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TOUT COMPRENDRE - Que signifie la découverte de phosphine sur Vénus pour la recherche de vie extraterrestre?

Photo de Vénus (Photo d'illustration).

Photo de Vénus (Photo d'illustration). - AFP

La découverte par une équipe de chercheur de traces de phosphine sur Vénus pousse les scientifiques à envisager l'hypothèse de l'existence de formes de vie microbiennes sur cette planète inhospitalière.

Vénus abrite-t-elle la vie? Longtemps négligée au profit de Mars dans le cadre de l'exploration et la recherche spatiales, la deuxième planète du système solaire s'est retrouvée sous les feux des projecteurs après qu'une équipe internationale de chercheurs a affirmé avoir détecté la présence de phosphine sur Vénus, un gaz pouvant indiquer l'existence de formes de vies.

Dans leur étude, publiée lundi dans la revue scientifique Nature Astronomy, les scientifiques déclarent avoir étudié plusieurs pistes pouvant expliquer la présence de ce gaz dans l'atmosphère de la planète sans qu'aucune se révèle concluante. Ils privilégient désormais l'hypothèse d'un processus chimique encore inconnu, voire de la présence de formes de vies microbiennes sur Vénus, qui pourraient être à l'origine de la phosphine détectée. Ils indiquent toutefois que des recherches plus approfondies sont nécessaires afin de parvenir à une telle conclusion.

· Qu'est-ce que la phosphine, le gaz découvert par les chercheurs?

Les chercheurs ont détecté la présence de phosphine ( PH3) dans les épais nuages d’acide sulfurique des couches supérieures de l’atmosphère de Vénus. Ce gaz, composé de trois atomes d’hydrogène et d’un atome de phosphore, fait partie des biosignatures, précise Le Point, des substances qui peuvent signifier l'existence de formes de vies sur les planètes rocheuses. Sa concentration dans l'atmosphère de Vénus intrigue les scientifiques, car elle dénote d'une source régulière produisant ce gaz hautement toxique.

C’est la première fois que des traces de phosphine sont découvertes sur une planète tellurique autre que la Terre, où elle résulte de l’existence d’êtres vivants. Ce composé a déjà été retrouvé dans les planètes géantes gazeuses du système solaire mais, dans ces cas-là, il avait été produit dans des conditions atmosphériques que l'on ne retrouve pas sur les planètes rocheuses.

Sa présence dans l’atmosphère terrestre, en revanche, est exclusivement liée à l’activité humaine (il s’agit notamment de l’un des pesticides les plus utilisés dans le monde) et microbienne. La phosphine peut en effet être produite par des bactéries anaérobies (qui subsistent sans oxygène) qui prospèrent dans des environnements très particuliers. Ainsi, par analogie avec la Terre, les chercheurs responsables de sa découverte envisagent l’existence de traces de vie sur Vénus comme l’une des cause possibles de la présence de phosphine sur la planète.

· Cette découverte implique-t-elle l'existence de la vie sur Vénus?

Pas forcément. Sans rejeter l'hypothèse, les auteurs de l'étude insistent fortement sur le fait que le présence de phosphine dans l'atmosphère de Vénus n'implique pas nécessairement l'existence de formes de vies sur la planète.

D'autant plus qu'avec son atmosphère torride (470°C à la surface) composée à 97% de gaz carbonique et sa pression 90 fois supérieure à celle de la Terre, Vénus ne semble pas propice au développement du vivant. Même la haute couche de nuages vénusienne, qui présente pourtant des conditions moins extêmes que la surface de la planète, constitue un environnement hyperacide et déshydratant peu favorable à l'apparition de la vie, précisent les chercheurs.

Selon ces derniers, la présence de phosphine implique surtout des "processus de chimie anormaux et inexpliqués" à l'oeuvre sur Vénus. Elle "pourrait provenir de processus inconnus de photochimie ou géochimie, ou, par analogie avec la production biologique de phosphine sur Terre, de la présence de vie", explique l'étude.

Pour Emmanuel Marcq, maître de conférence à l'Université de Versailles Saint-Quentin et au Laboratoire Atmosphères, Milieux, Observations Spatiales, plusieurs "jalons" doivent d'abord être franchis avant d'envisager l'hypothèse de l'existence d'une forme de vie sur Vénus. Première étape: s'assurer de la présence de phosphine dans l'atmosphère de la planète.

"La détection qui a été proclamée est la limite des capacités instrumentales actuelles", explique-t-il sur notre antenne, "on s'attend à ce que [...] beaucoup d'équipes se mettent sur le sujet en essayant soit de confirmer la présence de ce gaz, soit de l'infirmer en utilisant tout l'arsenal de télescopes à disposition."

Il faut ensuite s'assurer que le PH3 dans la couche de nuage vénusienne n'a pas été générée par "des réactions chimique qui auraient été négligées jusque-là, ou des émissions volcaniques, ou toute autre perturbation qui n'aurait pas été prise en compte", ajoute le scientifique.

Les auteurs de l'étude plaident également en faveur de recherches plus poussées pour déterminer si la présence de PH3 sur la planète est d'origine photochimique, géochimique ou biologique. Et, pourquoi pas, pour l'envoi d'une nouvelle sonde sur Vénus.

· Y-a-t-il d'autres recherches menées sur la planète?

Vénus fait déjà l'objet de diverses recherches. La sonde japonaise Akatsuki, lancée en 2010, est notamment en orbite autour de la planète depuis 5 ans, dans le but d'étudier son climat. Cependant, l'envoi de missions à la surface de Vénus est compliqué par les conditions extrêmes qui y règnent.

“On ne sait pas encore faire des robots autonomes qui résisteraient aux conditions dantesques que l’on retrouve à la surface de Vénus”, explique Emmanuel Marcq, sur notre antenne.

Pour autant, enthousiasmé par cette nouvelle découverte, qu'il qualifie "d'événement le plus important dans la recherche de vie en dehors de la Terre", l’administrateur de la Nasa, Jim Bridenstine, a estimé qu’il était “temps de donner la priorité à Vénus”.

Dans un communiqué publié à la suite de la parution de l’étude dans Nature Astronomy, la Nasa a par ailleurs indiqué que deux missions à destination de Vénus pourraient voir le jour: le projet DAVINCI+, qui envisage de mener une analyse de l’atmosphère de la planète, et le projet VERITAS, qui vise à cartographier sa surface afin d’étudier son histoire géologique.

Il n’est pas certain cependant que celles-ci se concrétisent. Encore à l’état d’études, elles sont en effet en concurrence avec deux autres missions pour faire partie du programme d’exploration du système solaire de la Nasa. La sélection doit avoir lieu l’an prochain. D’autres missions, de moindre ampleur, pourront également être envisagées à l’avenir, précise la Nasa.

Du côté de l’agence spatiale européenne (ESA), le projet EnVision, qui souhaite étudier la géologie de Vénus, fait également partie des trois projets présélectionnés pour devenir la cinquième mission du programme scientifique Vision cosmique. Et si elle venait à être choisie, la mission EnVision ne devrait pas être lancée avant 2032.

Maëllyss Hedin Journaliste BFMTV