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Triclosan: des scientifiques appellent à le bannir des produits cosmétiques

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- - iStock - Vicheslav

Malgré les nombreuses études qui mettent en avant sa toxicité, le triclosan apparaît toujours dans de nombreux produits d'usage quotidien, comme le dentifrice et les produits cosmétiques, mais aussi les chaussures et vêtements de sport. C'est pourquoi des scientifiques lancent un appel pour interdire son usage.

On le trouve dans certains dentifrices, savons et désinfectants que nous utilisons tous les jours et dans de nombreux autres produits courants (vêtements, produits ménagers, meubles, jouets...). Le triclosan est un pesticide antibactérien suspecté d'être cancérogène et d'appartenir à la famille des perturbateurs endocriniens. Des substances chimiques d’origine naturelle ou artificielle étrangères à l’organisme qui peuvent interférer avec le fonctionnement du système endocrinien.

Elles seraient ainsi susceptibles de provoquer des effets sur la santé comme des malformations congénitales, des troubles du neurodéveloppement ou troubles du comportement ou encore des cancers du sein. Selon l'Ineris*, une loi européenne de 2013 établit que l’utilisation du triclosan en tant que conservateur ne doit pas dépasser 0,3 % pour les dentifrices, savons, gels-douche, déodorants en stick, poudres pour le visage, produits anticernes et produits de manucure, et 0,2% pour les bains de bouche.

Mais aux yeux de plusieurs scientifiques, cette mesure de précaution n'est pas suffisante. Ils sont en tout 206 médecins et experts en médecine issus de 29 pays ainsi que neuf organisations sanitaires européennes à remettre en question son utilisation. Leur appel mondial, "The Florence Statement on Triclosan", a été publié dans la revue scientifique Environmental Health Perspectives.

Beaucoup de risques sanitaires pour peu de bénéfices

Dans cet article, ils appellent la "communauté internationale à limiter la production et l'utilisation du triclosan" exclusivement aux applications médicales et "à remettre en question, d'une manière générale, le bénéfice des produits de désinfection." En France, quatre organismes sont signataires: l'Association pour la Recherche Thérapeutique Anti-Cancéreuse (ARTAC), l'Association Santé Environnement France (ASEF), l'Association Santé Environnement Rhône-Alpes (SERA) et Women Engage for a Common Future France (WECF).

Tous ces experts sont formels: le triclosan en tant que mocélule a une action hormonale et peut être décelé dans le lait maternel presque partout dans le monde. "La substance est soupçonnée de déclencher le cancer du sein, d'altérer les spermatozoïdes, d'attaquer le foi et les muscles ainsi que de favoriser la résistance aux antibiotiques. De plus, la substance irrite la peau", explique Peter Kälin, président des Médecins en faveur de l’Environnement en Suisse.

"Le triclosan est un allergène connu", ajoute Silvia Pleschka de la Fédération Allemande Asthme et Allergies. Outre les risques sanitaires, Hanns Moshammer des Médecins pour un Environnement Sain (MES) affirme aussi que "le triclosan dans les produits cosmétiques ne présente aucun bénéfice immédiat. À cette concentration, il n'a pas d'action désinfectante sur la peau". "Il peut toutefois nuire à la flore cutanée", complète son collègue autrichien, Hans-Peter Hutter, professeur associé et docteur en médecine, de Médecine et Protection de l’Environnement (MPE).

Son utilisation n'est pas indispensable

En France, de nombreuses analyses menées sur les produits d'hygiène et de cosmétiques par les associations 60 millions de consommateurs et UFC-Que Choisir montrent à quel point son utilisation, ainsi que celle d'autres perturbateurs endocriniens et allergènes, est répandue. Ces derniers mettent d'ailleurs en garde contre "l'effet cocktail" lié aux produits qui les cumulent.

Sur le triclosan, UFC-Que Choisir indique ainsi que ce puissant agent antibactérien "agirait non seulement sur les hormones œstrogènes, mais aussi sur la fonction thyroïdienne. Double peine au sujet de laquelle quelques grandes marques, heureusement de plus en plus rares, préfèrent se voiler la face." Il n'est donc pas anormal, mais inquiétant, de constater que sa présence se décèle dans le corps, voire dans le lait maternel, dans de nombreux pays.

"Le triclosan s’y trouve parce qu’il se dégrade très mal dans l’environnement et qu’il est actuellement décelable dans presque tous les compartiments environnementaux de par le monde", affirme le Professeur Dominique Belpomme, président de l'ARTAC. Jacqueline Collard, présidente de l'Association Santé Environnement Rhône-Alpes (SERA, France) dresse le bilan: "Il n'est plus acceptable que le triclosan continue à apparaître dans de nombreux produits quotidiens d'hygiène même pour les enfants en bas âge".

Reste à savoir si cet appel sera entendu, alors même que les Etats membres de l'Union Européenne n'arrivent pas à se mettre d'accord sur une même définition d'un perturbateur endocrinien. Par ailleurs il existe, à l'instar du bisphénol A, des alternatives à son utilisation. L'Ineris explique que le triclosan est substituable en tant que conservateur dans les cosmétiques et qu'à ce titre plusieurs marques ont cessé de l'utiliser.

Mais il reste cependant indispensable pour deux usages: les dentifrices et produits destinés aux adolescents (déodorants, soin du visage anti-acné) en raison de son activité antibactérienne. "Les informations recueillies laissent à penser que des démarches de substitution ont été initiées mais n’ont pas encore abouti pour l’ensemble des secteurs utilisateurs de triclosan: la tendance à la raréfaction de l’usage de cette substance devrait ainsi se confirmer dans les années à venir.", conclut l'Ineris. Mais la même question se pose avec ces substituts: seront-ils exempts de toute toxicité pour l'organisme?

*Institut national de l'environnement industriel et des risques 

Alexandra Bresson