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Des scientifiques tentent de faire croître des organes humains à l'intérieur de cochons

Les cellules souches sont injectées dans le foetus porcin génétiquement préparé pour les recevoir et développer un pancréas humain.

Les cellules souches sont injectées dans le foetus porcin génétiquement préparé pour les recevoir et développer un pancréas humain. - ROSS/UC DAVIS

Pour pallier la pénurie des dons d'organes, des scientifiques californiens ont créé des embryons mi-humains, mi-cochons. Ils vont analyser les cellules pour valider cette piste de recherche.

Des chercheurs de l'Université de Californie à Davis explorent une voie originale combinant les cellules souches et le croisement d'espèces, en l'occurrence celles de l'homme et du porc. Devant l'insuffisance des dons d'organes, les scientifiques pensent que cette méthode présenterait de nombreux avantages.

Les embryons en partie humain et en partie porcin se sont développés pendant 28 jours, dans des truies servant d'incubateur. Il reste à analyser les tissus pour déterminer le succès ou non de l'expérience. Mais les chercheurs sont convaincus que même si ces cochons auraient à terme développé une apparence commune, ils auraient aussi en interne, développé des organes humains. L'idée, au risque de choquer les anti-spécistes, serait de créer un réservoir d'organes prêts à l'emploi pour des transplantations.

La technique "Crisp" pour éditer le code génétique

Pour créer leurs embryons chimériques, les généticiens ont utilisé la technique CRISPR-Cas9. Cet outil permet de réaliser des copier-coller d'ADN de manière beaucoup plus simple et moins coûteuse qu'avec d'autres méthodes. Il permet de corriger des morceaux du génome, par exemple pour corriger les effets d'une maladie génétique, comme cela avait été réalisé sur des souris en 2014.

Dans le cas des embryons porcins, des cellules souches humaines ont été injectées. Elles attendent alors un signal chimique pour se développer en différents tissus. Dans la plupart des cas, elles vont développer des organes porcins, mais dans d'autres, comme celui du pancréas, elles ne sont en concurrence avec aucune cellule animale. Pourquoi? Parce que les chercheurs, c'est la grande différence avec d'autres expérimentations, ont préparé le terrain. Ils ont ainsi préalablement "effacé" un gène-clé du développement de cet organe chez l'embryon génétiquement modifié.

Autre paramètre d'importance, elles ne souffrent d'aucun rejet, car le système immunitaire de l'embryon porcin n'est pas encore développé. A terme, le but serait bien entendu de ne pas créer que de seuls pancréas, mais aussi d'autres organes: reins, cœur, foie.

Quand le génie génétique flirte avec les limites

Pour prometteuses qu'elles soient, ces recherches entraînent des résistances. En septembre 2015 l'Institut national de la santé américain (US National Institutes of Health) a établi un moratoire sur la recherche sur ces "chimères" en attendant d'en savoir davantage sur les implications. Une des craintes serait de voir se développer dans le cerveau de l'animal des cellules humaines, qui changeraient son comportement. 

Le professeur Pablo Ross, le biologiste qui dirige ces recherches, pense "que le potentiel de voir se développer des cellules de cerveau humain et très faible". "Notre espoir est que l'embryon porcin se développe normalement, mais que le pancréas ne soit constitué que de cellules humaines", ajoute-t-il auprès de la BBC.

D'autres risques de transmission de virus animaux à l'humain sont aussi évoqués. Et quand bien même les scientifiques affirment être en mesure de mettre en sommeil quelque 60 rétrovirus.

D. N.