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Le phénomène des "apéros Facebook" inquiète les autorités

Les "apéros Facebook", dont un participant est mort pour la première fois jeudi en France, se multiplient et échappent jusqu'à présent au contrôle des autorités, qui balancent entre médiation et répression. /Photo prise le 12 mai 2010/REUTERS/Stéphane Mah

Les "apéros Facebook", dont un participant est mort pour la première fois jeudi en France, se multiplient et échappent jusqu'à présent au contrôle des autorités, qui balancent entre médiation et répression. /Photo prise le 12 mai 2010/REUTERS/Stéphane Mah - -

par Clément Guillou PARIS - Les "apéros Facebook", dont un participant est mort pour la première fois jeudi en France, se multiplient et échappent...

par Clément Guillou

PARIS (Reuters) - Les "apéros Facebook", dont un participant est mort pour la première fois jeudi en France, se multiplient et échappent jusqu'à présent au contrôle des autorités, qui balancent entre médiation et répression.

Au lendemain de la mort d'un jeune homme de 21 ans à Nantes, le ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, a convoqué pour la semaine prochaine une réunion de travail sur ces "apéritifs géants" organisés depuis six mois dans des villes de province, dans une véritable course au record d'affluence.

Brice Hortefeux, qui voudrait encadrer et non interdire ces manifestations, a adressé aux préfets un "document d'appel à la prudence" à propos de ces "apéros géants", qualifiés de "festifs mais dangereux".

Il rappelle à cette occasion que des règles doivent être respectées, toutes les manifestations sur la voie publique étant soumises "à l'obligation de déclaration préalable."

Ces rassemblements non déclarés et organisés grâce à la viralité des réseaux sociaux sont les successeurs des "free parties" ou "rave parties" des années 1990, déjà basées sur la clandestinité, la gratuité et l'esprit de fête.

Le procureur de la République et le maire de Nantes se sont dits désarmés, le premier s'agissant de la responsabilité pénale, le second pour la gestion de l'événement.

La responsabilité "du premier à appeler à l'apéritif géant ne semble pas établie", a dit le procureur Xavier Ronsin.

Le député-maire socialiste Jean-Marc Ayrault a demandé l'aide de l'Etat, constatant que les interdictions préfectorales, comme à Montpellier (Hérault) mercredi soir, n'ont pas empêché des milliers de personnes de se rassembler.

"Il faut parler franchement à ceux qui en prennent l'initiative, ils prennent une lourde responsabilité, ils mettent la vie de personnes en péril", a-t-il dit sur France Info, jugeant le phénomène non pas festif mais "glauque".

"ON RISQUE GROS"

Jusqu'à présent, la seule manière d'empêcher ces rassemblements a été de faire pression sur l'organisateur, quand les autorités ont pu l'identifier.

Celui-ci annule alors, la plupart du temps, l'apéritif, mais n'a pas la main sur la suite des événements : rien n'empêche les candidats de se rassembler au lieu prévu, la force du nombre rendant l'arrêté d'interdiction inapplicable.

L'organisateur de l'apéritif du Mans (Sarthe), prévu samedi, prie instamment les plus de 5.000 personnes inscrites de ne pas venir. "On a été convoqué au commissariat et on risque gros, très gros (...) nous sommes jeunes et on risque de payer une TRES forte amende", écrit-il sur Facebook.

L'organisation de manifestations illicites est passible de six mois de prison et 7.500 euros d'amende en France. L'ivresse sur la voie publique est passible d'une contravention.

Pour interdire le premier apéritif parisien, prévu le 23 mai sur le Champ-de-Mars, la préfecture de police de Paris a contacté l'organisateur sur Facebook et créé sa propre page pour rappeler les risques encourus par les organisateurs et les participants. Le rassemblement a été annulé.

Le maire de Toulouse, Pierre Cohen, a demandé au préfet de Haute-Garonne d'interdire l'apéritif prévu le 26 juin sur la place du Capitole, pour lequel plus de 16.000 personnes ont confirmé leur présence.

Mais l'interdiction préfectorale de l'apéritif de Montpellier n'a pas empêché 11.000 personnes de se rassembler, sans provoquer aucun incident. "Annulation ou pas, on va trinquer !", prévenait une participante sur Facebook.

"APOTHÉOSE COLLECTIVE"

Plutôt que de sanctionner, des représentants politiques sont partisans de la médiation.

"Je pense qu'il faut essayer de trouver un système pour permettre aux gens de se retrouver mais dans des conditions de sécurité", a dit le socialiste Claude Bartolone sur Europe 1.

Pour Nathalie Kosciusko-Morizet, "il peut y avoir un peu le même genre de politique que ce qu'on a eu vis-à-vis des 'rave parties' dans les années 90".

"Les 'rave parties' n'ont pas été complètement interdites (mais) les organisateurs ont accepté de rentrer dans les cadres de réflexion qui étaient ceux des préfectures, d'entrer dans la logique des problèmes de sécurité", a rappelé la secrétaire d'Etat à l'Economie numérique.

Pour Monique Dagnaud, chercheuse à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), ces apéritifs géants "s'inscrivent dans une culture festive débridée qui s'est développée au début des années 2000", au croisement de Facebook - où certains veulent avoir plus d'amis que le voisin -, de la soirée étudiante et de la culture française de "l'apéro".

"Leur objectif affiché est de créer un fort bruit médiatique en lançant une compétition entre les différentes villes de France. Derrière cela, il existe une aspiration plus profonde : la recherche d'une apothéose collective", dit-elle à Libération.

Avec Guillaume Frouin à Nantes, édité par Sophie Louet