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Comment ferons-nous sans pétrole ?

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Avec un baril de brut qui n’en finit pas de grimper, notre monde va au devant d’immenses bouleversements. Au-delà du simple prix du litre d’essence à la pompe, la pénurie de pétrole touchera les transports, l’énergie et l’industrie. Revue de détail d’une révolution en marche.


Souvenez-vous. Il y a dix ans, la France allait être championne du monde de football et le baril de pétrole s'échangeait à 10 dollars. Cette année, en ce début mai 2008, le brut caracole à plus de 125 dollars le baril, record historique battu, semaine après semaine. Et l'Opep (Organisation des pays exportateurs de pétrole) parle déjà sans s'émouvoir d'un baril à 180 dollars, voire 200 dollars, d'ici à la fin de l'année. Cette hausse vertigineuse compte trois explications principales.

Les 3 raisons de la hausse du prix du brut

  • D'abord, la demande de brut va en augmentant avec les besoins des nouveaux géants en pleine croissance comme la Chine et l'Inde. Pour la première fois, ces deux pays associés à la Russie et au Moyen Orient ont consommé, ensemble, davantage de pétrole que les Etats-Unis.
  • Ensuite l'offre ne suit pas. L'Irak, deuxième réserve mondiale, ne semble pas prête pour revenir à sa pleine capacité de production avant longtemps; le Nigéria fait face à des conflits régionaux à répétition et l'Opep ne veut pas investir pour augmenter sa capacité de production (et tuer ainsi la poule aux œufs d'or).
  • Enfin, la chute du dollar, associée à la crise boursière, ont poussé les investisseurs à spéculer sur le pétrole attisant la flambée des cours. Cette bulle pétrolière n'est pas prête d'éclater. Le pire reste à venir: on ne trouve plus de nouveaux gisements importants et, dans une trentaine d'années, l'assèchement des puits devrait commencer.

Comment va donc évoluer notre monde, sans ce pétrole omniprésent, dans les transports, l'énergie et l'industrie ? Pourrons-nous, saurons-nous, plus exactement, nous passer d'avions, de plastique voire de café ?

Energie : tout sur l'atome
Pour les courts trajets terrestres et le chauffage individuel, le pétrole peut se remplacer assez facilement par l'électricité, moyennant des investissements « raisonnables ». Attendez-vous donc à passer d'ici peu à la voiture électrique, à mettre (si vous en aviez une) votre chaudière à gaz au rebut et à investir dans des nouvelles fenêtres ultra hermétiques pour limiter au maximum la note. Cela apparaît d'ailleurs comme une bonne nouvelle pour la pureté de l'air que l'on respire.
Mais les écologistes purs et durs risquent de ne pas s'en réjouir longtemps. Les énergies dites renouvelables, comme l'éolien ou le solaire, ne pourront couvrir, au grand maximum, que 20% des besoins de la planète. La seule alternative crédible pour produire assez d'électricité sans polluer l'atmosphère est donc, à ce jour, le nucléaire. Dans ce contexte, la France est plutôt bien avancée puisqu' elle a déjà la moitié de ses besoins énergétiques couverts par ses centrales. Et, signe des temps, Total a déjà commencé sa migration vers le nucléaire en participant à la construction d'un réacteur aux Emirats Arabes Unis. Mais, si une France fonctionnant au nucléaire permet d'atténuer les effets directs de la crise pétrolière, cette solution n'est que transitoire : le recyclage des déchets hautement radioactifs est toujours impossible et les réserves d'uranium ne sont pas illimitées. L'ère des économies d'énergie ne fait donc que commencer.

Transports : le retour du local
La crise pétrolière devrait porter un rude coup à la mondialisation ! Principale victime : l'avion. Totalement dépendant du kérosène, le transport aérien va redevenir, comme à ses débuts, un moyen de transport rare et cher réservé à quelques privilégiés. Conséquence : le tourisme de masse va disparaître. Finies les compagnies low cost, vous devrez vous contenter de visiter Manhattan via Google Maps !
Le transport maritime sera sans doute moins touché puisqu'un cargo consomme très peu de fioul et que, dans le pire des cas, on peut faire tourner une turbine au charbon. Reste que cela augmentera quand même le prix des produits importés par mer. Le café, le cacao ou la banane risquent de redevenir des produits de luxe, comme au XIXe siècle. Cela peut être une bonne nouvelle pour l'Afrique, qui redonnerait de la valeur à ses cultures vivrières. Mais voilà qui va modifier profondément nos habitudes alimentaires ! En revanche, les produits manufacturés sur le territoire français pourraient redevenir, à terme, compétitifs avec ceux qu'il faudra alors faire venir d'Asie, augmentant fortement leur prix de revient. Après la mondialisation, voici le retour attendu de la relocalisation !

Industrie : la chimie change
Depuis les plastiques des ordinateurs jusqu'aux cosmétiques en passant par les textiles et les solvants, plus de 500 000 produits de la vie quotidienne sont directement issus du pétrole. Comment l'industrie pourra-t-elle pallier l'inéluctable pénurie ? Le recyclage ne suffira pas : il s'apparente davantage à de la transformation : une bouteille en plastique devient une polaire et malheureusement le cycle s'arrête là. Les vraies solutions de remplacement manquent cruellement : les alternatives comme les plastiques fabriqués à partir d'amidon de maïs nécessitent de précieuses surfaces cultivables. Or, on ne pourra plus se permettre de « gâcher » des terres arables avec une production agricole en chute libre une fois privée des précieux engrais azotés et des insecticides issus de la pétrochimie.
Globalement, on peut penser qu'on arrêtera de fabriquer des bouteilles en plastique assez vite vu que les packs en carton existent. Il y a même fort à parier que, dès qu'une alternative existe, le coton par rapport au nylon, l'industrie se rabattra dessus. Mais pour certains produits chimiques, comme les solvants, c'est plus problématique. Il y a bien des recherches de production à partir de plantes, mais on n'en est pas au stade industriel.
La hausse de prix ne va donc pas se limiter à la pompe, mais va se répercuter partout dans les magasins sur la majeure partie de nos achats quotidiens. Le pétrole trop cher sonne donc la fin du jetable, du gaspillage et de la consommation tous azimuts. Nous allons garder les objets le plus longtemps possible et essayer même de les réparer. La raréfaction du pétrole va nous obliger à agir en consommateur responsable et pondéré. Ne serait-ce pas un mal pour un bien ?

Antoine Besse