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Santé

Un traitement prometteur pour soigner le lupus

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Les patients souffrant de lupus érythémateux disséminé (LED) pourraient bénéficier bientôt d'un traitement d'un nouveau genre. L'immunologiste française Sylviane Muller, en lice pour le "Prix de l’inventeur européen", a trouvé le moyen de soulager les symptômes mais aussi d'arrêter la progression de la maladie.

Depuis 2006, l'Office européen des brevets (OEB) remet chaque année le "Prix de l’inventeur européen" qui vise à contribuer à faire avancer la science et créer de la valeur et des emplois en Europe et dans le monde. Ce prix prestigieux est décerné dans cinq catégories: Industrie, PME, Recherche, Pays non membres de l'OEB et Œuvre d'une vie. "Il entend honorer les scientifiques, chercheurs et ingénieurs, dont les inventions ont été brevetées auprès de l'OEB et ont contribué au progrès technologique", précise l'OEB.

Cette année, les finalistes sont au nombre de 15, dont deux Français présents dans la catégorie "Recherche". L'un de ces deux projets est mené par l'immunologiste Sylviane Muller au sein du laboratoire de l’Université de Strasbourg, qui fait partie du Centre national de la recherche scientifique (CNRS).

Il concerne le traitement du lupus érythémateux disséminé (LED), une maladie auto-immune chronique dans laquelle le système immunitaire s'attaque aux tissus sains du corps. Parmi les signes cliniques les plus fréquents, on observe des douleurs articulaires intenses, des lésions cutanées du visage et des atteintes rénales. Selon le CNRS, cette maladie qui a la particularité de se manifester sous des formes variées touche plusieurs millions de personnes dans le monde, dont 80.000 à 100.000 en France.

Une découverte inattendue

Il n'existe encore aucun médicament pour guérir cette maladie, qui impose des restrictions sévères dans le mode de vie, mais Sylviane Muller a trouvé la parade: un traitement capable de "désactiver" le lupus en agissant sur ses causes cellulaires sans engendrer d'effets secondaires nocifs, contrairement aux traitements actuels.

"L'invention de Sylviane Muller est une percée dans le traitement de cette maladie auto-immune incurable, qui affecte la qualité de vie de millions de personnes. Pour la première fois, elles peuvent espérer un traitement ciblé, capable d’éteindre littéralement le lupus", a déclaré le président de l'OEB, Benoît Battistelli, lors de de l'annonce des finalistes.

L'immunologiste a mis au point son traitement en commençant par analyser les causes cellulaires profondes du lupus. "A l'époque, nous n'avions pas l'intention de développer un médicament, nous cherchions seulement une façon de diagnostiquer le lupus. C'est alors que nous avons découvert qu'un peptide (une courte chaîne d'acides aminés, NDLR) particulier ralentissait fortement la maladie", explique-t-elle.

Pendant ses recherches, elle a également constaté que des globules blancs particuliers, les CD4+, apparaissaient systématiquement comme des déclencheurs des cas de lupus étudiés. Il fallait donc trouver comment limiter leur action en mettant au point un traitement ciblé. "Nous avons synthétisé ces peptides et vu qu'ils réagissaient avec les cellules immunitaires des patients atteints de lupus", ajoute la scientifique.

Du laboratoire au marché

À terme, cette découverte pourrait servir pour des médicaments contre d'autres maladies auto-immunes. Car elle a permis de résoudre un problème majeur qu'est l'affaiblissement du système immunitaire du patient. En effet, les traitements actuels consistent à désactiver totalement le système immunitaire pour stopper la maladie mais ce faisant, ils laissent la porte ouverte aux infections. Il existe aussi des médicaments à base de stéroïdes, mais ces derniers peuvent également entraîner des effets secondaires importants.

Ce peptique synthétique agit donc comme un "immunomodulateur": il permet de modifier la réponse immunitaire du corps pour stopper la maladie plutôt que de la supprimer. L'inventrice a déposé un brevet avec son équipe en 2001, et co-fondé deux entreprises basées sur ses découvertes: Neosystem (aujourd'hui Polypeptide France) et ImmuPharma en 2002. Une étape essentielle, selon Sylviane Muller.

"C'est très important car, sans brevet, aucune industrie pharmaceutique ou grande entreprise ne s'intéressera à vous, et votre travail ne sera pas reconnu", indique-t-elle. En cours de commercialisation sous le nom "Lupuzor", le traitement devrait être mis sur le marché dès 2018. Ce dernier sera lancé aux États-Unis et dans cinq pays européens et, selon ImmuPharma, les ventes annuelles pourraient dépasser les 940 millions d'euros.

"Sur le marché américain, où la procédure d'approbation de la Food and Drug Administration est actuellement accélérée, il est attendu qu'il contribue à 80% des ventes", précise l'Office européen des brevets. L'institution annoncera les lauréats de cette 12e édition à Venise le 15 juin. Parmi les trois finalistes de la catégorie "Recherche" figure également le généticien néerlandais Hans Clevers, qui travaille sur des organes humains (organoïdes) développés en laboratoire.

Alexandra Bresson