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Espace: pourquoi la Chine tenait absolument à conquérir la Lune

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En réussissant le troisième alunissage de l'histoire, la Chine entre dans le club très fermé des grandes nations spatiales. Mais pourquoi voulait-elle si fort la Lune? Et en quoi "cet exploit" nous concerne-t-il?

Les Chinois ont demandé la Lune et se sont donné les moyens de l'avoir. Leur "Lapin de jade" s'est posé sans encombre sur le sol lunaire samedi. Mais pourquoi, 46 ans après le premier alunissage en douceur (Luna 9, 1966, mission américaine), était-il si important d'y aller? Si l'enjeu technologique paraît quelque peu dépassé, cette démonstration de force est loin d'être anodine pour les Occidentaux.

> Pourquoi était-il si important pour les Chinois d'alunir?

"C'est une affaire de com'. A la fois vis-à-vis de l'extérieur, mais aussi à l'intérieur du pays. On est comme dans les années 70, quand les Américains et les Russes faisaient la course à la Lune", explique Gérard Feltzer, expert en aéronautique et aérospatiale. Pour lui, le but pour la Chine est de montrer qu'"elle fait partie des grandes puissances spatiales, qu'elle a atteint un niveau de compétence".

Mais concrètement explique le spécialiste, "la Lune, on a rien à y faire". A la limite concède-t-il, cette planète pourra-t-elle servir d'avant-poste pour une future conquête martienne. Rien de très immédiat, ni de très concret donc.

> Aller sur la Lune est-il toujours un défi technique?

"Oui, il s'agit toujours d'un défi technique. C'est l'occasion de prouver la maîtrise d'une technologie connue depuis 40 ans, mais qui reste pointue", explique Gérard Feldzer.

Mais, poursuit-il: "Les moteurs-fusées se sont énormément améliorés depuis Saturn (la version V du lanceur était utilisée pour les missions Apollo entre 1967 et 1973). A l'époque, il fallait 'la tour Eiffel' pour mettre sur orbite le LEM (véhicule d'excursion lunaire d'Apollo) et s'y poser. Aujourd'hui, on arrive à beaucoup plus de performance, on a de l'électronique embarquée, les communications sont bien meilleures, tout cela prouve que les Chinois sont arrivés à des niveaux tout à fait satisfaisants".

> Cette conquête lunaire masque-t-elle des enjeux stratégiques?

"Si les Chinois sont capables d'aller sur la Lune, ils sont capables de militariser l'espace", explique l'expert. La portée de cette menace est grande. Elle concerne en premier lieu "les satellites militaires d'observation", mais aussi les "satellites de communication". La destruction pourrait se faire au moyen "de laser" ou "tout simplement en faisant écran avec la Terre".

Conséquence prévisible, cette coupure dans les communications pourrait faire "s'effondrer l'économie mondiale". Cours et ordres de bourses, échanges entre les marchés, prévisions, plus rien ne fonctionnerait. "C'est un enjeu stratégique primordial. Qui à la maîtrise de l'espace a la maîtrise du monde", indique-t-il pour paraphraser le pionnier de l'aviation Clément Ader.

> Pourquoi les Chinois font cavalier seul?

Si la Chine fait plus ou moins cavalier seul, du moins pour cette mission lunaire, la faute ne lui en revient pas complètement. Gérard Fledzer indique que la Chine avait "tendu la main" pour participer au projet de la Station spatiale internationale (ISS), mais que les Américains avaient refusé, dénonçant le risque stratégique d'un "transfert de technologie".

L'exploit du "Lapin de jade" montre aussi "qu'il y a de l'argent", explique l'expert. Si cette mission était beaucoup moins chère qu'un vol habité, il rappelle que "le programme Apollo qui avait emmené des hommes sur la Lune avait coûté à l'époque le PNB de la France".

> Quelles sont les prochaines étapes de la conquête spatiale chinoise?

La prochaine étape du programme Chang'e sera d'envoyer un homme sur la lune, avant 2025. Il sera question aussi, indique Gérard Feldzer de "maîtriser la technologie orbitale avec le lancement d'une station spatiale". Dans combien de temps? "Ça peut prendre moins de dix ans". La Chine spatiale semble donc tout à fait bien réveillée. Elle avance même d'un pas décidé.

David Namias