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VIH, syphilis, gonorrhée... Les IST vont-elles battre des records aux Jeux olympiques?

Des spécialistes craignent une explosion des infections sexuellement transmissibles durant les Jeux olympiques et paralympiques organisés à Paris entre juillet et septembre 2024.

Des spécialistes craignent une explosion des infections sexuellement transmissibles durant les Jeux olympiques et paralympiques organisés à Paris entre juillet et septembre 2024. - BFMTV

Durant les Jeux olympiques et paralympiques, programmés respectivement du 26 juillet au 11 août et du 28 août au 8 septembre 2024, 16 millions de touristes sont attendus dans les rues de la capitale. Le risque d'une diffusion importante d'infections sexuellement transmissibles pèse sur la fête.

Chlamydia, gonorrhée, syphilis... Des invitées indésirables pourraient perturber la fête des Jeux olympiques de Paris 2024, qui doivent s'ouvrir dans cinq mois jour pour jour, le 26 juillet. Ces infections sexuellement transmissibles (IST) se propagent à l'occasion de rapports sexuels non-protégés. Des rapprochements statistiquement plus fréquents lors de grands rassemblements: concerts, festivals ou... JO.

En 2021, en amont des Jeux de Tokyo, les autorités sanitaires japonaises s'étaient inquiétées d'une forte diffusion des IST dont la circulation n'avait "pas diminué par rapport à avant le début de la pandémie". "Il existe des risques d'importation et de propagation" du VIH, même s'il est "probable que les cas ne soient détectés qu'après" les JO, notaient-elles.

Une autre étude réalisée après les JO de Sydney en 2000 avait mis en lumière ce phénomène. "La proportion de personnes présentant des symptômes ou un contact connu avec une infection sexuellement transmissible (IST) était plus élevée pendant les Jeux", une hausse de l'ordre de 29%.

Soucieuse du risque que ces infections pourraient faire peser sur les systèmes de santé français, Dominique Costagliola, épidémiologiste et spécialiste du VIH, a lancé l'alerte en janvier dernier dans une revue de l'Inserm.

"Beaucoup de personnes sont attendues et nous nous attendons à des contacts entre ces personnes, y compris sexuels", explique-t-elle à BFMTV.com. "Ceux-ci risquent de faire augmenter la diffusion des IST durant cette période."

Les experts sollicités par BFMTV.com évoquent prioritairement la diffusion d'IST "classiques": chlamydia, gonorrhée, syphilis et le VIH. Des infections dont la circulation est déjà en hausse à l'échelle mondiale et française.

Le "challenge" d'une mesure à 16 millions d'inconnues

Cet été, 16 millions de touristes venus du monde entier devraient converger vers la capitale durant les Jeux olympiques puis paralympiques. Mécaniquement, en raison du nombre de personnes présentes, mais aussi de l'esprit festif de l'événement organisé en plein été, les infections vont sans doute partir à la hausse. Mais l'estimation de celle-ci a tout d'un casse-tête.

"Mesurer les augmentations de cas d'IST durant les grands événements, comme les Jeux olympiques, est un véritable challenge", expliquent les services de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) à BFMTV.com.

Plusieurs éléments rendent la mesure difficile. La principale: l'absence de symptômes visibles chez de nombreuses personnes infectées. Autre problème, "ces symptômes peuvent ne se manifester qu'après le retour (des visiteurs des Jeux, NDLR) dans leur pays d'origine", ajoute l'OMS.

Une hausse pourrait donc tout à fait avoir lieu mais rester invisible quelques temps. C'était par exemple le cas aux premières semaines de la pandémie de Covid-19, durant lesquelles l'absence d'accès aux tests rendait encore plus difficile le suivi du nombre de cas.

De son côté, Santé publique France n'attend pas d'"augmentation du nombre de diagnostics d'IST durant la période des Jeux olympiques ou paralympiques". L'organisme évoque cependant les "diagnostics" et pas les "infections" - un nombre inconnu pouvant potentiellement ne pas être détecté lors du passage à Paris.

Une épreuve pour les services de santé?

Qu'il s'agisse d'une vague, d'une vaguelette ou d'un tsunami, la question appelle des sujets de prévention et de préparation. "Sur le terrain, il faudra se préparer à l'éventualité d'une augmentation des situations d'urgence pour des prescriptions de traitement post-exposition contre le VIH, ou des dépistages d'IST", met en garde Dominique Costagliola. "Cela impactera les services d'urgence."

Les services de santé d'Île-de-France anticipent déjà une période estivale plus tendue qu'à l'accoutumée. L'Agence régionale de santé prévoit de "renforcer sans surmobiliser" ses effectifs. Des tensions qui seront provoquées par toutes les maladies et blessures, pas spécifiquement les IST.

Mais prévenir marche mieux que guérir. En ce sens, "pour cette période, Santé publique France poursuit ses efforts de promotion de la santé sexuelle: un travail actif de mise à disposition de brochures spécialisées est d'ores et déjà en cours". L'agence de santé prévoit une campagne de sensibilisation en amont de la séquence, du 3 au 9 juin, durant la semaine de la santé sexuelle.

 Comment la gratuité des préservatifs va-t-elle être mise en place ?
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Plus de 200.000 préservatifs pour les athlètes

Pour ne pas faire capoter les jeux: sortez couverts. C'est le mantra des organisateurs de Paris 2024. S'ils ne travaillent pas sur la question de la santé sexuelle en direction du grand public, ils sont soucieux de celle des délégations invitées cet été.

Des campagnes de prévention à destination des athlètes sont prévues. "Nous allons mettre à disposition des dispositifs de protection de plusieurs types: préservatifs masculins et féminins, avec ou sans latex ainsi que des digues buccales", planifient Laurent Dalard, le directeur de la prévention et Philippe Le Van, le "Chief medical Officer" de Paris 2024. Ce sont plus de 200.000 préservatifs qui seront distribués.

"Nous nous sentons concernés par ce sujet récurrent. Il y a dans la population - y compris chez les athlètes - une augmentation de la circulation des IST", déplorent-ils.

Des précautions, oui, mais rien de drastique. Les Jeux de Paris ne s'annoncent pas comme les plus chauds. En 2016, en pleine prolifération du virus Zika, l'OMS avait encouragé les touristes de pratiquer uniquement des relations sûres à leur retour chez eux... Voire à "s'abstenir de tout rapport sexuel pendant au moins huit semaines".

Tom Kerkour