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Société

A Paris, la lutte contre le diesel ne fait que commencer

A l'heure des grands départs en vacances, les pots d'échappement contribueront à charger l'air de la région capitale en particules polluantes, qui réduisent de six mois en moyenne l'espérance de vie de ses 12 millions d'habitants. Dénoncé par des associat

A l'heure des grands départs en vacances, les pots d'échappement contribueront à charger l'air de la région capitale en particules polluantes, qui réduisent de six mois en moyenne l'espérance de vie de ses 12 millions d'habitants. Dénoncé par des associat - -

par Marion Douet PARIS (Reuters) - A l'heure des grands départs en vacances, les pots d'échappement s'aligneront par milliers sur le boulevard...

par Marion Douet

PARIS (Reuters) - A l'heure des grands départs en vacances, les pots d'échappement s'aligneront par milliers sur le boulevard périphérique parisien et contribueront à charger l'air de la région capitale en particules polluantes, qui réduisent de six mois en moyenne l'espérance de vie de ses 12 millions d'habitants.

Un risque sanitaire dénoncé par les associations écologistes, comme France Nature Environnement qui a lancé vendredi une campagne "le diesel tue" pour appeler les autorités à prendre des mesures contre ce carburant, responsable d'environ 90% des particules émises par le transport et récemment classé par l'OMS comme produit cancérigène.

La Mairie de Paris assure que la lutte contre la pollution au diesel est une priorité depuis des années mais, avant d'agir, elle demande à l'Etat de refondre les dispositifs en vigueur et de rééquilibrer la fiscalité des carburants.

En France, une douzaine d'agglomérations dépassent les normes de pollution mais pour la capitale et sa région, la forte proportion de véhicules diesels dans le parc automobile s'ajoute à une densité de population parmi les plus élevées d'Europe.

"Entre un et trois millions de Franciliens sont exposés tous les ans à des niveaux de particules qui ne respectent pas la réglementation", explique Karine Léger, adjointe à la direction d'Airparif, qui surveille la qualité de l'air dans la capitale.

Les automobilistes sont à la fois les premiers responsables et les premières victimes : dans l'habitacle, le niveau de pollution est deux fois plus élevé qu'au bord du périphérique, selon les relevés d'Airparif.

Les personnes qui résident aux abords des grands axes figurent également parmi les plus touchées.

"Habiter à proximité d'une voie avec plus de 10.000 véhicules par jour pourrait être responsable de 20 à 30% des nouveaux cas d'asthme chez les enfants", note Silvia Medina médecin à l'Institut de veille sanitaire (InVS) et coordinatrice d'une récente étude européenne nommée Aphekom.

42.000 MORTS PRÉMATURÉES

Portant sur 25 grandes agglomérations européennes, cette étude a mis en évidence les risques cardio-vasculaires et respiratoires dus aux particules, notamment le développement des infarctus du myocarde et de certains cancers, rappelle-t-elle.

A Paris, ces particules - issues du transport mais aussi d'autres sources de pollution, comme le chauffage au bois - abaissent de six mois en moyenne l'espérance de vie. Ce chiffre peut atteindre 22 mois dans des villes comme Bucarest, ajoute Silvia Medina.

"Une autre étude européenne du début des années 2000 montre qu'en termes de morts prématurées, (on atteint) 42.000 pour la France entière. En comparaison, les accidents de la route c'est à peu près 4.200 morts par an", souligne Vincent Le Biez, chargé de ces questions à la direction de l'Environnement et de l'Energie d'Ile-de-France (DRIEE).

Une centaine d'agglomérations européennes, comme Londres ou Berlin, ont adopté des restrictions à la circulation pour les véhicules polluants, mais il n'en existe pour l'instant aucune en France, souligne Vincent Le Biez.

Comme huit autres agglomérations, Paris s'est portée candidate pour réfléchir à mettre en place un système similaire, via la création d'une zone d'action prioritaire pour l'air (ZAPA), rendue possible par la loi Grenelle II.

La ville, qui doit remettre ses propositions avant le 13 juillet, va confirmer sa volonté d'agir mais elle demandera d'abord à l'Etat de fournir des garanties afin de ne pas faire porter aux seules collectivités le poids de mesures aussi lourdes financièrement que socialement.

"S'il n'y a pas de politique globale, c'est comme chercher à vider la mer avec un verre d'eau", dit Denis Baupin, adjoint au Maire chargé de l'environnement depuis 2008, qui va quitter ses fonctions pour rejoindre les bancs de l'Assemblée Nationale.

"Si on continue à subventionner l'achat des véhicules diesel avec l'argent des contribuables et que d'un autre côté on dit que les diesels polluent, c'est schizophrénique", ajoute-t-il à propos des incitations fiscales qui favorisent jusqu'ici l'essence, moins émetteur de CO2.

100 MILLIONS D'EUROS D'AMENDE

Le dispositif actuel, qui ne prend pas en compte les émissions de CO2, doit donc être révisé par le gouvernement afin de sanctionner toutes les pollutions, dit-on au cabinet de Denis Baupin.

Il revient aussi à l'Etat de répondre aux conséquences sociales d'une restriction des diesels dans les agglomérations, en mettant en place des solutions pour les ménages qui possèdent ce type de véhicule, selon le cabinet.

"Il y a une question d'acceptabilité sociale (...) On va contraindre les véhicules les plus anciens, possédés par des ménages qui n'ont pas les moyens d'avoir des véhicules neufs, tandis qu'on aura aucun moyen d'agir sur des véhicules surpuissants qui circulent en ville", insiste un membre du cabinet, citant l'exemple des 4x4.

Les constructeurs ont mis en place des solutions pour réduire de 99,9% les émissions de particules sur les moteurs diesels neufs mais la question centrale de l'incitation au renouvellement du parc n'est pas de leur ressort, précise une porte-parole de PSA.

Interrogé sur le bien-fondé de mettre en place de nouvelles mesures, le ministère de l'Ecologie et des Transports a dit étudier ces dossiers, notamment celui de la fiscalité écologique, mais ne souhaite pas s'exprimer pour l'instant.

La France est pressée d'agir par la Commission européenne, qui a saisi en mai 2011 la Cour de Justice pour non-respect des normes réglementaires en matière de pollution de l'air dans une douzaine d'agglomérations françaises.

L'amende européenne incluant les différentes pénalités pourrait atteindre 100 millions d'euros par année de retard, selon l'Agence de l'Environnement et de la maîtrise de l'Energie (Ademe).

Edité par Patrick Vignal