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La muraille de Chine est la seule construction humaine visible depuis l'espace: pourquoi c'est faux

La grande muraille de Chine sous la neige.

La grande muraille de Chine sous la neige. - Andreas Tille – Wikipedia

Certains affirment qu'elle est tellement imposante que la grande muraille de Chine serait la seule construction humaine visible de l'espace. Comme celle-ci, certaines contre-vérités scientifiques ont la vie dure. Cet été, BFMTV.com a entrepris de démonter ces idées reçues tenaces. (2/10)

"La grande muraille de Chine est la seule construction humaine visible depuis l'espace". Cette affirmation serait due à un antiquaire anglais du 18e siècle, rapporte Libération. Dans une correspondance, il avait eu cette phrase qui a eu la longévité et le succès que l'on sait: "Le mur d’Hadrien n’est dépassé que par la muraille de Chine, qui dessine une formidable figure sur le globe terrestre et pourrait bien être visible depuis la Lune." $

Mais voir la grande muraille depuis notre satellite naturel qui se situe à une distance d'un peu plus de 380.000 km, semble complètement hors de portée. Pas besoin de calcul pour arriver à cette conclusion. Neil Armstrong, premier homme à marcher sur la Lune l'a également affirmé, il n'a jamais pu discerner la muraille en regardant notre planète bleue.

Revenons toutefois à notre question initiale. Comme toujours en matière de sciences elle en génère à son tour d'autres. La première, est de savoir où se situe l'espace? Autrement dit, pour ce qui nous intéresse, de quelle hauteur toise-t-on la muraille? La seconde est à quelle distance l'œil humain peut distinguer ce détail sur l'écorce terrestre? Autrement dit, que permet de distinguer l'acuité humaine et à quel recul?

L'espace, ultime frontière à géométrie variable

La réalité est qu'il n'y a pas de limite absolument nette entre notre atmosphère et l'espace et que tout procède de convention. La limite se situe-t-elle au-delà de la dernière couche de l'atmosphère, l'exosphère qui s'étend entre 600 et 10.000 kilomètres d'altitude? Ou alors faut-il considérer qu'au-delà de la mésosphère, c’est-à-dire au-delà de 95 ou 120 km, on s'y trouve déjà? C'est presque ça. Par convention, on situe les portes de l'espace à 100 kilomètres d'altitude. Il s'agit de la ligne de Karman après laquelle la portance est trop faible et l'air trop ténu pour les applications aéronautiques.

Si l'on prend ces 100 kilomètres comme base de départ, sachant que la Station spatiale internationale orbite quant à elle vers les 350 km à une vitesse d'environ 28.000 km/h, et que la grande muraille est large de 5 à 7 mètres, on pressent que la voir de là-haut risque d'être difficile.

Une vue d'aigle n'y suffira sans doute pas

Par convention encore, sinon par expérience, on considère qu'une personne dotée d'une acuité visuelle de 10 sur 10 peut distinguer deux points séparés par une minute d'arc, soit un soixantième de degré sur un cercle, lui-même divisé en 360 degrés. Cela correspond à un écartement de 0.3 millimètre vu à une distance de 1 mètre ou 3 mm à 10 mètres. A 100 kilomètres d'altitude, il faut donc que la structure mesure au moins une trentaine de mètres pour être simplement discernable. L'observation directe de la muraille à cette hauteur paraît donc compromise.

Ensuite, il faut aussi compter avec l'ombre que peut projeter la muraille dont la hauteur oscille entre 5 et 17 mètres. En ajoutant le contraste qu'induit cette ombre portée et l'observation indirecte qu'elle permet, le débat pourrait être relancé. Mais en tout état de cause, l'affirmation initiale reste bien fragile.

L'Agence spatiale avait pourtant affirmé en 2004 que sa sonde Proba, dotée d'un appareil photo d'une résolution bien supérieure à celle de l'œil humain, avait pris un cliché permettant de distinguer la grande muraille à 600 km d'altitude. Avant de reconnaître qu'il s'agissait en fait d'un fleuve, bien plus large coulant à proximité.