BFMTV
Sciences

Lunes glacées, habitabilité, vie… Les objectifs ambitieux de la mission européenne Juice vers Jupiter

La sonde spatiale européenne Juice s'apprête à décoller ce vendredi, pour un voyage de huit ans vers Jupiter et ses lunes glacées, avec une quête et beaucoup d'espoir: trouver des environnements extraterrestres favorables à la vie.

De la vie sur Jupiter? Ce vendredi, la sonde spatiale Juice (Jupiter Icy Moons Explorer) de l'Agence spatiale européenne (Esa) va s'élancer à bord d'une fusée Ariane 5 depuis la base de Kourou, en Guyane, en direction de la plus grosse planète gazeuse de notre système solaire. Le voyage était initialement prévu jeudi mais a été reporté à la dernière minute.

L’objectif: explorer l'environnement complexe de Jupiter en étudiant plus précisément ses trois lunes glacées (Ganymède, Europe et Callisto) pour percer certains mystères jamais élucidés lors des deux précédentes missions en 1979 (Voyager 1) et dans les années 1990 (Galileo).

"Le système de Jupiter peut être un archétype pour les exoplanètes. C'est le genre de mission qui prend beaucoup de temps à développer mais qui apporte des informations extraordinairement essentielles", se réjouit auprès de BFMTV.com Athéna Coustenis, chercheuse au CNRS et membre du comité scientifique de la mission.

L'espoir autour des lunes glacées

Après plusieurs années à graviter autour de la Lune et de la Terre, à survoler Vénus et à parcourir des centaines de milliards de kilomètres, la sonde Juice arrivera en 2031 aux abords de Jupiter. Elle survolera ensuite la lune Europe deux fois, la lune Calisto 21 fois, puis se mettra en orbite autour de Ganymède, une première pour une autre lune que la nôtre.

Le véhicule, grâce à dix instruments scientifiques de pointe, pourra ainsi explorer les océans de glace qui se cachent à l’intérieur de la seule lune du système solaire possédant un champ magnétique. Les chercheurs espèrent y trouver la preuve d'une présence d'eau liquide, absente de la surface malgré des photographies encourageantes de geysers.

"Nous cherchons de l'eau liquide et une source d’énergie pour avoir une réaction chimique, comme la chaleur", soit deux conditions favorables à l'émergence de la vie, explique à BFMTV.com Nicolas Altobelli, chef de mission à l'Esa.

À la recherche d'habitabilité

Même si d'importantes découvertes devraient être réalisées au cours de la mission Juice, la sonde spatiale européenne ne mettra pas fin à des dizaines d’années de recherche de vie dans l’espace. Les experts sont formels, pour une raison technique.

Le directeur du pôle science de l'agence explique: "Nous ne cherchons pas la vie, nous n’avons pas les instruments. Seule la sonde Viking, dans les années 1970 sur le sol martien, en était équipée."

Mais, si Juice ne peut pas trouver de traces de vie, elle est bien à la recherche de conditions d’habitabilité, c’est-à-dire les conditions favorables à l'émergence de la vie et son développement.

"Dans les années à venir, les missions spatiales ont toutes pour objectif d'étudier les conditions d'habitabilité, rappelle la chercheuse Athéna Coustenis. Sur Mars, et malgré une soixantaine de missions, aucune ne nous a donné d'indication de vie. Mais cette fois-ci, nous avons espoir de trouver des conditions favorables à l'émergence de la vie."

À l'heure actuelle, les scientifiques préfèrent prévenir le public: en aucun cas il n'est question de trouver des conditions favorables pour que nous y habitions en tant qu'humains. Pour illustrer ce propos, Nicolas Altobelli prend l'exemple de la Terre.

"Il faut bien définir la notion d'habitabilité. Au moment où la vie est apparue sur Terre, les humains n'auraient pas pu y vivre. Actuellement, la vie ne peut pas apparaître mais les humains peuvent bien y vivre", fait-il valoir.

Coopération Esa/Nasa

À quelques heures de son lancement, grâce au dernier voyage d'Ariane 5, la mission est l'un des projets les plus ambitieux de l’Esa, une "fierté européenne" selon Athéna Coustenis.

"Cela prouve que l'on joue au même niveau que la Nasa. Certes, le commercial monte aux États-Unis, mais sur les missions d’exploration, nous faisons jeu égal", estime-t-elle.

D’ailleurs, la compétition entre les agences devrait se transformer en une coopération, puisque la mission Europa Clipper de la Nasa, dont le départ est prévu en 2024, arrivera vers Jupiter - et plus précisément la lune Europe - en 2030, soit un an avant Juice.

"Nous serons au même moment sur place. Il y aura une sorte de coordination. Nous ferons des mesures ensemble", poursuit la chercheuse du CNRS.

Il faudra donc attendre au minimum huit ans avant de pouvoir exploiter les premières données, qui se poursuivront jusqu’en 2035.

"Il ne faut pas être pressé. Les missions du système solaire externe prennent deux générations. Les étudiants en astrophysique d’aujourd’hui s'occuperont d’exploiter le travail de ceux qui ont développé la mission", résume Nicolas Altobelli.

Théo Putavy