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Sucre: quand l'industrie saupoudre les scientifiques pour minimiser sa nocivité

Saupoudrage de sucre. (illustration)

Saupoudrage de sucre. (illustration) - Gunllla G - flickr - CC

Dans les années 60, les lobbyistes n'y allaient pas avec le dos de la cuillère, allant jusqu'à corrompre des scientifiques de Harvard. Une falsification de résultats décortiquée lundi dans le journal de l'Association médicale américaine. Un "cold case" dont les effets sanitaires se font encore sentir aujourd'hui.

Contrefaire une étude portant sur les risques cardiovasculaires induits par la consommation de sucre, et se sucrer au passage. C'est la tentation à laquelle ont cédé des scientifiques de Harvard, révèlent des chercheurs californiens dont l'article est paru lundi dans le Journal of Internal Medecine, organe de l'Association médicale américaine.

En 1964, trois scientifiques de la prestigieuse université ont reçu 6.500 dollars chacun, soit environ 45.000 euros actuels, pour truquer leurs conclusions. Le but? Reporter les problèmes de santé sur les aliments gras plutôt que sur les aliments sucrés.

Si la ficelle semble un peu grosse et que la communauté scientifique, y compris bien sûr à Harvard, a depuis largement infirmé cette thèse, les chercheurs soutiennent que la falsification a durablement orienté la recherche et eu un impact durable sur les pratiques de l'industrie alimentaire.

Aux Etats-Unis, les maladies cardiaques sont responsables de la mort d'une personne sur quatre, selon les CDC (Centers for Disease Control ans Prevention). Une proportion égale à celle que l'on trouve en France, rappelle sur son site la Fédération française de cardiologie. Les maladies cardiovasculaires restent ainsi la deuxième cause de décès chez les hommes et la première chez les femmes, même jeunes.

Les enquêtes sponsorisées ont fait florès

Les semi-vérités énoncées à propos du sucre sont malheureusement toujours à l'ordre du jour. En juin 2016, une enquête d'Associated Press (AP) révélait certaines tactiques de l'industrie alimentaire, dont la plus efficace consiste à financer des études scientifiques qui, mieux que la meilleure campagne marketing, se parent alors d'une "autorité académique".

Ainsi en 2011, une nutritionniste, professeure de l'Université de Louisiane, en cheville avec un confiseur, parvenait à cette "étonnante conclusion" que les enfants buvant des boissons sucrées étaient plus minces que ceux qui n'en buvaient pas. Contactée par AP, elle avait persisté, arguant de la "solidité" de son étude. Avec une autre professeure du Bayor College of Medecine, au Texas, et une ancienne cadre de Kellogg, le trio a, depuis 2009, publié deux douzaines d'articles du même genre. Les bénéficiaires sont "Kellogg et d'autres groupes industriels dans les domaines de la viande de bœuf, du lait et des fruits".

L'année passée, révèle de son côté une nutritionniste professeure à l'Université de New York qui s'insurge contre ces pratiques, 156 des 168 études commandées par l'industrie agroalimentaire américaine ont donné des résultats favorables à leurs sponsors. 

En face, note Radio Canada, la réponse de l'industrie sucrière consiste à déplacer le débat. A savoir qu'elle veut bien être blâmée pour ne pas avoir informé publiquement qu'elle rémunérait les chercheurs, mais continue de soutenir que "la recherche des années 60 n'était pas faussée pour autant".

David Namias