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Linky va débarquer chez vous: connaissez-vous ce compteur?

Linky (au fond, en jaune) s'entretient avec un agent d'ERDF.

Linky (au fond, en jaune) s'entretient avec un agent d'ERDF. - -

Alors que le prix de l'électricité va subir des hausses successives, le développement du compteur d'électricité intelligent Linky, lancé par Jean-Marc Ayrault, prend un sens particulier. Que cache ce petit boîtier dont on parle à la troisième personne et qu'on appelle par son petit nom? Portrait parodique pour un équipement réellement controversé.

Paré de son habituel costume jaune fluo, son écran LCD affiche le regard triomphant de celui qui a enfin remporté un long combat. "Il y n'y avait pas tant d'électricité dans l'air. Avec cette histoire de hausse de 5%, les médias ont amplifié la tension." Linky a la victoire modeste. La décision de Jean-Marc Ayrault, qui vient de signer son grand plan national d'adoption et d'engager l'appel d'offres pour l'installation, il ne la commentera pas, sinon pour dire que la nouvelle génération l'a naturellement emporté.

Surnommé "le Compteur intelligent", Linky est un peu l'outsider des compteurs électriques. Dévoré par l'ambition, il ne veut rien moins que remplacer 35 millions de ses aïeux d'ici 2020. Place aux jeunes. Sa période d'essai de deux ans, entre 2009 et 2011, en Indre-et-Loire, a été pour certains, comme son papa Électricité réseau distribution France (ERDF, qui gère l'acheminement de l'électricité), une franche réussite. Pour d'autres, un petit fiasco.

Peu importe, le 28 septembre 2011, le gouvernement Fillon décide qu'il s'inviterait chez tous les Français.

Un communicant-né

A l'heure du 2.0, Linky est un communicant-né. C'est ce qui le distingue de ses congénères plus anciens: tout ce qu'il examine, il l'envoie sur les réseaux. Vous allumez la lumière, le frigo se met en marche? Encore plus vite que certains instagramment leurs pieds ou le plat qui refroidit dans leur assiette, Linky envoie l'information à ERDF qui prévient le fournisseur d'électricité. Le temps réel est sa culture.

Son paternel, ERDF, manque de mots pour dire à quel point le rejeton fait des étincelles. "Linky présente de nombreux avantages pour le client. […] Une facture qui pourra être calculée sur la base de la consommation réelle, des interventions réalisées à distance et dans des délais plus courts…" Sa promesse est de mettre à bas les surfacturations dues aux estimations de consommation et de faciliter la gestion de cette consommation, car Linky est toujours prêt à filer un coup de main si on lui demande.

On dit même que plus tard, il permettrait à tout un chacun de piloter à distance ses appareils électriques via une interface web. Sourire en coin, l'intéressé ne confirme ni ne dément.

Le compteur qui fâche

Mais sous cette assurance de façade, Linky ne serait-il qu'un compteur aux pieds d'argile? C'est une personnalité controversée, et malgré l'ampleur de son réseau, sa progression ne s'est pas faite sans quelques accrocs.

La Cnil, dès 2010, avait mis en garde contre une personnalité potentiellement trop curieuse. A cela, l'intéressé répond simplement que les informations qu'il transmet, par le réseau électrique via le courant porteur puis par le réseau téléphonique via une carte sim, sont chiffrées et que les fichiers respecteront les recommandations de la commission.

Son enfance a également provoqué de terribles scènes de ménage entre ERDF et la fédération des collectivités et des régies (la FNCCR), à propos de la garde du gamin. Aujourd'hui encore, la propriété de Linky est une question qui fâche. Mais une critique plus préoccupante se fait aussi entendre: Linky serait-il néfaste pour la santé? C'est ce que croit savoir l'association lyonnaise Next-Up qui s'émeut des ondes qu'il produirait. Ce combat est aussitôt repris par Robin des Toits dont les ondes radio sont le cheval de bataille. L'association a déposé un recours devant le Conseil d'Etat.

Linky, ce grand gourmand

L'intelligence de Linky, elle-même, n'est pas un fait accepté de tous. L'UFC Que Choisir a toujours vu en lui un charlatan: "Ces compteurs sont bel et bien conçus essentiellement dans l’intérêt exclusif du gestionnaire de réseau et des fournisseurs d’énergie, et bien peu dans celui des consommateurs, en dépit des promesses."

L'association de consommateurs lui reproche de n'avoir pas montré ses bulletins de notes et demande une" évaluation probante préalable". Elle critique aussi la privatisation de l'accès aux données de consommation et, faute de compétence majeure, l'absence de l'affichage déporté. En effet, Linky ne sait pas afficher aux utilisateurs la consommation en temps réel sur une période donnée, fonction indispensable pour une gestion efficace.

Lui enseigner un tel affichage pourrait saler de 50 euros supplémentaires une facture déjà conséquente: accueillir Linky dans son foyer devrait coûter 30 euros pour le boitier, plus au minimum 120 euros pour l'installation.

10.000 emplois dans la balance

Coup de grâce, l'Ademe, agence gouvernementale de la maîtrise de l'énergie, affirme que l'ascète est en fait un grand gourmand. Contrairement à ses ancêtres, il consomme lui-même de l'électricité. Il pourrait ainsi entraîner, non des économies, mais une surconsommation générale de l'ordre de 0,05%.

Montant sur ses grand chevaux, le boîtier électrique fulmine et met ses plombs à rude épreuve lorsqu'on évoque ce point. 0,05%, ce n'est certes pas tant que ça, mais ça la fout mal lorsqu'on nous vend un gaillard au régime sec.

Malgré l'action de ses détracteurs, Linky est loin d'être court-circuité, ainsi qu'en témoignent les récentes déclarations du chef du gouvernement. Et pour cause: son installation chez les Français pourrait créer 10.000 emplois. Tant qu'il tiendra cette promesse, le "compteur intelligent" pourra aborder son avenir avec sérénité.

Olivier Laffargue