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La Terre a-t-elle vraiment tourné plus vite en 2020?

La planète Terre (Photo d'illustration).

La planète Terre (Photo d'illustration). - Miguel Roman, NASA GSFC

Certains scientifiques affirment que la planète Terre a tourné plus rapidement au cours de l'année 2020. D'autres, cependant, appellent à relativiser et estiment qu'il s'agit d'un phénomène normal et non d'une tendance.

Plusieurs scientifiques se sont accordés à dire, ces derniers jours, que la Terre n'avait jamais tourné aussi vite qu'en 2020. Cette année selon eux, la planète aurait battu 28 fois le précédent record du jour le plus court, qui datait de 2005. Elle aurait tourné autour d'elle-même plus rapidement de 1.4602 millisecondes au cours de la journée du 19 juillet 2020, et pourrait à nouveau battre ce record en 2021.

"Il est certain que la Terre n'a jamais tourné aussi vite que maintenant au cours des 50 dernières années", assure au journal The Telegraph Peter Whibberley, chercheur au sein du laboratoire national britannique (le National Physical Laboratory).

Retirer une seconde des horloges mondiales?

"Nous observons une accélération de la rotation de la Terre depuis 2016 et nous ne savons pas trop l'expliquer", a également déclaré au Point Christian Bizouard, astronome au département Systèmes de référence temps-espace (SYRTE) de l'Observatoire de Paris.

Si la vitesse de rotation de la Terre continuait à augmenter, le scientifique britannique Peter Whibberley estime qu'une seconde pourrait être retirée des horloges mondiales afin que celles-ci puissent s'aligner correctement avec la rotation de la Terre. Il reconnaît toutefois qu'il est encore trop tôt pour dire si cela sera nécessaire.

"Si cette accélération se poursuit au rythme actuel d'environ 0,3 milliseconde par an, d'ici quatre à cinq années, je serais peut-être amené à retrancher une seconde au temps légal", affirme à l'hebdomadaire l'astronome français, gardien du Temps universel coordonné (UTC), une échelle de temps basée sur les horloges atomiques.

Or celle-ci ne doit toutefois jamais être décalée de plus d'une seconde par rapport au temps de la rotation de la Terre, en vertu d'une convention internationale datant des années 1970.

Des variations de vitesse ordinaires

Au sein de la communauté scientifique, d'autres tendent à relativiser le phénomène et estiment que ces affirmations sont exagérées. Tout d'abord, bien que la Terre tourne sur elle-même à une vitesse plus élevée depuis plusieurs années déjà, le temps "gagné" est bien trop mince pour que cela soit remarquable à notre échelle. Il serait même hasardeux d'estimer qu'il s'agit d'une tendance générale.

La vitesse de rotation de la Terre varie en fait constamment, et en fonction de plusieurs facteurs comme le mouvement des océans, l'attraction naturelle de la Lune, les mouvements du noyau en fusion de la Terre ou encore la pression atmosphérique. Il est donc normal que la durée moyenne d'une journée connaisse des fluctuations saisonnières de l'ordre d'une miliseconde.

"La (vitesse de rotation de la) Terre a même été plutôt stable au cours de l'année 2020", assure au magazine scientifique en ligne Inverse James O-Donoghue, spécialiste des planètes au sein de l'agence d'exploration aérospatiale japonaise. "Le résultat de la déviation a été extrêmement faible en 2020 et 2021. La durée moyenne d'une journée en 2020 a changé de 0,00127 seconde, soit 1,27 milliseconde par rapport aux années précédentes qui s'élevaient elles aussi à quelques centaines de millisecondes".

La Terre accélère ou ralentit périodiquement au gré de toutes ces forces concurrentes, explique aussi à Inverse Mathieu Dumberry, professeur au département de physique de l'Université canadienne d'Alberta. "Il y a plusieurs phénomènes différents qui influent dans la rotation de la Terre, et tous se produisent à des échelles de temps différentes et ce n'est pas quelque chose que nous pouvons remarquer ni même détecter", assure-t-il.

"Il est beaucoup plus simple de regarder une tendance à la loupe et de faire une extrapolation. Cependant, il est bon de connaître les phénomènes physiques qui sont à l'origine de ces changements et de les examiner sur le long terme", affirme le scientifique canadien. Pour lui, le fait que la planète tourne plus rapidement sur elle-même "ne traduit pas la manifestation d'un changement qui serait en cours, c'est simplement de la physique basique".

Jeanne Bulant Journaliste BFMTV