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Treiner : « ITER, une bonne idée... un mauvais projet »

Jacques Treiner : « après avoir choisi le site de Cadarache (en Provence), on a remis tous les budgets sur le tapis, refait les additions et on s’est rendu compte que les budgets avaient été sous–estimés par les gens qui ont proposé la candidature du site

Jacques Treiner : « après avoir choisi le site de Cadarache (en Provence), on a remis tous les budgets sur le tapis, refait les additions et on s’est rendu compte que les budgets avaient été sous–estimés par les gens qui ont proposé la candidature du site - -

Jacques Treiner, physicien, fait partie avec Georges Charpak, prix Nobel de physique en 1992, des opposants au projet ITER qui pourrait selon lui, tuer d'autres secteurs de recherche fondamentale.

Jacques Treiner, physicien, fait partie avec Georges Charpak, prix Nobel de physique en 1992, des opposants au projet Iter, (pour International Thermonuclear Experimental Reactor ou en français : « réacteur expérimental thermonucléaire international ») qui doit être implanté sur le site de Cadarache (Bouches-du-Rhône). Il décrit le principe d'Iter et explique ses réticences au projet :
« C’est une grosse machine qui doit étudier le comportement d’un plasma, un mélange à très haute température (à cent millions de degrés) de deux variétés d’hydrogène. A ces températures, on peut enclencher des réactions de fusion nucléaire. C’est le contraire de la fission, où l’on prend un gros noyau qu’on casse en deux et on récupère l’énergie. Là, c’est deux petits noyaux (l’hydrogène est le plus petit des noyaux), on les fait rentrer en collision, ça forme un noyau d’hélium et ça dégage un neutron. Ce processus permet de récolter beaucoup d’énergie. L’idée de la fusion nucléaire est venue tout de suite, dès la seconde guerre mondiale. Une bombe H, c’est une bombe à fusion.»

Un budget multiplié par 3, passant de 5 à 15 milliards d'euros.

« Iter ne va pas étudier ça, mais le comportement, la turbulence de ce mélange de deux variétés d’hydrogène. La physique des plasmas comporte plusieurs pistes, Iter en est une. Iter, c’est un consortium international, en ce qui nous concerne ça passe par Euratom, donc c’est l’Europe qui finance.
Ce qui s’est passé d’étrange, ces deux derniers mois, c’est qu’après avoir choisi le site de Cadarache (en Provence), on a remis tous les budgets sur le tapis, refait les additions et on s’est rendu compte que les budgets avaient été sous–estimés par les gens qui ont proposé la candidature du site. Délibérément, je ne sais pas, peu importe ! Toujours est–il que le budget est maintenant multiplié par trois (de 5 à 15 milliards d’euros). Les grands projets comme celui–là subissent toujours des dépassements, mais généralement c’est en cours de route…Attention, cette somme en milliards d’euros peut paraitre énorme, mais tout dépend de l’unité de compte. Comment vous comparez, comment vous décidez que quelque chose est cher ou pas cher ? Si vous le comparez à la guerre en Irak, c’est donné. En deux semaines de guerre d’Irak vous avez construit Iter…»

« Une promesse d'électricité... pas avant la fin du siècle »

« Mais ce qu’on nous annonce c’est qu’on va prendre d’autres budgets de l’Europe pour la recherche fondamentale, pour financer celui–là. Et c’est là que nous disons : dans ce cas–là, il est hors de prix ! Ça tue d’autres recherches et il n’y a aucune légitimité à faire ça : ça ne va pas produire d’électricité, c’est de la physique des plasmas. C’est une superbe physique, je suis un chercheur fondamentaliste, il faut développer tous les secteurs de recherche. Mais il ne faut pas faire croire que celui–ci est prioritaire parce qu’il va produire de l’électricité. A terme c’est ce qu’on espère ! Au niveau de la recherche fondamentale, il ne faut pas faire croire qu’on est au niveau de la construction d’un prototype d’un réacteur. Ce n’est pas un réacteur. Ce dont il s'agit ne correspond pas tout à fait à ce que les promoteurs d’Iter diffusent dans les médias. C’est une promesse d’électricité, oui. Mais on ne sait pas à quelle échelle de temps. Certainement pas avant la fin du siècle ! On dit la fusion, c’est le soleil dans votre cocotte–minute dans votre cuisine… sauf qu’on ne sait pas encore construire la casserole. L’idée est bonne, mais le projet n’est pas bon ! »
Pour retrouver l'intégralité du podcast de Jacques Treiner chez Jean-Jacques Bourdin, cliquez ici

La rédaction de RMC