaîne de télévision scientifique dans laquelle il y aurait une émission dédiée à l'actualité du médicament.

Plus délicate, la question de la formation des médecins devra être remise à plat et soumise à évaluation.

"Actuellement, l'enseignement postuniversitaire existe: il est fait par les laboratoires qui font des congrès. Ce n'est pas sain. Je ne dis pas que les médecins sont ignorants mais quand vous avez une voiture vous faites une révision tous les cinq ans", dit-il.

Selon l'Inspection générale des affaires sociales (Igas), le Mediator était un coupe-faim et Servier a oeuvré pour vendre son produit sous une fausse indication thérapeutique.

Pour le Pr Debré, poursuivi en diffamation par Servier pour ses propos sur le Mediator, ce laboratoire "a un fonctionnement très simple, ou il paie ou il fait un procès" contre les professionnels émettant des doutes sur ses médicaments.

"Il avait infiltré toutes les sociétés savantes" et n'hésitait pas à faire pression, ajoute-t-il.

Pour réformer, "il faut avoir la tête froide et advienne que pourra. Le comportement d'un laboratoire a jeté le discrédit sur le reste et il y en a peut-être d'autres qui ont profité d'une situation extraordinaire", fait valoir le parlementaire.

Edité par Yves Clarisse