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Société

1500 euros pour outrage, même artistique, au drapeau français

Ce cliché a été distingué par un "Coup de cœur" du jury du Marathon Photo de la Fnac, organisé à Nice le 6 mars dernier.

Ce cliché a été distingué par un "Coup de cœur" du jury du Marathon Photo de la Fnac, organisé à Nice le 6 mars dernier. - -

En mars, la photo d’un homme s’essuyant les fesses avec le drapeau tricolore avait fait scandale. Un décret pourrait bientôt sanctionner ce type d’acte, même réalisé ou diffusé dans un cadre artistique.

La ministre de la Justice Michèle Alliot-Marie a saisi le Conseil d'État d'un projet de décret punissant d'une amende de 1500 € l'outrage au drapeau français, y compris dans un cadre artistique. « Une contravention de 5ème classe, punie de 1500 € d'amende, qui permettra de sanctionner, d'une part le fait de dégrader ou d'utiliser de façon indécente le drapeau tricolore dans un lieu public ou ouvert au public, et, d'autre part, de diffuser par tous moyens la représentation de ces faits ». « L'élément intentionnel sera inscrit dans le décret en question », a précisé ce jeudi le ministère de la Justice.

Cette décision ministérielle prend sa source dans les événements du 18 mars dernier : une photographie montrant un homme s'essuyant les fesses avec le drapeau français était classée « coup de cœur » du jury d'un concours de photo organisé par la Fnac de Nice sur le thème du politiquement incorrect. Eric Ciotti, député UMP des Alpes-Maritimes, avait alors alerté la Chancellerie.

Les « œuvres de l'esprit » ne seront plus exclues

Il existe déjà dans le code pénal français un article sanctionnant (de 7500 euros d'amende) « le fait, au cours d’une manifestation organisée ou réglementée par les autorités publiques, d’outrager publiquement l’hymne national ou le drapeau tricolore ». Mais ces faits ne pouvaient pas faire l'objet de poursuites pénales, en raison d'une décision du Conseil constitutionnel datant de 2003, excluant les « œuvres de l'esprit » du champ d'application de la loi.

Le 21 avril, MAM avait donc annoncé qu’elle réfléchissait à « la création par décret d'une contravention qui permettrait de faire évoluer rapidement notre droit pour sanctionner ce type de comportement ».

« Une amende complètement illégale »

Maitre Agnès Tricoire, déléguée de l’Observatoire de la liberté de création de la Ligue des Droits de l’Homme, explique : « Madame Alliot-Marie passe complètement par-dessus une décision du Conseil constitutionnel, qui date de 2003 et dit qu’il n’est pas question de poursuivre les œuvres artistiques, au travers du délit d’outrage au drapeau ou à la Marseillaise.
Les motivations me semblent ici, non pas juridiques, mais purement politiques, allant dans le sens de ce qu’on suppose être la volonté de l’électorat. »

« Bafouer le drapeau, ce n’est pas de l’art »

Approuvant la décision de la Garde des Sceaux, « pleinement fondée juridiquement » selon lui, Eric Ciotti, député et président du Conseil général des Alpes Maritimes, interroge : « qui peut accepter aujourd’hui, qu’on porte atteinte aux symboles de la République ? Le drapeau, c’est ce qui réunit tous les Français, de n’importe quelle idéologie. Le bafouer, ce n’est pas de l’art et il faut que ces libertés trouvent des limites. […] Cette photo est une provocation, ce n’est pas de l’art ! Peut-on tolérer ces dépassements, ces outrances ? L’excès de libertés va tuer la démocratie dans notre société. »

« Gardons notre socle : la liberté, et non la répression »

Des propos auxquels Me Tricoire répond : « La France est notamment célèbre pour sa liberté de caricatures. Nos valeurs, c’est plutôt la liberté, que la répression, donc conservons notre liberté d’expression, ne reculons pas là-dessus. Et de toute façon, une telle sanction sera sanctionnée automatiquement par la Cour européenne des Droits de l’Homme.
Et qui est-on pour dire : ceci n’est pas une œuvre d’art ? C’est un jugement de valeur, qui appartient à chacun. »

La Rédaction