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Une étude identifie des facteurs de risque de la maltraitance physique infantile précoce

Un nourrisson dans son berceau le 5 juin 2001 au service maternité de l'hôpital franco-britannique de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine).

Un nourrisson dans son berceau le 5 juin 2001 au service maternité de l'hôpital franco-britannique de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine). - DIDIER PALLAGES / AFP

Des équipes de chercheurs ont cherché à identifier les facteurs maternels avant et après la naissance qui sont associés à la maltraitance physique infantile précoce.

La maltraitance chez l’enfant touche toutes les classes sociales et des enfants de tous âges, y compris des nourrissons. Les équipes du service de pédiatrie générale et maladies infectieuses de l’hôpital Necker-Enfants malades AP-HP, Université Paris Cité, de l’Inserm, du groupement d’intérêt scientifique EPI-PHARE (ANSM/Cnam) et du CHU de Nantes ont cherché à identifier les facteurs maternels avant et après la naissance qui sont associés à la maltraitance physique infantile précoce (MPI), c’est-à-dire l’usage intentionnel de la force physique envers un enfant avant l’âge d'un an. Des analyses menées sur l'ensemble de la population française sur une dizaine d'années.

Les résultats de l’étude mise en ligne, coordonnée par la sage-femme Flora Blangis et le professeur Martin Chalumeau, ont été publiés dans le Lancet Regional Health-Europe.

"L'objectif c'était d'étudier les facteurs de risques maternels prénataux et postnataux associés à une maltraitance physique infantile chez les nourrissons de moins d'un an " explique à BFMTV Flora Blangis, post-doctorante en épidémiologie. " Ça permet d'augmenter nos connaissances sur ce phénomène, d'avoir donc une meilleure compréhension de la maltraitance et de pouvoir par la suite développer des programmes de prévention. (…) Plus on augmentera les connaissances sur ce phénomène, plus on pourra avoir des programmes de prévention ciblés et efficaces", assure-t-elle.

Des facteurs associés

Selon l'OMS, la maltraitance des enfants peut avoir de graves conséquences à court et à long terme, notamment sur la santé physique et mentale. Selon l'étude elle expose les victimes à des "troubles du développement neurologique, des troubles mentaux et des maladies somatiques".

Dans ces recherches, c’est le diagnostic hospitalier de maltraitance qui a été retenu. Les chercheurs ont utilisé les données du registre national Mère-Enfant EPI-MERES (construit à partir du Système National des Données de Santé) en prenant en compte tous les nourrissons nés en France entre 2010 et 2019: "Parmi les 6.897.384 nourrissons inclus, 2.994 d’entre eux ont eu un diagnostic de MPI précoce à un âge médian de 4 mois", précise l’article.

"On a comme facteurs associés à la maltraitance physique infantile de faibles ressources financières, un âge inférieur à 20 ans comparé aux mères qui ont entre 35 et 40 ans, un trouble de l'usage de l'alcool, de l'usage d'opiacés, avoir été hospitalisée pour des violences conjugales, avoir une pathologie psychiatrique chronique ou une pathologie somatique chronique maternelle et également pour les mères, avoir été hospitalisée en psychiatrie. On a regardé ces données un an avant la grossesse, pendant la grossesse et un an après la grossesse " analyse Flora Blangis.

Chez le nourrisson, on retrouve comme principaux facteurs indépendants les plus fortement associés à la MPI une grande prématurité et un diagnostic d’une pathologie neurologique chronique sévère.

La chercheuse précise que "l'étude ne permet pas de dire qu'il y a une relation de causalité" ; elle évoque "un environnement plurifactoriel". "Par exemple quand on dit que le jeune âge maternel est un facteur de risque de maltraitance, (...) on parle d’un environnement où il y a plus de risque. On ne peut pas dire qui a été l'auteur de la maltraitance (...). C'est aussi l'intérêt de notre étude, c'est de montrer qu'il y a de nombreux facteurs de risque et qu'ils doivent être pris en compte d’une manière globale pour pouvoir avoir des actions de prévention efficaces", conclut la post-doctorante.

Mieux comprendre les mécanismes de la maltraitance physique infantile précoce

Si les facteurs maternels ont été étudiés avec les données du registre national Mère-Enfant EPI-MERES, ce n’est pas le cas pour les facteurs liés au père qui ne sont donc pas analysés dans ces recherches.

L'objectif de ces travaux selon les conclusions des scientifiques est de favoriser "une meilleure compréhension des mécanismes de la MPI et le développement de programmes de prévention efficaces" en englobant tous les facteurs de risque mis en évidence.

"Par exemple faire une stratification du risque en maternité", avance Flora Blangis. "C'est-à-dire que l'étude de ces facteurs de risque permettrait aux soignants en maternité de s’aider de nos résultats pour pouvoir allouer les actions de prévention qui existent déjà aux personnes qui en ont le plus besoin (…) Les personnes pour lesquelles l’environnement est le plus à risque".

Cela fait plusieurs années que Flora Blangis, qui a reçu notamment en 2023 le prix Jeunes talents L’Oréal-Unesco pour les femmes et la science décerné à 35 jeunes chercheuses, travaille avec d'autres équipes sur les questions de maltraitance infantile: "En France et dans le monde d'une manière globale, il y a peu de recherche sur ce sujet donc c'est une thématique importante à aborder (…) Tout type de maltraitance, physique, sexuelle, psychologique ou encore négligence mérite d'être étudiée. Il y a énormément de travaux à faire sur tous ces sujets-là".

Selon des précédents travaux cités par l’INSERM, la maltraitance physique concernerait 4% à 16% des enfants âgés de moins de 18 ans dans les pays à hauts revenus et environ un tiers des diagnostics de maltraitance physique sont posés avec retard.

Caroline Dieudonné