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Le sida est une invention humaine: pourquoi c'est faux

Gorilles au Rwanda, le 27 décembre 2014.

Gorilles au Rwanda, le 27 décembre 2014. - Ivan Lieman - AFP

POURQUOI C'EST FAUX 3/5 - Le VIH, dont les quatre souches ont été récemment identifiées, est depuis des décennies l'objet de nombreuses théories complotistes. Avec un point commun: toutes accusent l'homme d'avoir créé le sida, ou nient au contraire son existence pour mieux dénoncer une sombre mystification.

Le virus du sida, création humaine? "Le virus du sida est si différent de par sa structure de tout autre virus qu'il ne peut absolument pas avoir été formé par notre mère, la Nature", affirmait le pathologiste américain Robert Strecker dans un mémorandum éponyme. La thèse prêterait à sourire si elle ne s'accompagnait pas d'assertions quasi-criminelles, comme celle qui consiste à dire que se protéger avec un préservatif ne servirait à rien.

Depuis, de l'eau a coulé sous les ponts et les modes de transmissions du VIH, dont il faut rappeler qu'on ne guérit toujours pas, sont mieux connus. Las, les complots perdurent jusqu'à aujourd'hui. Une masse très hétéroclite relance régulièrement les débats, du polémiste Dieudonné à des groupements néo-scientifiques comme le "Perth Group", une association de médecins australiens. L'argument principal de ces derniers est de contester le fait que le VIH provoque l'immunodéficience acquise, soit le sida lui-même. 

Du complot généralisé...

Dans une des plus sombres versions de la genèse du sida, le virus aurait été inoculé à certaines catégories de populations à des fins racistes ou homophobes. Certains, document du FBI à l'appui, soutiennent que la maladie a été conçue au fort McKinley, à des fins eugénistes et malthusiennes.

Citons encore la théorie portée par le documentaire House of numbers, de Leung Brent, en 2009. Comme dans la thèse complotiste "Big Pharma", les insatiables appétits de l'industrie pharmaceutique y sont dénoncés. Selon "la même vielle combine, que l'on parle de cancer du col de l'utérus, de grippe porcine et même du sida", la manoeuvre consisterait à rendre les gens malades avant de sortir un vaccin.

Boyd Ed Graves, un avocat spécialiste des droits humains, avait porté plainte contre l'Etat américain. Ce vétéran afro-américain de l'US Navy a évoqué le nom d'une opération secrète menée de 1948 à 1978: le "U.S. Special Virus Program". "On comprend mieux pourquoi les Noirs comptent pour 13% de la population et 50% des cas de personnes frappées par le Sida", avançait-il.

... au révisionnisme

Avec la supposée bénédiction de l'Organisation mondiale de la santé, des campagnes de vaccination orales contre la poliomyélite menées entre 1957 et 1960 dans l'ex-Congo Belge, aujourd'hui République démocratique du Congo (RDC), alimentent aussi la controverse. L'administration par le virologue Hilary Koprowski d'un antipoliomyélique oral serait à l'origine de l'épidémie, car le vaccin aurait été conçu à partir de reins de chimpanzés porteurs du VIS (équivalent simiesque du VIH). C'est donc ainsi, en bout de chaîne, que les gens auraient été contaminés. Avec The River: A Journey to the source of HIV ans AIDS, le journaliste britannique Edward Hooper a largement contribué à populariser ces supputations qui font encore leur chemin sur Internet.

Des voix se sont élevées à plusieurs reprises contre cette duperie. Le 22 avril 2004, un article de Michael Worobey paru dans la revue Nature, apporte une triple réfutation aux thèses de Hoover. Comme résume l'article de Gilles Pailoux, chef de service des maladies infectieuses et tropicales à l'hôpital Tenon et rédacteur en chef de VIH.org, l'étude établit entre autres qu'aucun matériel génétique des chimpanzés incriminés n'a été retrouvé ni dans les lots de vaccins conservés, ni chez les populations locales humaines traitées.

Et donc, d'où vient le sida?

Après avoir passé en revue certaines hypothèses et succinctement réfuté celle qui a connu la meilleure fortune médiatique, il reste à déterminer ce qu'on peut tenir pour sûr en l'état actuel des connaissances.

Ainsi, l'origine la plus admise du VIH est une transmission à l'homme par les grands singes. Quatre souches M, N, O et P de l'immunodéficience humaine étaient depuis longtemps différenciées. Mais alors que l'origine simienne des groupes M et N, en fait des chimpanzés du Cameroun, avait été identifiée il y a plusieurs années, le réservoir des groupes O et P restait encore récemment inconnu. Révélés en février 2015 dans les comptes rendus de l'Académie américaine des sciences (PNAS), les résultats des travaux menés par Martine Peeters, une virologue de l'Institut français pour la recherche et le développement (IRD) et de l'université de Montpellier, ont mis fin au mystère: O et P proviennent du gorille. 

Le groupe M du VIH-1, la souche la plus répandue, reste responsable de la pandémie de sida avec plus de 40 millions de personnes infectées dans le monde. Elle représente 99% des cas.