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Angoulême, la bande dessinée à l'heure du défi numérique

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par Claude Canellas ANGOULÊME, Charente (Reuters) - Le festival international de la bande dessinée d'Angoulême fête cette année sa quarantième...

par Claude Canellas

ANGOULÊME, Charente (Reuters) - Le festival international de la bande dessinée d'Angoulême fête cette année sa quarantième édition dans un contexte économique difficile où la numérisation des supports, encore balbutiante en France, constitue le grand défi à relever.

La petite ville du sud-ouest de la France va être pendant quatre jours, du 31 janvier au 3 février, la capitale mondiale du neuvième art, que le festival a contribué à faire connaître et respecter en suivant depuis 40 ans les évolutions artistiques et technologiques d'un secteur qui reste très dynamique.

La production en Europe francophone a en effet encore progressé en 2012 pour la 17e année consécutive pour atteindre 5.565 albums diffusés, dont 4.109 nouveautés, selon le rapport annuel de Gilles Ratier, secrétaire général de l'Association des critiques et journalistes de bande dessinée (ACBD).

Selon Livres-Hebdo, il s'est vendu en 2012 en France 32 millions d'albums, soit une baisse de -2,6%, mais avec un chiffre d'affaires en hausse de 1,2%, à 352 millions d'euros.

Le directeur artistique du festival, Benoît Mouchard, rappelle qu'il y a 30 ans, seulement 80 nouveaux albums étaient édités par an, à tel point que certains parlent de "crise de la surproduction" avec une offre pléthorique.

"La BD ne traverse pas la crise que connaît la musique mais elle est impactée par la situation économique. Elle ne s'effondre pas, il s'agit plutôt d'un petit affaiblissement", concède-t-il.

Délégué général du festival, Franck Bondoux reconnaît que la BD "doit s'ouvrir à d'autres univers. La bande dessinée évolue dans ses modes de consommation. Ce n'est plus seulement par le papier qu'elle est diffusée c'est aussi désormais par le numérique, internet, les jeux vidéos, les livres d'animation, les produits dérivés".

LE NUMÉRIQUE, PARENT PAUVRE EN FRANCE

Le numérique a pourtant du mal à s'imposer en France.

Face aux 200 millions d'euros de chiffre d'affaires de la BD numérisée au Japon, avec une montée en puissance du manga sur smartphone (15% du marché en 2010) et un chiffre d'affaire estimé à 9 millions de dollars en 2011 aux Etats-Unis pour les web-comics, la France fait figure de parent pauvre.

Les plateformes Izneo et Avecomics, parmi les premières à avoir cru à la dématérialisation de la BD, n'ont pas encore réussi à inonder le marché.

"Lutter contre l'écran en se disant que ça va passer, c'est un combat perdu d'avance. La seule difficulté qui existe c'est que la bande dessinée numérique n'a pas encore de modèle économique viable, mais ça viendra", souligne Benoît Mouchard.

Les plateformes se multiplient et de plus en plus d'auteurs se tournent exclusivement vers la dématérialisation.

"Dans peu de temps, il y aura beaucoup de créations conçues uniquement pour l'écran. Il y a des collectifs d'auteurs qui travaillent sur cette question mais cela coûte très cher et ça ne rapporte pas assez. C'est un complément. Ce qu'il faut éviter c'est que ces BD digitales ne soient captées par les géants du numérique, Amazon ou Google, ce qui serait très dommageable", estime Benoît Mouchard.

"Beaucoup d'auteurs se sont fait connaître grâce à internet mais certains de ceux qui publient sur leur blog s'en servent comme d'un marchepied vers l'édition papier", ajoute le directeur artistique du festival.

LA BD, UNE MATRICE

En abonnement ou en location, il est possible aujourd'hui de lire une BD sur de nombreux supports. Des plateformes de partage se développeront nécessairement à l'image de Comixology qui, aux Etats-Unis, a réalisé un chiffre d'affaires de 70 millions de dollars en 2012, contre 19 millions en 2011.

Toutes ces formes de diffusion bousculent les habitudes, d'autant que la BD a largement débordé de ses frontières pour verser dans le crossmédia consistant à développer un contenu sur plusieurs types de médias, et même le transmédia avec un contenu spécifique d'un même récit selon la spécificité de chaque média.

"La BD est une matrice pour le cinéma, les jeux vidéos, pour l'industrie du divertissement en général. Au Japon les séries sont créées pour être déclinées sous forme de vidéos, de produits dérivés", rappelle Benoît Mouchard.

En France, à part quelques exceptions comme Ankama, à la fois créateur de jeux vidéos, maison d'édition de BD, de mangas et de comics, et studio d'animation, tout reste encore à faire.

Très tôt, le festival a su s'adapter aux évolutions.

"Comme le disait René Goscinny (le scénariste d'Astérix-NDLR), il ne faut pas se contenter de suivre le goût des lecteurs, il faut aussi le précéder", rappelle Benoît Mouchard.

C'est pourquoi avec son budget de 3,5 millions d'euros, le festival innove chaque année dans une ville d'Angoulême qui a multiplié les investissements dans de nouvelles structures dans le but de devenir la capitale de l'image.

Angoulême abrite désormais l'Atelier-école de la BD, le centre de documentation et de recherche, avec en parallèle l'instauration du dépôt légal des BD, et la Cité internationale de la bande dessinée et de l'image, qui regroupe en son sein un musée, une bibliothèque, un cinéma d'art et d'essai, une librairie et un centre de soutien technique multimédia.

Des sociétés liées à l'image se sont peu à peu implantées, dans la foulée de Magelis, le pôle de l'image, devenu le deuxième centre de production d'images animées en France.

Une école des métiers du cinéma d'animation a été créé en 1999 afin d'alimenter les entreprises du secteur - une centaine à Angoulême pour un total d'un millier d'emplois.

Edité par Yves Clarisse