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L'avenir flou du nucléaire français, risque de sûreté

Réacteur de la centrale du Bugey. La France doit rapidement décider de l'avenir du nucléaire sous peine de créer un risque pour la sûreté, en provoquant notamment une crise des vocations dans le secteur, estime l'Institut de radioprotection et de sûreté n

Réacteur de la centrale du Bugey. La France doit rapidement décider de l'avenir du nucléaire sous peine de créer un risque pour la sûreté, en provoquant notamment une crise des vocations dans le secteur, estime l'Institut de radioprotection et de sûreté n - -

par Marion Douet TOURNEMIRE, Aveyron (Reuters) - La France doit rapidement décider de l'avenir du nucléaire sous peine de créer un risque pour la...

par Marion Douet

TOURNEMIRE, Aveyron (Reuters) - La France doit rapidement décider de l'avenir du nucléaire sous peine de créer un risque pour la sûreté, en provoquant notamment une crise des vocations dans le secteur, déclare le patron de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).

EDF fait face à des vagues de départs à la retraite et devra renouveler 50% de son personnel dans la filière nucléaire dans les cinq prochaines années, suscitant la crainte des autorités sur la perte de compétences induite par ce bouleversement.

"Si dans les 10 ans qui viennent, il n'y a pas de discours clair sur ce que sera l'avenir de l'énergie nucléaire dans notre pays, on va voir inéluctablement une tendance dans les universités, où les jeunes générations vont se dire 'je ne vais pas faire ce métier-là'", a déclaré à Reuters Jacques Repussard, directeur général de l'IRSN.

L'expert, qui s'exprimait en marge d'une visite sur un site de recherche à Tournemire (Aveyron), juge que le renouvellement des générations à EDF n'est pas insurmontable mais qu'il deviendra incertain si le flou persiste sur l'après-2025.

A cette échéance, François Hollande s'est engagé à réduire de 75% à 50% le poids du nucléaire dans la production électrique, sans définir de ligne claire pour la suite.

L'exécutif a par ailleurs décidé de poursuivre la construction de l'EPR de Flamanville (Manche), déjà largement entamée lors de l'élection, mais d'abandonner le projet de réaliser un deuxième EPR à Penly, en Normandie.

"Si on ferme les réacteurs et qu'on les remplace par rien, ce n'est pas très attractif", ajoute-t-il, soulignant que le manque de jeunes ingénieurs provoquerait un pic de demande et accentuerait les risques sur la sûreté des réacteurs.

UNE SORTIE BRUTALE PRÉFÉRABLE ?

La première fermeture d'une centrale nucléaire à Fessenheim a également été annoncée mais il ne s'agit jusqu'ici que d'une "suggestion politique", dit le directeur général de l'IRSN, qui réalise les expertises scientifiques sur le nucléaire et les transmet à l'Autorité de sûreté nucléaire.

Si la France devait abandonner recherches et nouvelles constructions, une sortie rapide du nucléaire serait la meilleure option en terme de sûreté, estime l'ingénieur des Mines.

"Vous ne pouvez pas étaler la sortie du nucléaire sur un demi-siècle. C'est très dangereux", dit-il, soulignant que c'est une des raisons pour lesquelles l'Allemagne a fait le choix d'une sortie rapide, évitant notamment la perte de compétences.

Après la catastrophe de Fukushima en mars 2011, l'Allemagne a décidé de fermer immédiatement ses huit plus vieux réacteurs et de sortir du nucléaire onze ans plus tard, en 2022.

"Cela a été critiqué, on s'est dit comment ils vont faire? (...) Mais c'est sage, parce que le faire lentement c'est prendre des risques considérables avec les derniers réacteurs en service : qu'on ne trouve plus de sous-traitants compétents, d'entreprises pour fabriquer certaines pièces, etc.", ajoute l'expert.

"Le problème de la politique nucléaire française c'est (...) qu'on n'a jamais considéré l'arrêt comme étant une option possible. Du coup, aujourd'hui, le considérer brutalement pose des questions fondamentales et ce n'est certainement pas faisable", dit-il.

L'OBJECTIF DE 50% JUSTIFIÉ POUR LA SÛRETÉ

La France est le pays le plus dépendant au monde à l'énergie nucléaire, qui fournit actuellement environ 75% de son électricité.

L'ASN a récemment rappelé que des défauts génériques pourraient être découverts sur les installations et entraîner, en raison de la standardisation du parc, de 5 à 10 fermetures de réacteurs d'un seul coup.

"Un jour, on verra apparaître des dégradations dans l'acier des cuves qui nous feront dire 'maintenant, ça suffit'. Et quand on le verra sur une, il est assez vraisemblable qu'on le verra sur toutes les autres de la même génération dans un délai de temps rapproché", explique Jacques Repussard, soulignant que d'autres moyens de production devront alors être disponibles.

"Dépendre à 80% de l'énergie nucléaire nous expose a ce genre de situation (...) de devoir maintenir des réacteurs où l'on sait qu'il y a des défauts un peu gênants mais on les garde parce qu'on sait qu'on n'a pas le choix", explique-t-il.

Le chiffre de 50% d'électricité nucléaire promis par François Hollande durant la campagne présidentielle, et souvent critiqué par ses détracteurs, correspond à l'ordre d'idée nécessaire à la sûreté du parc, dit l'expert.

"Que ce soit 40%, 55%, ça n'a pas vraiment d'importance. L'idée c'est de réduire la dépendance, d'avoir un mix plus équilibré", dit-il, citant les Etats-Unis ou le Japon pré- Fukushima, des pays où le nucléaire est très développé mais ne représente respectivement que 20 et 30% de l'électricité produite.

Edité par Yves Clarisse