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Einstein était un "mauvais élève": pourquoi c'est faux

Statue de cire d'Albert Einstein photographié par un visiteur au musée de Madame Tussaut à Vienne.

Statue de cire d'Albert Einstein photographié par un visiteur au musée de Madame Tussaut à Vienne. - Samuel Kubani - AFP

POURQUOI C'EST FAUX 5/5 - Le plus grand savant du 20e siècle était un cancre. Le paradoxe est séduisant, car il fait entrevoir à tous les exclus de l'école une parentèle avec l'un des plus grands génies de l'humanité. Malheureusement, la réalité est assez différente.

Albert Einstein, le père de la théorie de la relativité générale et inventeur de la physique moderne, en échec scolaire? Voilà de quoi ragaillardir les plus rétifs aux études, sur le mode de "je suis génial mais incompris". Plusieurs faits historiques plaident en faveur de cette thèse. Mais elle n'est en fait qu'une grossière simplification du parcours chaotique (comme le rappelle ce billet du physicien Yves Lacroix), du jeune Albert Einstein. L'un des plus grands savants de l'histoire de l'humanité n'a cependant - c'est entendu - pas toujours aimé l'école.

"La plupart des enseignants perdent leur temps à poser des questions tournées de manière à découvrir ce qu’un élève ne sait pas, alors que le véritable art de l’interrogation a pour but de découvrir ce qu’un élève sait ou est capable de savoir. (…) Il vaudrait mieux ne commencer à enseigner aux autres qu’après avoir appris vous-même quelque chose", jugeait-il dans son ouvrage Pensées intimes (Editions du Rocher, 2000).

Un locuteur tardif

Beaucoup de choses ont été dites sur Einstein et le langage. Difficile de savoir avec précision à quel âge il a commencé à parler. Les biographes s'accordent sur l'âge de trois ans. En règle générale, les enfants prononcent leurs premiers mots entre 9 et 15 mois et formulent des phrases à partir de 18 mois. Le retard a donc été réel. Pire, les difficultés ont perduré.

"En réalité, il a mis très longtemps à apprendre à parler et ses parents commençaient à craindre qu'il ne fût anormal. L'enfant a finalement commencé à parler, mais il est toujours resté taciturne…", rapporte Philipp Frank dans son ouvrage traduit de l'anglais Einstein: sa vie, son temps (Albin Michel, 1947).

Plus tard, à neuf ans, à l'école élémentaire, "il continuait à manquer de facilité de parole et tout ce qu'il disait n'était exprimé qu'après mûre considération et réflexion". Maja, sa sœur, est aussi citée dans un livre du physicien et écrivain Gerald Holton. Selon elle, l'acquisition du langage s'est faite lentement: "La langue parlée lui est venue avec une telle difficulté que son entourage avait peur qu'il n'apprît jamais à parler".

Après la crainte d'une anormalité, l'autre argument en faveur d'un Einstein cancre concerne ses rapports avec l'institution scolaire.

Rebelle à l'autorité

Il est vrai que le parcours du jeune Albert a été dans un premier temps assez chaotique. Refusant le "par cœur", jugé intelligent mais étourdi, il ne brille pas. Sans aller jusqu'à dire qu'il était un mauvais élève, il vit plutôt mal sa scolarité. De six à neuf ans, il fréquente l'école catholique de la paroisse, à Munich, en Allemagne. Un parent se charge de son éducation religieuse et l'ouvre à sa judaïté, et ses parents non pratiquants sont frappés par la montée chez lui d'un sentiment religieux.

Einstein entre ensuite au Luitpold Gymnasium de Munich, où il fait ses humanités. La culture classique, avec l'apprentissage du grec et du latin, y est mise à l'honneur. Mais si le futur scientifique réussit brillamment en mathématiques et en physique, il délaisse certaines matières comme les langues et les sciences naturelles, tandis que le malaise s'installe vis-à-vis de ses professeurs. Son enseignant principal, professeur de grec, dit alors de lui: "Vous êtes assis là, au fond de la classe et cela sape le respect dû par une classe à son maître", lit-on dans Einstein, le génie, l'homme, de Denis Brian (Robert Laffont, 1997).

Refusé à Polytechnique

Résultat, Albert sèche les cours et quitte le lycée sans avoir obtenu son baccalauréat. A la suite d'un revers de fortune, ses parents sont contraints de quitter Munich et s'installent à Milan. Après un bref passage par l'Italie, le jeune homme poursuit ses études à Zurich, en Suisse. A l'automne 1895, il tente d'intégrer l'Ecole polytechnique. C'est un échec, mais le professeur de physique décèle chez lui un fort potentiel. Il doit obtenir son diplôme de fin de secondaire avant d'intégrer la prestigieuse école.

Logé chez des proches, Einstein suit alors les cours du lycée d'Aarau, dont la pédagogie novatrice et libérale suit les préceptes du pédagogue Johann Pestalozzi, qui privilégiait "l'auto-apprentissage par observation". Albert se réconcilie alors avec sa scolarité. Un bulletin du 3 octobre 1896 exhumé par un site consacré au grand homme montre de très bonnes notes, excepté en français.

En 1905, Einstein obtient son doctorat et la reconnaissance de ses pairs grâce à une thèse sur les dimensions moléculaires. Avant de tout simplement révolutionner notre perception de l'espace et du temps.

Le bulletin de notes d'Albert à 17 ans prouve qu'une pédagogie adaptée a permis au jeune homme de briller - (6 est la meilleur note possible).
Le bulletin de notes d'Albert à 17 ans prouve qu'une pédagogie adaptée a permis au jeune homme de briller - (6 est la meilleur note possible). © Autorités du Canton d'Aarau, Suisse. / Wikipedia