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Après le "ramadan sans bruit", un village de la Loire appose un logo contre le port du voile

(Photo d'illustration)

(Photo d'illustration) - AFP

Il avait fait parler de lui l'année dernière en appelant à un "ramadan sans bruit". Le maire de Lorette, dans la Loire, interdit aux femmes voilées l'accès à un site de baignade dans le fleuve. Un pictogramme rayé de rouge a été affiché à l'entrée.

Au parc de loisirs des Blondières, à Lorette, dans la Loire, où un site de baignade naturelle a ouvert samedi, les jeux de ballon, les bouées, les chiens, les cigarettes et les bouteilles d'alcool sont interdits. Tout comme les femmes voilées.

"Sont interdits burkini, voile dissimulant le visage"

Le pictogramme affiché sur la grille d'entrée de la baignade naturelle et sur son site internet laisse peu de place au doute. "Les usagers doivent avoir une tenue décente et une attitude correcte", précise l'arrêté municipal. Seuls les "slip ou boxer" sont tolérés pour les hommes, "une pièce ou deux pièces" pour les femmes, avec une autorisation sur les plages pour "les casquettes, chapeaux, paréos, tee-shirts, shorts de plage". 

"Sur la plage sont interdits, monokini, burkini, voile dissimulant partiellement ou totalement le visage, combinaison. Tout acte ou comportement de nature à porter atteinte à la décence, aux bonnes mœurs, à la tranquillité ou à la sécurité des autres usagers, au bon ordre et à la propreté de l'établissement est formellement interdit."

Les enfants pénalisés

La Maison des potes 42, qui lutte contre les discriminations, va déposer un référé auprès du procureur pour faire supprimer cette interdiction visant les femmes voilées. Hamza Ould Mohammed, le président de l'association, se dit très inquiet.

"Ce règlement n'interdit pas que la baignade à ces femmes mais aussi l'accès à l'équipement, qui a pourtant été financé avec des fonds publics", dénonce-t-il, joint par BFMTV.com. "Ce qui signifie qu'une femme portant un foulard sur la tête ne pourra pas venir se poser pour lire un livre. Tous les citoyens, sans distinction, doivent pouvoir accéder à cet espace public. Cela pénalise aussi les familles et les enfants. Les mères voilées ne pourront plus les accompagner."

Pourtant, ce règlement n'est pas légal. En août 2016, le Conseil d'État a suspendu l'arrêté municipal pris à Villeneune-Loubet, dans les Alpes-Maritimes, portant sur l'interdiction d'accéder aux plages à toute personne n'ayant pas une tenue correcte, visant notamment le port du burkini. Une ordonnance qui avait fait jurisprudence et avait ainsi annulé tous les arrêtés similaires qui avaient été pris.

Le Conseil d'État avait ainsi estimé que l'arrêté de Villeneuve-Loubet avait "porté une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales que sont la liberté d'aller et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle". La juridiction avait estimé qu'aucun trouble à l'ordre public n'avait été provoqué par cette tenue.

"En quoi le port du voile est-il agressif ou dangereux?"

Le porte-parole de la grande mosquée Mohammed VI de Saint-Etienne estime également que la décision prise par le maire de Lorette "est une atteinte à la liberté individuelle".

"En quoi le port du voile est-il agressif ou dangereux pour la population? Il ne représente aucun problème sanitaire et il n'y a aucune atteinte à la liberté des autres personnes. Il ne se rend pas compte que cette décision va encore augmenter la stigmatisation. Elle est non seulement inutile mais également dévastatrice pour le vivre ensemble", a-t-il déclaré sur France Bleu Saint-Étienne.

Un "avis" appelant à "vivre le ramadan sans bruit"

Ce n'est pas la première fois que Gérard Tardy, le maire de cette commune de 4700 habitants, fait parler de lui. L'année dernière, il avait fait afficher sur les panneaux lumineux de la ville un "avis" appelant à "vivre le ramadan sans bruit". Un autre message "la République se vit à visage découvert" était également apparu. Sollicité par BFMTV.com, Gérard Tardy n'a pas donné suite.

"Ça va trop loin, dénonce Hamza Ould Mohammed. Un seuil a été franchi. Le rôle de Jacques Tardy n'est pas de jouer avec le feu et de stigmatiser une population mais d'apaiser et d'œuvrer pour la cohésion sociale. Au lieu d'avancer, il nous fait reculer au Moyen Âge."

En 2003 déjà, Jacques Tardy estimait qu'il y avait trop d'enfants "de souche musulmane" dans le centre social de la commune et regrettait le recrutement d'une "forte densité d'animateurs d'origine étrangère". Le procureur avait été saisi et le maire avait écopé d'un rappel à la loi, comme le racontait Libération. Ce qui ne l'avait pas empêché de créer son propre centre social, où il était "interdit que l'on recrute des animateurs d'une seule ethnie".
Céline Hussonnois-Alaya