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Une main bionique, alternative efficace à la greffe?

Markus Kemeter, un patient autrichien, montre sa main bionique

Markus Kemeter, un patient autrichien, montre sa main bionique - Dieter Nagl / AFP

Une main bionique aux performances comparables à celles d'une main greffée: c'est l'exploit réalisé par des chercheurs autrichiens. Un espoir pour tous les accidentés ayant perdu l'usage de leur main.

Trois autrichiens qui avaient complètement perdu l’usage d’une main ont été équipés de mains bioniques qu’ils peuvent contrôler par la pensée. Ces prothèses ont été conçues par le professeur autrichien Oskar Aszmann, de l’université de Vienne. Les performances de ces mains bioniques, décrites dans la revue médicale The Lancet, sont en tout point comparables à celles d’une main greffée, avec le considérable avantage de ne pas nécessiter la prise d’un traitement antirejet. 

Les trois hommes sont désormais capables d’utiliser leurs mains bioniques pour réaliser des tâches quotidiennes aussi diverses qu’attraper une balle, boutonner un manteau ou couper des aliments avec un couteau.

Des rescapés d'accidents

Les patients avaient tous été victimes d’accidents ayant provoqué des dommages irréversibles du plexus brachial, un réseau de nerfs qui part de la base du cou et commande les mouvements des membres supérieurs.

Deux d’entre eux étaient ainsi des rescapés d’accidents de moto alors que le troisième avait fait une chute de 100 mètres lors d’une sortie de spéléologie. Des accidents qui ont pour conséquence classique d’affecter un côté du corps plus que l’autre, faisant d’eux les sujets parfaits pour ce projet de recherche. 

"On parle de blessures terribles," explique ainsi le Docteur Oskar Aszmann, chirurgien plastique spécialisé dans la reconstruction post-traumatique à l’université médicale de Vienne et porteur du projet. "Ces patients ont passé des mois entiers en unités de soins intensifs."

Un long entraînement cérébral 

Les trois hommes avaient ainsi déjà subi plusieurs opérations sur leur membre blessé. Des greffes de nerfs provenant d’autres parties de leur corps leur avaient permis de recouvrir une bonne mobilité de l’épaule et du coude. Mais leurs mains, dont le dédale d’innervation est d’un niveau de complexité bien supérieur, restaient inutilisables. 

Comment fonctionne cette main bionique? Elle récupère les rares signaux nerveux insuffisants pour faire se mouvoir la main blessée et les augmente en pratiquant une autogreffe d’un muscle de la jambe qui va amplifier le signal que le cerveau envoie à la main. Par la suite, les signaux amplifiés sont captés et associés à différentes actions, comme l’ouverture de la paume ou les mouvements de chaque doigt, en s’aidant d’une image de main virtuelle affichée sur un ordinateur. "Le patient a besoin d’un long entraînement cérébral puisqu’il a arrêté de penser à bouger sa main pendant des années", explique ainsi le Dr Aszmann. 

Dans un deuxième temps, la prothèse bionique est attachée au membre défaillant, créant un système de "double main". Si le patient parvient à contrôler la prothèse de manière satisfaisante, on peut procéder à l’amputation et au remplacement de la main paralysée par la main bionique.

Une alternative crédible à la greffe? 

La technique représente une alternative extrêmement prometteuse à la greffe de la main, actuellement privilégiée. "Dans le cas de la perte d'une seule main, je pense que la reconstruction bionique a plus de bénéfices, parce qu'elle n'a aucun effet secondaire et que la qualité de la fonction récupérée est presque aussi bonne qu'avec une greffe", pense le chirurgien autrichien. "Il n'y a pas de sensibilité, ce n'est pas de la chair et du sang, mais du plastique et des composants. Mais du point de vue fonctionnel, c'est comparable à la greffe". 

Est-ce la fin des greffes de mains? Pas encore, d’après le Docteur Aszmann. "Certains patients, au bout du processus, ne peuvent pas être candidats à la reconstruction bionique, soit parce qu'ils n'ont pas suffisamment de nerfs disponibles, soit parce qu'ils n'y sont pas prêts psychologiquement, ou bien encore faute d'un environnement adéquat", c'est-à-dire la possibilité de faire entretenir leur prothèse là où ils vivent.

François DE LA TAILLE