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Le mont Blanc bientôt mesuré: comment les géomètres calculent sa taille au centimètre près

Le Mont-Blanc se réfléchit dans le Lac Blanc de Chamonix.

Le Mont-Blanc se réfléchit dans le Lac Blanc de Chamonix. - Pedrosala/Shutterstock

Une expédition composée de géomètres-experts réalise cette semaine des mesures afin de connaître la hauteur exacte de la plus haute montagne des Alpes.

C'est devenu une habitude. Depuis 2001, des géomètres-experts se lancent, environ tous les deux ans, à l'assaut du mont Blanc pour aller vérifier l'altitude précise de son sommet.

Président de la commission en charge de cette 12e mesure de la plus haute montagne des Alpes, Denis Borrel fera partie de l'expédition qui part ce jeudi pour quatre jours. Avec lui, pas moins de quatorze participants - des spécialistes comme des partenaires techniques - et sept guides.

"On arrivera au sommet vendredi. Ensuite, on va prendre entre une demi-heure et trois heures, en fonction des conditions météorologiques, pour effectuer différents relevés", détaille cet alpiniste aguerri, entraîné et acclimaté ces derniers jours autour de 4000 mètres pour "faire des globules rouges et supporter le manque d'oxygène".

Trouver le point exact du sommet

Pour connaître la taille du mont Blanc, il faut tout d'abord trouver son point le plus haut, l'arête sommitale étant quasiment au même niveau horizontal sur une centaine de mètres de long.

"On se balade sur cette zone en pointant un GPS fixé sur une canne le plus près possible du sol. Grâce à une tablette nous donnant l'altitude sous notre antenne, on détermine l'exact sommet", résume ce géomètre-expert de Haute-Savoie.

Une fois le bon endroit identifié, la tige tenant le GPS y est enfoncée. "On obtient des correctifs de l'altitude en temps réel via d'autres GPS, statiques et ancrés dans la vallée, qui envoient leurs signaux par internet et les satellites".

Mais la valeur n'est encore qu'approximative à ce moment, le temps que l'Institut national de l'information géographique (IGN) n'effectue d'infimes révisions de la hauteur.

"À partir de la mesure exécutée vendredi, l'IGN doit peaufiner après coup le calcul en tenant compte du niveau zéro réel sous ce point", éclaire Denis Borrel. "Concrètement, cette altitude zéro diffère légèrement du niveau de la mer sous des masses rocheuses, comme les montagnes, en raison du champ magnétique terrestre".

À l'aune de ce paramètre, la nouvelle taille officielle pourra ainsi être annoncée le 5 octobre prochain à l'occasion d'une conférence de presse.

Une modélisation 3D du sommet

En 2021, le géant des Alpes pointait exactement à 4807,81 mètres, soit 92 centimètres de moins que les précédents relevés. "Un phénomène naturel" selon Denis Borrel, qui réfute l'idée que l'on puisse attribuer cette baisse aux effets du réchauffement climatique:

"Tout dépend de l'influence du vent, qui façonne le sommet selon le côté où il souffle. Les scientifiques n'ont tiré aucune conclusion et considèrent que le haut du Mont-Blanc est un frigo, sans aucune fonte significative observée".

Pour s'en assurer, l'expédition doit néanmoins réaliser d'autres prises de données. Un GPS dit "cinématique" est prévu pour cartographier les différents points de la calotte neigeuse du sommet. "L'idée est de calculer le volume de neige et de glace par rapport aux années précédentes pour voir s'il y a une corrélation entre une éventuelle montée ou descente du mont Blanc", poursuit l'expert.

Si la météo n'est pas trop capricieuse, un drone - pour lequel la petite troupe a dû demander des autorisations préfectorales - doit balayer ensuite la zone et prendre plusieurs clichés à l'aide d'un système de photogrammétrie.

"Mises bout à bout, ces photos nous donneront une modélisation 3D du sommet grâce à des milliards de points répertoriés en une quinzaine de minutes", expose Denis Borrel.

Des représentations utiles au monde scientifique susceptibles d'être exploitées par des glaciologues ou climatologues, capables d'observer si oui on non, le toit de l'Europe occidentale subit lui aussi de plein fouet le changement climatique.

Gabriel Joly