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Société

A Grande-Synthe, un Noël dans la boue pour les réfugiés

A Grande-Synthe, dans le Nord, quelques 2.600 migrants vont passer Noël dans des conditions très précaires. Dans ce camp, le nombre d’occupants a doublé ces dernières semaines. Une autre jungle oubliée à seulement 40km de Calais. Ils devraient déménager en janvier.

Des centaines de tentes et d’abris de fortune installés sur un terrain vague en bord d’autoroute. C’est dans ces conditions que quelques 2600 migrants - principalement des Kurdes- vont passer Noël. Beaucoup de familles avec de jeunes enfants vivent dans des conditions indignes au camp de Grande-Synthe, dans le Nord, à une quarantaine de kilomètres de Calais.

Ils n'étaient encore qu'une cinquantaine avant l'été. Mais la crise migratoire s'est depuis amplifiée, et le camp voisin de Téteghem a été fermé à la mi-novembre, si bien que cette commune littorale de 22.000 habitants qui jouxte Dunkerque s'est vite retrouvée débordée.

Le maire Damien Carême, un écologiste, n'a cessé ces dernières semaines d'appeler l'Etat "à prendre ses responsabilités". Il devait être reçu mercredi par le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve.

Situé en bordure d'autoroute, sur un terrain vague en zone inondable, le campement est constitué de centaines de tentes et d'habitats très précaires, constamment embourbés. Pour traverser le camp, des bottes sont nécessaires mais tous n'ont pas la chance d'en posséder, notamment les enfants, présents par dizaines.

Des enfants kurdes dans le camp de migrants de Grande-Synthe, près de Dunkerque, dans le nord de la France, le 23 décembre 2015
Des enfants kurdes dans le camp de migrants de Grande-Synthe, près de Dunkerque, dans le nord de la France, le 23 décembre 2015 © DENIS CHARLET, AFP

"Une décharge à ciel ouvert"

"La situation ici est aujourd'hui pire qu'à la Jungle de Calais", avance Delphine Visentin, cheffe de mission chez Médecins sans frontières, pour qui ce campement s'apparente "non pas à un bidonville, mais à une décharge à ciel ouvert".

Contrairement au bidonville calaisien, distant d'une quarantaine de kilomètres, aucun centre de jour ne permet la distribution d'un repas quotidien ni n'offre aux femmes et aux enfants un espace de protection et de répit. Les associations sont également peu nombreuses pour gérer cet afflux de réfugiés, kurdes pour la plupart, venus notamment en famille et bien souvent livrés à eux-mêmes.

"On vit comme des animaux ici, je ne veux qu'une chose: rejoindre la Grande-Bretagne", s'indigne, couché dans sa tente à même le sol, Javid, un Irakien qui végète dans ce taudis depuis trois mois. Avec ses amis, il tente régulièrement sa chance vers l'Angleterre en se cachant dans des camions qui embarquent à Dunkerque, principalement, les passages par Calais ayant été rendus presque impossibles.

"Le camp de la honte"

"On a affaire à une véritable crise humanitaire. Ces gens vivent dans des conditions inacceptables. Nous demandons une réponse des pouvoirs publics pour les protéger", explique Delphine Visentin, fixant des yeux une tente devant laquelle deux enfants habillés d'un simple pull grignotent un bout de pain.

Des hommes se préparent à manger dans le camp de migrants de Grande-Synthe, près de Dunkerque, dans le nord de la France, le 20 octobre 2015
Des hommes se préparent à manger dans le camp de migrants de Grande-Synthe, près de Dunkerque, dans le nord de la France, le 20 octobre 2015 © PHILIPPE HUGUEN, AFP/Archives

Avec Médecins du monde, l'ONG est pratiquement la seule à apporter un soutien quotidien à ces malheureux qui, pour la grande majorité, ont fui la guerre et la terreur. Les deux organisations effectuent ainsi une cinquantaine de consultations médicales par jour, principalement des infections respiratoires, des lombalgies chroniques ou des traumatismes divers, toutes liées à l'humidité ambiante et aux conditions de vie difficiles.

"Les standards sanitaires ne sont absolument pas respectés. Alors que le Haut commissariat aux réfugiés demande une toilette pour 20 personnes et une douche pour 40, ici les 2.600 réfugiés doivent se partager 32 WC et 48 douches. C'est inadmissible!", poursuit l'humanitaire.

Un enfant kurde dans le camp de migrants de Grande-Synthe, près de Dunkerque, dans le nord de la France, le 23 décembre 2015
Un enfant kurde dans le camp de migrants de Grande-Synthe, près de Dunkerque, dans le nord de la France, le 23 décembre 2015 © DENIS CHARLET, AFP

"La France, pays des droits de l'homme, devrait avoir honte qu'une situation digne du tiers-monde puisse exister sur son territoire. Elle ne trouvera pas de place dans ma commune", avait prévenu le maire en interpellant le Premier ministre mi-novembre. "Il y a pire que le mépris, il y a l'ignorance. Il y avait le mur de la honte, maintenant nous avons le camp de la honte", s'indigne Damien Carême.

Devant l'urgence, la mairie a fait le choix, en coopération avec MSF, de déménager mi-janvier les migrants vers un autre emplacement de la commune qui reste encore à définir, mais où les conditions d'hébergement seront meilleures.

"Il faut agir, et vite car nous ne sommes pas à l'abri du décès d'un enfant à cause du froid", craint DelphineVisentin.

la rédaction avec AFP