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Comment le dérèglement climatique multiplie les turbulences à bord des avions

Un avion décollant de Francfort en Allemagne (photo d'illustration).

Un avion décollant de Francfort en Allemagne (photo d'illustration). - Silas Stein / dpa / AFP

Alors que le secteur de l'aviation est un important émetteur de CO2, et donc un contributeur du réchauffement climatique, il est également lui-même impacté par ses conséquences néfastes.

Une nouvelle conséquence du dérèglement climatique. Dans une nouvelle étude publiée dans la revue Geophysical Research Letters, des chercheurs britanniques mettent en évidence que la crise climatique augmente de manière significative le nombre et la durée des turbulences en avion.

S'il ne s'agissait jusqu'ici que d'une hypothèse, cette étude basée sur l'observation de données atmosphériques sur quatre décennies (1979-2020) apporte pour la première fois des preuves de cette augmentation.

Modifications du jet-stream

Sur cette période, au-dessus de l’Atlantique nord, la durée annuelle totale des turbulences fortes a augmenté de 55%, passant de 17,7 heures en 1979 à 27,4 heures en 2020. Les turbulences modérées ont également connu une hausse de 37%, passant de 70 à 96,1 heures, quant à celles légères, elles ont augmenté de 17% (466,5 à 546,8 heures).

Ce phénomène concerne ce qu'on appelle les turbulences "en ciel clair", qui surviennent sans que l'on puisse réellement les prévenir, à l'inverse de celles liées à des orages ou des nuages, mieux captées par les radars. Elles apparaissent à cause de changements de vitesse et/ou de direction des vents.

Et cela survient plus fréquemment avec le réchauffement climatique. L'augmentation globale des températures provoque des modifications du jet-stream, ce vent de haute altitude qui souffle à 10 kilomètres au-dessus de nos têtes. La trajectoire des courants devient ainsi plus sinueuse et plus chaotique, créant ainsi davantage de turbulences.

Comme le rappelle The Guardian, on connaît déjà d'autres conséquences négatives du dérèglement climatique sur l'aviation mondiale. En effet, d'abord, les modifications du jet-stream, qui souffle d'ouest en est, allongent la durée des voyages vers l'ouest. En outre, l'augmentation des températures réduit le poids que les avions peuvent transporter.

Adaptation

Selon les auteurs de l'étude, cette tendance doit pousser le secteur de l'aviation à s'adapter. Si pour les passagers, les turbulences ne restent souvent que de petits désagréments et quelques peurs bleues, elles peuvent parfois causer des dégâts plus importants, allant jusqu'à d'importantes blessures.

"Les compagnies aériennes devront commencer à réfléchir à la manière de gérer l'augmentation des turbulences, qui coûtent à l’industrie entre 150 et 500 millions de dollars par an, rien qu'aux Etats-Unis", détaille auprès du Guardian Mark Prosser, de l'Université de Reading.

Les turbulences peuvent entraîner des retards, des annulations, des déviations ou des dégâts et de l'usure sur les appareils. "Nous devrions investir dans des systèmes améliorés de prévision et de détection des turbulences, afin d’éviter que l'air plus agité ne se traduise par des vols plus difficiles dans les décennies à venir", abonde en ce sens Paul Williams, co-auteur de la recherche.

3,5% du réchauffement climatique

Dans un entretien accordé à CNN l'an dernier, il affirmait toutefois que ce phénomène ne signifie pas que l'aviation va nécessairement devenir moins sûre. "Les avions ne vont pas commencer à tomber du ciel, parce qu'ils sont construits selon des spécifications très élevées et qu'ils peuvent résister aux pires turbulences qu'ils sont susceptibles de rencontrer, même à l'avenir", expliquait-il ainsi.

Cette étude met néanmoins en lumière un paradoxe. Alors que le transport aérien est affecté par le dérèglement climatique, il en est également un des facteurs aggravants. Selon une étude publiée en 2020, le secteur contribue à 3,5% du réchauffement climatique dû à l'activité humaine.

Cette pollution comprend les émissions de CO2 des avions mais également, par exemple, l'impact des traînées de condensation laissées lors de leur passage dans le ciel.

Salomé Robles