BFMTV
Sciences

Cueillette des champignons: soyez gourmands mais soyez prudents!

A gauche, l'excellent cèpe de Bordeaux, parfait dans une omelette; à droite, le bolet Satan, plus indigeste que toxique, mais assez rare.

A gauche, l'excellent cèpe de Bordeaux, parfait dans une omelette; à droite, le bolet Satan, plus indigeste que toxique, mais assez rare. - -

La pleine saison des champignons doit vous inciter à la plus grande prudence au moment de la cueillette: vous trouverez ici tous les conseils pour éviter tout danger d'intoxication.

"Mangez-moi, mangez-moi", semblent vous suggérer ces champignons souvent appétissants qui tapissent soudain nos sous-bois, quand la douceur automnale se combine à des précipitations régulières. C'est ici que des consignes élémentaires de prudence s'imposent.

Sous les fougères et parmi les mousses se dissimulent de redoutables champignons toxiques, qu'il est parfois délicat de distinguer des comestibles. Cueillir sans discernement, c'est s'exposer à un risque parfois mortel.

Cette année, les accidents sont malheureusement plus que de saison: 546 cas d'intoxication ont été recensés entre le 1er juillet et le 6 octobre, et assortis d'un pic "plus précoce qu'en 2012", soulignent la direction générale de la santé et l'Institut de veille sanitaire. Pour se régaler de champignons sans risque, c'est par ici.

> Quels champignons ramasser et consommer?

On dit souvent que le chemin le plus court... est celui que l'on connaît. Gardez le même esprit pour les champignons: pour être sûr de ne pas vous tromper, ne ramassez que les espèces que vous connaissez et que vous pouvez identifier sans aucune hésitation. Reconnaître un champignon ne s'improvise pas, cela s'apprend, et les livres les plus sérieux, pour utiles qu'ils soient, ne remplaceront pas les conseils d'un initié de confiance, sur le terrain. Vous pouvez aussi entrer en contact avec des clubs d'amateurs près de chez vous.

Ainsi, limitez-vous à quelques espèces réputées pour leurs qualités reconnues d'excellents comestibles. Ne pas s'aventurer dans les comestibles médiocres, c'est limiter les cas de confusions. Ainsi, le meilleur moyen pour démarrer consiste certainement à partir à la chasse aux cèpes -ou aux bolets. De septembre à octobre, la saison bat son plein. Premier critère d'identification: contrairement à la majorité des espèces, qui comportent des lamelles, les chapeaux des cèpes abritent des tubes très fins et très compacts, qui forment une sorte de mousse, facile à détacher chez les spécimens matures. Les cèpes sont donc aisément reconnaissables, et ne présentent pas de risque de confusion avec des espèces hautement toxiques voire mortelles. Apprenez juste à éviter le bolet Satan, écarlate et boursouflé mais toutefois peu répandu. Chez un adulte bien portant, il provoquera au pire nausées et vomissements.

Avec un peu plus d'expérience, vous pourrez ensuite partir à la recherche des coulemelles (lépiotes élevées), des girolles, des trompettes de la mort (injustement nommées car délicieuses) ou des pieds-de-moutons. Au printemps, vous serez grandement récompensé si vous tombez sur un coin à morilles. Mais toujours, toujours, avec des éléments d'identification infaillibles.

Cinq excellents comestibles, avec de gauche à droite: une girolle, une coulemelle (avant déploiement du chapeau), un pied-de-mouton, une trompette de la mort et une morille blonde.

Enfin, n'oubliez pas que les champignons appartiennent de plein droit au propriétaire du sol. S'adonner à la cueillette sur une propriété privée -attention aux parcelles de bois détenues par des particuliers!- et sans autorisation revient purement et simplement à du vol. Dans les forêts publiques, vous êtes en général autorisé à prélever un maximum de 5 kilos par personne et par jour, ce qui laisse une marge confortable et doit permettre aux populations de champignons de se régénérer. En cas d'abus, vous encourez une amende.

> Que faire en cas de doute sur votre cueillette?

On ne le répétera jamais assez, l'un des pièges élémentaires à éviter avec les champignons est celui de la confusion entre deux espèces très ressemblantes, mais qui n'auront rien à voir sur les plans toxicologique et gustatif. Oui, des champignons toxiques voire mortels peuvent être confondus avec des comestibles. Si vous êtes novice, évitez par principe de rechercher des espèces sujettes à ce type de confusion. Chaque année, malheureusement, des décès sont à déplorer, principalement à cause des amanites. La pire d'entre elles est l'amanite phalloïde, verte pâle, et d'autant plus redoutable qu'elle est agréable au goût. Mais une fois consommée, le puissant poison qu'elle contient et qui résiste à la cuisson peut causer des dommages irrémédiables à plusieurs organes dont le foie, jusqu'à entraîner la mort.

Bannissez absolument l'amanite phalloïde de votre panier, et abstenez-vous même de tout contact avec ce champignon mortel.

Pendant la cueillette, il est capital de ne pas mélanger les espèces ramassées dans votre panier. Un champignon vénéneux peut suffire à contaminer toute une récolte, par simple contact. Séparer distinctement les variétés récoltées vous permettra aussi d'éviter de les mélanger par inadvertance au moment de leur préparation. Abstenez-vous aussi de cueillir les champignons abîmés ou trop vieux, ainsi que les spécimens coupés par un promeneur puis abandonnés. Soyez toujours sûr de pouvoir vérifier tous les éléments d'identification du champignon.

Si, malgré toutes vos précautions, un doute persiste, vous pouvez présenter votre récolte à un spécialiste: les pharmaciens sont souvent consultés, mais n'ont plus toujours le temps ni les connaissances mycologiques nécessaires à l'identification des champignons. Ici encore, pensez aux associations de passionnés, et à la Société mycologique de France.

> Que faire en cas d'intoxication?

En cas d'intoxication fongique, il est capital de ne pas sous-estimer les symptômes et de consulter au plus vite votre médecin. Faites-le sans hésiter un instant si, après avoir mangé des champignons, vous ressentez tremblements, vertiges, troubles de la vue, nausées et/ou vomissements. Dans les cas d'urgence, contactez directement le centre anti-poison le plus proche, ou le Samu. Soyez en mesure de décrire autant que possible les espèces consommées -idéalement en présentant le reliquat de la récolte, les quantités ingérées ainsi que l'heure du ou des repas incriminés. Les symptômes peuvent apparaître jusqu'à 12 heures après la consommation, et dès lors, dans le cas de champignons mortels, chaque minute compte.

D'une manière générale, ne cuisinez jamais un champignon -même un seul- sur lequel vous avez le moindre doute. Consommez sans stocker: les champignons frais se conservent mal, deux jours tout au plus au réfrigérateur. Lavez soigneusement votre récolte, respectez un temps de cuisson suffisant et ne la mangez jamais crue, tout en consommant des quantités raisonnables. En cas d'intolérance, même si l'on parle bien sûr d'espèces comestibles, les désagréments n'en seront qu'amoindris!

Une fois ces précautions respectées, qui peut résister à l'appel d'une omelette aux cèpes, ou à une poêlée de girolles persillées? Gageons qu'elle seront encore deux fois meilleures si les champignons sont le fruit de votre cueillette. Bon appétit!

Alexandre Le Mer