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Santé

Virus Ebola: que signifie la mobilisation générale décrétée par l'OMS?

Arrivée spectaculaire et sous haute protection à Madrid jeudi du prêtre espagnol Miguel Pajares, premier européen atteint par Ebola déclaré à être rapatrié.

Arrivée spectaculaire et sous haute protection à Madrid jeudi du prêtre espagnol Miguel Pajares, premier européen atteint par Ebola déclaré à être rapatrié. - -

L'épidémie de fièvre hémorragique inquiète légitimement le monde tandis que des mesures plus coercitives sont mises en place. Il faut espérer que l'avertissement de l'OMS concernant une "urgence de santé publique" sera entendu.

MISE A JOUR - Ce vendredi, deux hommes de retour en Grèce du Nigeria et soignés pour des symptômes analogues à ceux du virus Ebola, se sont finalement révélés porteurs de la malaria, a fait savoir le ministère grec de la Santé.

D'aucuns diront qu'il était temps. L'OMS (Organisation mondiale de la santé) a décrété jeudi la mobilisation mondiale pour tenter d'enrayer la progression de l'épidémie de fièvre Ebola qui touche durement l'Afrique de l'Ouest, où l'on compte près de 1.000 morts. Selon l'organisation, les conditions d'une "urgence de santé publique de portée mondiale" sont réunies. Devant l'aggravation de la situation, il faut une "réponse internationale coordonnée" pour "arrêter et faire reculer la propagation internationale d'Ebola", a estimé son comité d'urgence.

Sur le terrain en Guinée, en Sierra Leone, au Liberia, des organisations telles Médecins sans frontières sont à bout de souffle, tant au niveau humain que matériel, dénonçant une épidémie devenue "hors de contrôle". Mais que recouvre concrètement ce plan d'urgence et que va-t-il changer?

> Ce plan d'urgence est-il une première?

Non, c'est en réalité la troisième fois que l'OMS met en place un tel dispositif d'urgence, comme en 2009 pour l'épidémie de grippe aviaire en Asie, et en mai dernier face aux nouveaux développements de la poliomyélite au Proche Orient.

> Que recommande l'OMS?

Si l'OMS ne place pas les pays touchés par l'épidémie en quarantaine (Guinée, Libéria, Sierra Leone et Nigeria), pour ne pas aggraver leur situation économique, l'organisation demande des mesures de contrôle à leurs points de sortie et des précautions particulières aux compagnies aériennes qui continuent à les desservir, certaines ayant déjà suspendu leur service.

• Mise en quarantaine des personnes infectées. Le Docteur Keiji Fukuda, adjoint de la directrice générale en charge de l'épidémie, a précisé que compte tenu d'un temps d'incubation de 21 jours, une quarantaine de 31 jours devait être imposée aux personnes affectées.

• Interdiction aux malades de voyager. Ceux qui ont été en contact avec des malades, à l'exception du personnel médical équipé de vêtements protecteurs, ne doivent pas être autorisés à voyager, et les équipages des vols commerciaux vers les pays concernés doivent recevoir une formation et du matériel médical de protection pour eux et leurs passagers.

Dès le 17 juillet, le ministère des Affaires étrangères français déconseillait "de voyager ou séjourner dans la zone du foyer principal" de l'épidémie en Guinée. D'autres pays, comme les Etats-Unis invitent leurs ressortissants à reporter tout déplacement "non essentiel".

• Examens médicaux renforcés et questionnaires. Le comité recommande que tous les voyageurs quittant les pays affectés fassent l'objet d'un examen dans les aéroports, les ports et aux principaux postes frontières, avec un questionnaire et une prise de température, les cas suspects devant être stoppés.

> Que font les pays d'Afrique concernés par l'épidémie?

Progressivement, les mesures sont devenues de plus en plus coercitives dans les pays d'Afrique de l'Ouest touchés, dont certains ont décrétés l'état d'urgence. Un cordon sanitaire censé éviter la propagation de l'épidémie avait été mise en place le 1er août par la Sierra Leone, le Liberia et la Guinée, à leur frontière commune, autour de l'épicentre de l'épidémie.

• Des villes en quarantaine. Le Liberia et la Sierra Leone (Kailahun et Kenema) ont placé jeudi en quarantaine trois villes de la zone contaminée, fermant certaines routes et lieux de loisirs, dans des efforts désespérés pour enrayer l'épidémie. Dans la province de Lofa, limitrophe de la Sierra Leone et de la Guinée, également en proie à l'épidémie, la ville de Gbakedou sera mise en quarantaine, a précisé le ministre libérien de la Défense.

Déjà le 6 août, l'armée sierra-léonaise avait mobilisé 800 hommes autour des centres accueillant des malades du virus Ebola afin de faire respecter les mesures de quarantaine.

• Des restrictions à la liberté de circulation des populations. Au Liberia, l'armée a reçu ordre de limiter les mouvements de la population et contrôlait strictement les accès à la capitale, Monrovia, en provenance des provinces touchées. Devant "l'ampleur de l'épidémie, la virulence et la mortalité du virus", la présidente Ellen Johnson Sirleaf a décrété l'état d'urgence pour 90 jours, et annoncé des "mesures extraordinaires, y compris, si nécessaire, la suspension de certains droits et privilèges".

• Des contrôles renforcés aux aéroports. En Ouganda, un passager présentant des symptômes du type Ebola arrivé à l'aéroport d'Entebbe avait ainsi été placé à l'isolement. Mais les résultats du test passé par le passager se sont révélés négatifs.

> Le risque d'une propagation d'Ebola à d'autres continents est-il écarté?

Ce risque existe bel et bien, mais les autorités sanitaires se veulent rassurantes. Les rapatriements de ressortissants occidentaux semblent raviver ces peurs d'une "importation" d'Ebola. Ainsi jeudi, un premier malade européen a été rapatrié en Espagne pour être soigné. Il y a quelques jours, deux Américains sont également revenus dans leur pays et auraient bénéficié de l'efficacité d'un sérum secret.

Pourtant, le commissaire européen chargé de la Santé, Tonio Borg, a estimé vendredi "extrêmement faible" le risque que l'épidémie de fièvre hémorragique Ebola se propage sur le continent. De même le docteur Brigitte Vasset de Médecins sans frontières, rappelait il y a quelques jours que ce risque, bien que "faible, n'est pas nul" ou quasiment nul, comme il pouvait l'être à la mi-mars.

Plus alarmistes, des responsables sanitaires américains ont jugé inévitable jeudi, que des cas d'infections soient découverts aux Etats-Unis. "Nous vivons dans un monde où nous sommes tous connectés et, inévitablement, il y aura des voyageurs, des ressortissants américains et d'autres qui se rendront dans ces pays (...) et reviendront ici avec des symptômes", a notamment expliqué à la Chambre des réprésentants Tom Frieden, le directeur des Centres fédéraux de contrôle et de prévention des maladies (CDC).

David Namias et AFP